En Algérie, les efforts d’intensification de la production de blé, se doublent d’une augmentation record des capacités de stockage. Lors de la prochaine campagne de moisson dans le sud du pays, de nouveaux silos et centres de proximité devraient être réceptionnés par l’Office algérien des céréales (OAIC) dans un contexte d’extension des surfaces au sud.
Samedi dernier à Alger, le ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, Youcef Cherfa a annoncé que « 260 centres de proximité de stockage des céréales seront réceptionnés d’ici juin prochain, pour atteindre une capacité de stockage globale de 17 millions de quintaux » dans la région sud. Selon l’agence APS, 65 centres devraient être réceptionnés en avril et 99 en mai 2025, selon la même source.
Algérie : les capacités de stockage de céréales vont doubler en 2 ans
En présence des directeurs des coopératives de céréales et de légumes secs (CCLS), du directeur général de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), et des représentants de différents services, le ministre a demandé la mobilisation de tous « afin d’assurer la réussite de la saison moisson-battage ».
Ces structures devraient renforcer celles déjà existantes au sud où, pendant longtemps, les investisseurs ont souffert de l’éloignement des points de collecte de céréales.
Le ministre a salué « les nouveaux acquis relatifs au renforcement des capacités de stockage et au parc de transport des céréales », selon l’agence APS.
Au début de juillet 2024, Youcef Cherfa a officiellement lancé le programme de réalisation de 30 silos et de 350 centres de proximité de stockage de céréales. Il a indiqué que ce plan intervient dans le cadre du programme du président Abdelmadjid Tebboune, « permettant ainsi d’augmenter les capacités de stockage de céréales de 4 à 9 millions de tonnes ».
« Cette capacité sera portée de 4 à 9 millions de tonnes d’ici deux ans, soit une augmentation de 5 millions de tonnes« , a indiqué le ministre le 24 mars dernier.
Un renforcement d’autant mieux accueilli que les moissons devraient débuter dès le mois de mai dans le sud du pays.
Céréales en Algérie : augmentation des surfaces
Cette année, les surfaces de blé à récolter au sud atteignent près de 150 000 hectares dont 40.000 hectares de plus par rapport à la saison passée. Aussi la flotte de camions de l’OAIC a été renforcée de 120 camions ce qui porte le nombre à plus de 1 500 selon l’APS.
Dans le sud, au défi des distances, le risque de perte partielle des récoltes de blé est lié aux tempêtes de sable, aux attaques de moineaux ou, cette année à d’éventuels essaims de criquets. Aussi, une programmation a été établie afin de renforcer les moyens logistiques.
Dans le cas du blé de consommation, la collecte concerne deux types de produits : blé dur et blé tendre. Cependant concernant la production de semences, la traçabilité des lots récoltés est essentielle, il s’agit de tenir compte des différentes variétés et des capacités d’usinage existantes au sud.
L’OAIC indique avoir prévu « le transfert des semences depuis des CCLS dépourvues de station d’usinage comme celles d’El Ménia, Ouargla et El Ouest vers les CCLS du Centre et de l’Est (Batna, Tébessa, Ain Mlila) ».
Des semences produites également dans le sud de la wilaya de Khenchela où depuis 2018 la filiale Agrico de l’entreprise publique Cosider exploite 8 000 hectares.
Dès 2021, 20.000 quintaux de semences ont été livrés à l’OAIC et par la suite un accord a été conclu pour « consacrer la totalité des parcelles mises en culture pour la production de semences » comme l’indique Cosider.
L’augmentation du nombre de centres de stockage devrait permettre d’éviter de coûteuses ruptures de charge. Jusqu’à présent, il arrivait que du blé soit provisoirement stocké à l’air libre sur des aires de collecte sommairement aménagées.
En cas d’orage, des bâches en toile servaient à protéger les grains. Ceux-ci étaient ensuite repris à l’aide de rétro-chargeurs munis de godets, de suceuses à grains ou de vis sans fin pour être chargés dans des camions se dirigeant vers des lieux de stockage permanent.
Dans le cas des vis sans fin, le travail est particulièrement pénible car celles-ci sont la plupart du temps alimentées par des ouvriers maniant des pelles.
Dorénavant, ces cargaisons devraient être directement dirigées vers des lieux de stockage appropriés. Des équipements spécifiques comme des boisseaux de chargement pourraient permettre de charger en un quart d’heure un camion là où les suceuses à grains les obligent à plusieurs heures d’immobilisation.
Les moyens humains et matériels supplémentaires mobilisés cette année devraient permettre un transfert régulier des masses de grains afin de « fluidifier l’activité des points de collecte », indique l’OAIC.
Il est déjà arrivé que l’insuffisance de camions amène les moissonneuses-batteuses à arrêter leur travail.
Les nouvelles installations réceptionnées par l’OAIC révèlent une nette amélioration des techniques de stockage de blé en Algérie.
Dans le cas du stockage à plat, la Télévision algérienne a montré des hangars dont la dalle de béton comporte des « caniveaux de ventilation » munies de grilles métalliques. Un aménagement qui permet d’insuffler de l’air sous le tas de grains et ainsi abaisser sa température. Ce dispositif évite ainsi la multiplication des insectes s’attaquant aux grains.
Des études réalisées en 2015 par l’université de Blida montrent que, dans les cas extrêmes en laboratoire, la masse de grains stockés peut être réduite de 40% par ce type d’insectes.
Stockage des céréales en Algérie : des efforts considérables
Les moyens dégagés en Algérie pour le stockage des céréales sont considérables. Fin décembre 2024, à l’occasion d’une visite de terrain à Djelfa, Youcef Cherfa avait indiqué que le montant de l’enveloppe financière consacrée à l’édification d’un silo d’une capacité d’un million de quintaux dans cette wilaya atteignait plus de sept milliards de DA.
Des efforts que remettent en question certaines pratiques frauduleuses dénoncées par la presse et confirmées par des études universitaires : le détournement du blé vers l’élevage du mouton. Des enquêtes de terrain ont révélé que des rations d’engraissement des moutons comportent parfois de l’orge à laquelle est ajouté du blé.
À cela s’ajoute la fraude plus subtile sur le taux de mouture. Certaines minoteries vendent à des éleveurs complices des issues de meuneries contenant plus que les 25 % de son de blé autorisé ; ils n’hésitent pas à rajouter de la farine au son.
Côté consommateur, au vu des efforts réalisés par les pouvoirs publics, le pain sec retrouvé dans les poubelles apparaît d’autant plus une pratique inacceptable.
Pour sa part, le marché de l’orge connaît de fortes tensions. L’OAIC l’achète aux agriculteurs au prix de 3 400 DA alors que, lors des périodes de soudure, son prix entre éleveurs peut dépasser 4 000 DA. Aussi, face à des besoins croissants en céréales, le ministre de l’Agriculture a appelé les agriculteurs à livrer la totalité de leur récolte à l’OAIC.