Après le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot dimanche 6 avril, un autre membre du gouvernement français est attendu incessamment à Alger.
Il s’agit du ministre de la Justice Gérald Darmanin qui devra évoquer avec ses vis-à-vis algériens le volet de la coopération judiciaire de la feuille de route tracée par les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron pour un retour normal entre les deux pays. Les questions des « biens mal acquis » et des extraditions seront évidemment au centre des discussions.
La visite de Jean-Noël Barrot à Alger, le 6 avril, a au moins le mérite d’avoir eu lieu. Elle a permis à Alger et Paris de reprendre langue après huit mois de quasi coupure.
En attendant la concrétisation des engagements pris, des signaux positifs ont été décelés par ceux qui ont approché de près le chef de la diplomatie française et son homologue algérien le 6 avril. Tous les dossiers de la relation bilatérale, y compris ceux qui fâchent, ont été mis sur la table et évoqués avec franchise.
Algérie – France : visite imminente de Darmanin à Alger
Pour une visite de reprise de contact après une longue brouille, les décisions prises constituent une énorme avancée.
Les deux parties se sont mises d’accord pour la « réactivation, dès aujourd’hui, de tous les mécanismes de coopération dans tous les secteurs », a résumé le chef de la diplomatie française dimanche après avoir été reçu par le président Abdelmadjid Tebboune.
Après une si longue période de froid, les dossiers, dans tous les secteurs, se sont accumulés et les deux capitales n’ont plus de temps à perdre, d’autant plus que certains dossiers revêtent le caractère de l’urgence.
Dimanche, Jean-Noël Barrot a révélé avoir confirmé au président Tebboune la visite prochaine en Algérie de son collègue de la Justice Gérald Darmanin.
Une visite qui « s’accompagnera d’une reprise du dialogue judiciaire entre nos deux pays », a-t-il assuré.
Parmi les dossiers qui seront au menu, le chef de la diplomatie française a cité celui des biens mal acquis, précisément l’exécution des commissions rogatoires émises par la justice algérienne. La question des biens mal acquis est vue différemment.
Alger, qui mène une lutte contre la grande corruption des oligarques de l’ère Abdelaziz Bouteflika (199-2019) veut récupérer les biens des personnes condamnées par la justice dans le cadre.
« La France n’a jamais répondu aux commissions rogatoires, près de 100, lancées par la justice algérienne et protège ainsi les corrompus et les avoirs issus de la corruption », a critiqué le diplomate Abdelaziz Rahabi dans un entretien à TSA publié le 18 mars dernier.
Jean-Noël Barrot a aussi indiqué avoir évoqué « l’invitation par les services en charge du Parquet national financier à leurs homologues algériens à se rendre à Paris pour étudier tous les dossiers ».
France – Algérie : Gérald Darmanin attendu prochainement à Alger
Gérald Darmanin se rendra à Alger incessamment et écoutera de vive voix les attentes algériennes, a-t-on appris de source sûre. Les deux pays butent sur la question des extraditions qui font partie des dossiers qui fâchent entre les deux pays.
Le désaccord concerne les personnes à extrader pour Alger, et à expulser pour Paris. L’Algérie ne partage pas la méthode de « criblage » française des personnes à expulser.
La justice algérienne réclame plusieurs individus installés en France et poursuivis ou condamnés en Algérie pour des faits de corruption commis sous l’ancien président ou des actes de subversion.
Jusque-là, la justice française n’a pas donné suite à ces demandes, du moins aucune extradition n’a été annoncée publiquement.
La diplomatie algérienne a eu à dénoncer en janvier dernier la sélectivité des autorités françaises dans les extraditions, insistant pour l’éloignement des clandestins et refusant de livrer les personnes recherchées.
Les deux pays sont pourtant liés par une nouvelle convention d’entraide judiciaire signée en 2019 et ratifiée par la France en mars 2021 et par l’Algérie en mai de la même année.
Elle stipule que les deux pays « s’engagent à se livrer réciproquement, selon les règles et sous les conditions établies par cette convention, les personnes poursuivies ou condamnées par leurs autorités judiciaires compétentes ».
Le cas le plus médiatique est celui de l’ancien ministre de l’Industrie Abdeslam Bouchouareb, condamné en Algérie cinq fois à 20 ans de prison pour corruption.
Malgré six demandes d’extradition émises par la justice algérienne, Bouchouareb est assuré de ne pas être remis à l’Algérie après l’arrêt rendu en mars dernier par la cour d’appel d’Aix-en-Provence. La décision est définitive.
L’Algérie, par la voix du ministère des Affaires étrangères, a dénoncé « l’absence totale de coopération du gouvernement français en matière d’entraide judiciaire, en dépit de l’existence de nombreux instruments juridiques internationaux et bilatéraux prévus à cette fin ».
Extraditions : un premier test sérieux pour l’apaisement entre Alger et Paris
Autre cas médiatisé, celui d’un dirigeant du MAK (classé organisation terroriste en Algérie) que la Justice française a refusé à plusieurs reprises de livrer.
Avec d’autres pays, la justice algérienne a pu obtenir des extraditions, comme l’ancien PDG de Sonatrach Abdelmoumene Ould Kaddour, extradé par les Emirats arabes unis, deux anciens militaires livrés par l’Espagne ou encore le dénommé Yacoub Belhasni extradé d’Allemagne.
En avril 2023, le président de la République avait révélé que l’Espagne a accepté de restituer à l’Algérie 3 hôtels appartenant à Ali Haddad, ancien président du patronat algérien.
La visite de Gérald Darmanin permettra-t-elle d’avancer sur ces questions épineuses ? Les discussions risquent d’être compliquées tant les autorités françaises pourront toujours mettre en avant « l’indépendance de la justice ».