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Carnet de campagne française : la nausée

Carnet de campagne française : la nausée

Si l’enjeu n’était pas aussi important -occuper la plus haute fonction de l’état, au cas où certains auraient perdu de vue l’objectif de cette campagne désastreuse- on pourrait presque en rire. Les « principaux candidats » à l’élection présidentielle, c’est-à-dire les mieux classés dans les enquêtes d’opinion, ont tous accordé en début de semaine un entretien à Snapchat, l’application et réseau social plébiscité par les moins de 30 ans.

Ainsi, on a pu découvrir avec effroi, Marine Le Pen, candidate du FN, avec un filtre tête de chien, puis chantant du Dalida. François Fillon avec des lunettes de soleil aux couleurs changeantes. Benoît Hamon avec une couronne de fleurs. Ou encore Emmanuel Macron avec un filtre déformant son visage, conseillant un jeune homme amoureux de sa prof (le candidat d’En marche ! est marié avec son ancienne professeur de français).

Les « principaux candidats », dont les équipes de communication sont d’ordinaire si exigeantes avec les médias, se sont pliés au jeu pour intéresser les plus jeunes électeurs. Pour Snapchat, c’est un joli coup de pub. Et pour les prétendants à l’Élysée une belle opération de com’. Les questions ne fâchent pas, elles ne sont qu’un prétexte pour donner une image légère, cool et accessible des candidats. Il faut, au passage, saluer les équipes de Jean-Luc Mélenchon d’avoir décliné la proposition.

Au final, ce n’est peut-être pas ce spectacle, aussi ridicule soit-il, qui nous interpelle. Mais plus ces longues semaines où une majorité de candidats a passé son temps à imposer ses règles aux médias. Sollicité par Le Monde pour un entretien cette semaine, François Fillon indique qu’il ne veut pas de questions sur « les affaires ». Le journal annule finalement l’interview. Au micro de RTL, le candidat se justifie : « c’est moi qui choisis comment j’organise ma campagne, ce n’est pas Le Monde », dit-il, précisant ne pas avoir souhaité répondre « aux questions sur les affaires à huit jours de la fin de la campagne ». Il ne faut toutefois pas être dupe. Cet incident a été révélé, mais les équipes des candidats imposent de plus en plus leurs conditions aux médias qui souhaitent une interview.

Si certains journalistes sont réfractaires, nombreux, hélas, se plient aux exigences des partis. Peu importe les conditions dans lesquelles s’est déroulé le fameux entretien, l’essentiel n’est pas là. Il faut juste avoir l’interview d’untel. Cette semaine, TF1 a cédé aux exigences de Marine Le Pen, qui refusait d’apparaître derrière un drapeau européen dans l’émission Demain président ? La chaîne assume : « enlever ce drapeau était une condition fixée par Marine Le Pen pour participer à cette interview, indique le service de communication de TF1. C’était d’ailleurs la seule condition, puisqu’elle n’a rien demandé d’autre ».

Seule exigence ? Oui, sauf que plus on cède aux caprices des candidats, plus ils deviennent exigeants et se montrent irrespectueux. Tout au long de cette campagne, François Fillon a passé son temps à faire huer les journalistes dans les meetings. Jeudi soir, alors qu’il participe au dernier grand show télévisé sur France 2 avec les 11 candidats à l’Élysée, la journaliste Léa Salamé l’interroge sur la privatisation de la sécurité sociale. « Je comprends que vous posiez la question, puisque vous avez été absente quelque temps, et je me permets de vous féliciter d’ailleurs, mais j’ai déjà répondu vingt fois y compris sur ce plateau à cette question », répond Fillon. Une façon de sous-entendre à la journaliste, absente pour un congé-maternité ces dernières semaines, qu’elle n’avait pas eu le temps de s’informer correctement. La réflexion est parfaitement déplacée. Puis, c’est le même candidat qui cherche à exploiter la peur après l’attentat de jeudi soir sur les Champs-Élysées en affirmant que d’autres attaques ont eu lieu dans Paris.

Vendredi matin, il maintient ses propos alors même que le ministre de l’Intérieur et la préfecture de police ont démenti. Le candidat de la droite et du centre aurait-il été coaché par Donald Trump ? Fillon n’est toutefois pas le seul à diffuser des contre-vérités. La semaine dernière, Jean-Luc Mélenchon a osé affirmer, sans être contredit par les journalistes, que le Venezuela (autrefois pays le plus riche d’Amérique latine, désormais plongé dans le chaos), n’avait connu ni nationalisations, ni expropriations.

L’épilogue est proche : le premier tour du scrutin a lieu demain. Mais la mascarade pourrait durer. Les instituts de sondage indiquent que les premiers résultats pourraient tarder dimanche soir, si les écarts dans les urnes entre les finalistes de l’élection présidentielle sont trop faibles pour donner une projection fiable du duo de tête.

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