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Covid-19, frontières, travailleurs étrangers, Aïd : le Pr Mahyaoui nous dit tout

Covid-19, frontières, travailleurs étrangers, Aïd : le Pr Mahyaoui nous dit tout

Le Pr Riad Mahyaoui est membre du comité scientifique Covid-19. Dans cet entretien exclusif à TSA, il révèle ce qui a été décidé lors de la réunion du comité scientifique hier dimanche, évoque la situation épidémique en Algérie, les raisons de l’arrivée des variants, les conditions d’entrée des travailleurs étrangers, la vaccination…

Comment voyez-vous la situation épidémiologique en Algérie ?

La situation épidémiologique, après une très grande période d’accalmie, il y a eu une reprise de l’épidémie avec des pics dépassant les 200 cas par jour.

Ces jours-ci, on est stabilisé aux alentours des 200 cas par jour avec 6 ou 7 décès par jour. Malgré cela, on reste quand même toujours inquiet. On reste vigilant par rapport au développement de cette épidémie et l’avènement des variants.

Trois variants du Covid-19 ont été détectés en Algérie, en dépit de la fermeture des frontières. Comment cela est-il possible ?

Ce n’est pas une surprise que le variant circule en Algérie. On s’y attendait. On est en décalage par rapport aux pays européens et sud-américains.

Donc on peut bénéficier de leur expérience et de leurs erreurs qu’on peut corriger chez nous et éventuellement appliquer les mesures efficaces contre ces variants.

Et on sait très bien qu’il y a un déplacement de personnes, qu’on a des travailleurs étrangers, qu’on a des experts étrangers qui viennent travailler dans les entreprises nationales.

Donc il y a une circulation quand même assez importante de personnes étrangères comme des cadres et ingénieurs dans le bâtiment l’immobilier, le pétrole… Cela explique l’apparition du variant chez nous.

Ces travailleurs viennent en Algérie, présentent un PCR et rejoignent leur lieu de travail. Est-ce que c’est normal ?

La situation est très évolutive. Ce qui était valable avant la détection des variants n’est plus valable après. On sait très bien qu’avant le variant la période de confinement était de sept jours, maintenant avec le variant c’est dix jours.

Pour les étrangers qui viendraient des pays où il y a une circulation importante de variants comme l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, ils vont éventuellement avoir un protocole sanitaire stricte et serré pour éviter la propagation.

Qu’est-ce qui a été décidé au comité scientifique qui s’est réuni mercredi ?

Ce qui a été proposé, c’est qu’on revienne au basique. C’est-à-dire qu’on respecte tout ce qui a été fait comme mesures au niveau de l’IATA et de toutes les compagnies internationales de tous les pays.

C’est-à-dire que les personnes viendraient éventuellement avec un PCR de plus de 72 heures, et là on a rétréci un peu la marge, on a mis 36 heures parce qu’on sait que quand quelqu’un vient d’un pays asiatique, il met 24 heures ou un peu plus pour arriver et va perdre 24 heures de PCR, donc on a resserré un peu. A l’arrivée en Algérie, il y aura un test antigénique qui sera fait à l’aéroport et un confinement de dix jours dans des lieux dédiés.

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C’est une solution pour éviter la propagation des variants…

Ce sont des mesures qui sont faites de par le monde, à travers tous les pays. On a même vu en Europe les ressortissants européens qui reviennent de pays lointains, où le variant circule, sont sous contrôle strict, sous confinement et avec PCR à la clé au bout de dix jours.

Si la PCR est normale, les gens rejoignent leur activité. Les gens vont savoir quelles sont les mesures à prendre avant de venir en Algérie. Ils vont se plier au protocole sanitaire algérien qui sera diffusé au niveau des compagnies aériennes.

Durant ce Ramadan, il y a un relâchement flagrant surtout à l’approche de l’Aïd. Tout le monde se demande s’il y aura durcissement des mesures de confinement. Qu’est-ce qui a été décidé au niveau du comité scientifique ?

A deux ou trois jours de l’Aïd, les mesures ont été édictées. Un confinement dans certaines wilayas, on a même rajouté quelques wilayas du fait de la situation épidémiologique.

Ce qui est recommandé, c’est de reprendre les mesures barrières et les contrôler. Pour l’Aïd, il n’est pas recommandé de se regrouper ou de faire des visites familiales, mais de garder toujours cette distanciation physique, de porter le masque afin de passer un Aïd tranquille.

C’est le deuxième Aïd qu’on passe. L’an passé il y a eu un durcissement par rapport à la situation qui existait à ce moment-là. Pour cette fois, ce qui est nécessaire et indispensable c’est de resensibiliser la population par rapport aux mesures barrières durant ces deux jours de l’Aïd.

Est-ce qu’il y aura un durcissement du confinement pour le jour de l’Aïd ? Qu’est-ce qui a été proposé par le comité scientifique ?

C’est de refaire de la communication, de la sensibilisation par rapport aux mesures barrières. Il faudra resserrer et réappliquer de façon stricte les mesures barrières et les mesures de protection durant les périodes d’Aïd.

Y aura-t-il l’interdiction de circulation automobile les jours de l’Aïd ?

Il n’y a rien encore. Nous, en tant que comité scientifique, on a fait la proposition de recommuniquer, de faire un communiqué du ministère de la Santé, de la direction de la prévention, dans les médias etc. pour resensibiliser la population de façon stricte sur les mesures barrières.

Mais pour ce que vous dites, rien n’est encore fait et à deux jours de l’Aïd. Je pense que la meilleure stratégie c’est de resensibiliser les gens aux mesures barrières.

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En plus de la sensibilisation, l’idéal c’est de faire quoi ?

Après un mois d’ouverture de plusieurs espaces, commerces, restaurants, un couvre-feu de minuit à 4h du matin, en deux jours je ne pense qu’on puisse éventuellement penser à autre chose.

Le bilan sera fait après l’Aïd de toute cette situation épidémiologique et tout ce qui s’est passé.

Il y aura un check up de la situation épidémiologique après l’Aïd pour voir où on en est, faire un état des lieux et pourquoi pas plus tard faire une stratégie si on se retrouve dans une situation épidémiologique inquiétante.

Vous parlez de quelle stratégie ?

Tous les quinze jours, il y a une réunion au Premier ministère pour évaluer la situation épidémiologique et, selon les indicateurs tels que le taux d’incidence, le nombre de cas, le nombre de variants, le nombre de wilayas touchées…

Il y aura des mesures qui seront prises en fonction de l’évolution de l’épidémie.

Si la situation épidémiologique ne s’y prête pas, il y aura probablement des mesures, et si la situation est confortable il y aura un allègement. La situation est flexible et évolutive par rapport à la situation épidémiologique au temps T-0. Les choses seront décidées au moment de ce bilan.

Pour la vaccination, qu’est-ce qui a été dit lors de la dernière réunion du comité scientifique ?

Le plus important est de continuer cette campagne vaccinale. Il y aura un approvisionnement en vaccins durant ce mois de mai, puis au mois de juin.

Il y aura un approvisionnement assez important pour pouvoir donner un coup d’accélérateur à cette campagne vaccinale.

Avez-vous abordé, lors de votre réunion, la question relative à la fermeture des frontières ?

Honnêtement, on n’a pas abordé la question des frontières parce qu’on reste sur les décisions qui ont été prises par les autorités, c’est-à-dire que les frontières resteront hermétiques.

On s’est juste penché sur les modalités de rentrée en Algérie des travailleurs étrangers, aux missionnaires, aux cadres étrangers qui viennent aider notre pays.

C’est surtout sur cela qu’on s’est penché pour essayer d’appliquer le protocole sanitaire à ce genre de personnes qui doivent venir chez nous travailler.

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Et pour les Algériens qui sont bloqués à l’étranger ? Y aura-t-il une reprise du rapatriement ?

Franchement, on n’a pas évoqué ce sujet. On n’en a pas parlé parce qu’on n’a pas été interrogé. On n’a pas dit un mot sur cette situation. On n’a pas été sollicité pour cela. On a été juste sollicité par rapport à réfléchir à un protocole sanitaire pour les travailleurs étrangers, notamment ceux qui viennent d’Inde, d’Amérique du Sud, d’Afrique du Sud, etc. pour leur proposer un protocole sanitaire pour protéger notre pays contre l’afflux massif de variants.

Que dites-vous à ceux qui se méfient des vaccins ?

Je voudrais juste aborder le côté vaccination. Il faudra réellement redonner un coup de boost à cette vaccination. Il faudra expliquer et sensibiliser que tous les vaccins qui sont disponibles actuellement offrent une immunité assez efficace contre cette épidémie et contre les variants.

Il faudra expliquer qu’on doit éventuellement adhérer à cette vaccination, ne pas se poser trop de questions. Si on reçoit des doses importantes de vaccins, au moment où il y a une pénurie importante de vaccins, on ne peut pas ne pas les utiliser.

Si on est appelé à être vacciné par un vaccin et si on répond aux critères spécifiques par rapport à l’âge, à la morbidité et aux maladies qu’on a, je pense qu’il faut accepter.

On voit bien que ces jours-ci, il y a eu une espèce de reprise de la médiatisation et de la communication autour du vaccin AstraZeneca parce que c’est le vaccin mal aimé en Europe.

Au vu de toutes les études qui ont été faites et des résultats et des effets secondaires qui ne sont pas très fréquents, je pense qu’il n’y a aucun problème et qu’on ne pourrait pas se passer de la vaccination par rapport aux vaccins qu’on reçoit en Algérie.

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Puisque vous parlez d’AstraZeneca, en Europe il est administré à des personnes de plus de 65 ans. Est-ce le cas en Algérie ?

Actuellement, les recommandations ont changé. On administre aux personnes de 55 ans. En Algérie, c’est plus de 50 ans. A partir de la semaine prochaine, ils vont être administrés aux moins de 50 ans et peut-être dans l’autre semaine, il va être administré aux plus de 18 ans en Europe.

Pour eux, le plus important est qu’il y ait une vaccination, qu’il faut vacciner rapidement le maximum de la population pour essayer d’atteindre le plus rapidement possible une immunité collective. Donc les recommandations sont en train de changer.

On sait que le vaccin chinois de Sinopharm a eu l’agrément de l’OMS il y a dix jours. Un vaccin qui n’a été presque adopté que par l’Algérie, maintenant il y a l’agrément de l’OMS.

Donc les campagnes de vaccination, on sait que lundi par exemple il y a un groupe de l’OMS qui va aller inspecter la fabrication du vaccin Spoutnik en Russie.

Les choses évoluent rapidement, il y a des nouveautés, des aménagements, d’autres réflexions où les gens avancent parce que le but principal est d’adopter un vaccin et de se faire vacciner.

Parce que les vaccins sont en train de sauver des millions de vies humaines dans le monde. Ces vaccins empêchent, quelles que soient leur origine et leur marque, que l’individu ait la forme grave du Covid.

On voit bien par exemple que dans un pays comme les Seychelles, qui a un taux de vaccination très élevé, ils sont en train de reprendre l’infection mais il n’y a pas de cas graves. Cela prouve qu’en étant vacciné, même si on tombe malade, on n’a pas la forme grave et on ne va pas en réanimation.

Donc la finalité, il faut adhérer à cette vaccination, ayons le courage d’aller vers l’immunité collective. Cela va protéger des millions de personnes.

Il y a de nouvelles recommandations pour les vaccins. On a remarqué qu’au début, entre la première et la deuxième dose il y a deux semaines. Là, on a vu que cela a été repoussé à plus de trois semaines. Pourquoi ?

Il s’est avéré que plus on repousse la deuxième, plus l’immunité est importante lors de l’injection de la deuxième dose.

Pour le vaccin Spoutnik V, l’institut russe Gamaleïa recommande d’aller jusqu’à six semaines. AstraZeneca recommande d’aller jusqu’à trois mois. Nous, on a adopté deux mois pour AstraZeneca et on reste à trois semaines pour le moment pour Spoutnik. Mais les recommandations changent, évoluent en fonction des études et des résultats.

Il faut s’attendre à ce qu’il y ait des changements importants, à ce qu’il y ait de l’évolution. Des choses qui sont découvertes au fur et à mesure, il faut savoir que c’est une prouesse scientifique très importante, le fait d’élaborer un vaccin, de le suivre et de le faire évoluer par rapport au temps.

Faisons confiance à tous ces chercheurs qui nous offrent le moyen de sauver des vies humaines à partir de vaccins, tout en sachant que les vaccins sont la seule issue pour essayer de revenir à une vie meilleure et à une vie comme avant.

Un dernier mot pour la population ?

Il faudra réellement se ressaisir, reprendre le taureau par les cornes, appliquer les mesures barrières de façon stricte, appliquer le port du masque protecteur obligatoire, essayer de ne pas se regrouper et se rapprocher les uns des autres.

Ce n’est qu’à ce prix-là qu’on pourrait éventuellement espérer vivre avec le virus et ne pas trop s’exposer à la maladie, ni à la contamination généralisée.

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