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Algérie : comment la France aggrave elle-même sa perte d’influence

Algérie : comment la France aggrave elle-même sa perte d’influence

Par luzitanija / Adobe Stock
Au fil des années, la France perd son influence culturelle en Algérie.

Le recul de l’influence culturelle, économique et politique de la France ne se limite pas à l’Algérie et n’est pas la conséquence de la seule crise politique en cours entre les deux pays. Elle est palpable, et depuis plusieurs années, partout au Maghreb et au Sahel.

Avec l’Algérie, l’attitude d’une partie de la classe politique française constitue un facteur aggravant.

Le passage à l’anglais comme langue de sciences et d’universalité est un vieux projet en Algérie même si, il est vrai, que plusieurs mesures fortes dans ce sens ont commencé à être prises à partir de 2019. Celles-ci restent en tout état de cause antérieures à la crise qui a débuté en juillet 2024.

Le Maroc aussi, pourtant grand allié de la France, a pris le même cap, de même que de nombreux pays africains, notamment dans la région du Sahel.

Climat de tension permanent

Cette perte d’influence de la langue et de la culture françaises se sont accompagnées d’un recul de l’impact politique de la France et de sa présence économique dans les mêmes régions considérées autrefois comme ses zones d’influence.

C’est tout le rayonnement international de la France qui ternit progressivement pour des raisons à chercher du côté de la géostratégie mondiale, des nouveaux équilibres économiques, des choix politiques et diplomatiques de Paris et évidemment de la situation française intérieure.

Avec l’Algérie, il faut dire que la France ne fait pas ce qu’elle doit pour y préserver sa place culturelle et économique.

Les tensions diplomatiques ne sont pas faites pour renforcer les liens, quels qu’ils soient. En plus de la crise politique en cours, précédée par plusieurs autres brouilles ces dernières années, le cas de la France est aggravé par le climat de tension entretenu par l’extrême-droite et ses relais médiatiques autour de l’Algérie et tout ce qui s’y rattache : les Franco-Algériens, l’immigration algérienne, la mémoire et le passé colonial…

Pourquoi la France perd son influence culturelle en Algérie

Pour saper l’image de la France en Algérie, on ne s’y prendrait pas autrement. On ne peut prétendre à une relation apaisée, encore moins à une forte présence et une influence effective, avec un pays qu’on attaque au moindre prétexte.

La droitisation de la classe politique, et de plus en plus de la décision politique avec le durcissement de législation migratoire, permet peut-être de contrôler ou de réduire les flux, mais les conséquences peuvent être désastreuses avec les pays de provenance lorsqu’une telle politique est accompagnée de stigmatisations, de haine, de rejet et parfois d’insultes, comme en témoignent les débats interminables sur l’accord de 1968 et l’immigration algérienne en France.

Jeudi, lors de l’adoption par l’Assemblée nationale française d’un projet de proposition visant à dénoncer cet accord, la députée écologiste Sabrina Sebaihi a dénoncé une « chasse aux Algériens qui continue en France ».

Les droites et leurs relais médiatiques, nostalgiques d’un temps révolu, passent leur temps à s’attaquer à l’Algérie, souvent avec des mensonges et des contrevérités, chauffant à blanc une partie de l’opinion publique déjà acquise à leurs thèses.

Or, les Algériens ne peuvent percevoir autrement les attaques dont ils font quotidiennement l’objet.

Lors de son audition la semaine passée devant le Parlement, le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot a évoqué des entraves à l’enseignement du français en Algérie, qu’il a liées à la crise diplomatique qui dure depuis plus d’une année.

Il a cité le refus des autorités algériennes d’autoriser l’extension du réseau d’écoles françaises en Algérie ou encore l’interdiction faite aux écoles privées d’enseigner le programme français.

Cela échappe peut-être aux autorités françaises, mais leurs homologues algériennes n’ont nul besoin de prendre des mesures pour décourager l’apprentissage du français.

La France le fait à leur place et de manière efficace. À titre d’illustration, en serrant la vis sur l’accès des Algériens aux études universitaires en France, le gouvernement français enlève aux familles algériennes la seule raison qui pouvait les inciter à encourager leurs enfants à apprendre le français.

Quand on a le français comme deuxième langue, le seul débouché pour des études à l’étranger, c’est évidemment la France. Et quand étudier en France devient problématique, la solution évidente est de se détourner du français pour une autre langue qui ouvre les universités américaines, anglaises, canadiennes, allemandes et autres. C’est un choix pragmatique, pas difficile à comprendre.

Des positions économiques fragiles

D’autant plus que la préférence des étudiants algériens pour les universités françaises était seulement dictée par le facteur de la langue. Sur le plan de la qualité et du prestige, ils peuvent trouver mieux ailleurs.

Sur le plan économique, la France continue de céder du terrain aux autres grandes puissances économiques. La Chine l’a détrônée il y a des années de sa position de principal fournisseur du pays.

L’Algérie n’achète plus ni du blé, ni de l’automobile de France. À part ceux qui ont profité de l’ouverture économique opérée par l’Algérie au début des années 2000 comme les banques Société Générale ou BNP Paribas, aucun grand groupe français n’a annoncé une implantation ou un investissement majeur dans le pays ces dernières années.

Le cas du constructeur Renault, dont l’usine algérienne reste fermée depuis 2020 et qui n’arrive pas à rouvrir faute d’accord avec le gouvernement algérien, illustre cette perte d’influence économique française en Algérie.

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