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20 ans avant le Hirak, il y avait le Printemps noir

20 ans avant le Hirak, il y avait le Printemps noir

Le 18 avril 2001, le meurtre d’un jeune lycéen dans la brigade de gendarmerie de Beni Douala (Tizi-Ouzou) déclenche un soulèvement populaire dans toute la Kabylie.

Le mouvement va durer plus de quatre ans. Si l’élément déclencheur était l’assassinat du jeune Guermah Massinissa, 18 ans, c’était en fait des décennies de frustrations, de dénis et de soif de justice qui avaient remonté subitement à la surface et donné au mouvement la force qu’on lui connaît.

Le mouvement des arouchs, ou le mouvement citoyen, avait mis à mal le début de règne de Bouteflika par la détermination et l’unité de la population de la région qui frisait l’unanimité autour de revendications claires contenues dans la plateforme d’El-Kseur.

Des revendications à caractère national pour la plupart et d’essence démocratique, citoyenne, identitaire et sociale. Pendant plusieurs mois, des émeutes ont lieu dans toutes les localités de Kabylie, suscitant une répression démesurée : 126 jeunes ont été tués par les forces de l’ordre, la majorité par balles.

D’où le nom de Printemps noir donné à ces événements. Aucun responsable n’a rendu des comptes sur ces crimes, hormis le gendarme qui a tiré sur le jeune Massinissa, condamné à une légère peine de prison.

Certains des responsables de l’époque directement concernés par les événements sont aujourd’hui décédés, comme le ministre de l’Intérieur Yazid Zerhouni, accusé d’avoir jeté de l’huile sur le feu en qualifiant le lycéen Massinissa de « voyou », le chef de la gendarmerie, le général Boustella, celui de la police, Ali Tounsi.

Le président de la République et son chef de gouvernement (Ali Benflis) sont encore en vie mais comme tous les autres, ils n’ont jamais été inquiétés et ne le seront sans doute jamais.

En dépit des conclusions de l’enquête confiée au juriste Mohand Issad (décédé en 2011) qui avait accablé l’auteur des tirs sur Massinissa et tout ce corps de sécurité dans les événements qui vont suivre, aucune sanction à la hauteur de la gravité de ce qui s’est passé n’a été prononcée.

Le dossier de ces événements est comme définitivement clos après les négociations et l’accord de 2005 entre les représentants du mouvement Arouch et celui du pouvoir, Ahmed Ouyahia, alors chef du gouvernement.

Même combat pour le changement

Concernant les acquis, le bilan reste diversement apprécié. Sur les 14 points contenus dans la plateforme d’El Kseur, certains ont été satisfaits ou pris en charge partiellement, d’autres non.

On notera le redéploiement du corps de la gendarmerie nationale en Kabylie avec la fermeture de certaines brigades, la reconnaissance de Tamazight comme langue nationale, l’indemnisation des victimes… Sur les revendications de démocratisation du pays, le pouvoir n’a rien cédé.

Vingt ans après, le peuple est de nouveau dans la rue, cette fois à travers tout le territoire national, pour réclamer le changement que le mouvement des arouchs n’avait pas pu imposer.

Le Hirak est déclenché le 22 février 2019 par un autre élément, éminemment politique : le refus du président Bouteflika de partir à l’issue de quatre mandats consécutifs. C’est-à-dire le même personnage politiquement responsable des événements de 2001 et des dizaines de victimes qui sont tombées. Bouteflika a fini par céder le 2 avril, mais les marches se sont poursuivies. Comme en 2001, la revendication centrale c’est le changement.

Dans les manifestations imposantes qui durent depuis deux ans, il est toujours fait référence au mouvement d’il y a vingt ans en Kabylie, rappelant ses points forts, mais aussi ses faiblesses et ses erreurs.

Ceux qui par exemple refusent une représentation même horizontale du Hirak rappellent que le mouvement des arouchs avait pu être vaincu parce qu’il s’était doté de représentants identifiés.

C’est aussi en se servant de l’expérience dramatique du Printemps noir que les jeunes qui manifestent chaque vendredi insistent tant sur la « silmia », le pacifisme, et mettent en garde contre le recours à l’émeute comme moyen d’expression et de revendication.

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