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Dr Lyes Merabet : « 1200 médecins s’apprêtent à quitter l’Algérie »

Dr Lyes Merabet : « 1200 médecins s’apprêtent à quitter l’Algérie »

Dr Lyes Merabet, président du Syndicat autonome des praticiens de santé publique (SNPSP).

Les autorités de la santé en France ont publié samedi 4 février la liste des praticiens ayant satisfait aux épreuves de vérification des connaissances organisées au titre de la session 2021. Parmi les lauréats figurent des centaines de médecins algériens.

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Le Dr Lyes Merabet, président du Syndicat autonome des praticiens de santé publique (SNPSP) réitère une réalité qui dure depuis des années. Le secteur de santé publique voit ses ressources quitter le pays pour exercer sous d’autres cieux. Le praticien relève qu’il y a un « travail de sape » qui a été fait, depuis quelques années, pour dénigrer les professionnels de la santé.

Ce samedi, vous avez avancé le chiffre de 1 200 médecins algériens en instance de quitter le pays pour exercer en France. « La saignée se poursuit », dites-vous. Qu’en est-il au juste ?

Je ne vois pas pourquoi on est en train de s’interroger comme si c’était la première fois qu’une chose pareille arrive. Cela fait des années qu’on est en train de perdre nos médecins au profit de la France ou d’autres pays.

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Des étudiants en médecine sont déjà en train de préparer leur départ…en Allemagne en suivant des cours d’allemand. D’autres sont en train d’apprendre le turc. Les meilleurs bacheliers sont d’ores et déjà sur les listes d’attente pour rejoindre les universités à Istanbul et ailleurs. Des collègues du secteur privé se sont manifestés pour aller s’installer ailleurs.

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Pour ce qui est de la France, elle a toujours été la destination « numéro 1 » pour les médecins algériens voulant s’installer à l’étranger et ce pour diverses considérations : plus de facilités, la langue et la formation.

De plus, la réglementation en France facilite beaucoup l’insertion. En 2020, en France, un nouveau décret a mis en place un cadre réglementaire qui a été consolidé avec plus de facilitations, permettant le déplacement de ces jeunes médecins, notamment des pays francophones, en particulier du Maghreb, vers la France.

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Depuis cette année-là, beaucoup de jeunes médecins algériens fraîchement diplômés sont partis, y compris ceux qui exerçaient dans le privé depuis des années.

Quelles sont les raisons derrière ces départs massifs des médecins algériens ?   

Il y a des considérations d’ordre général. C’est le cas de beaucoup de jeunes qui pensent à quitter le pays pour s’installer ailleurs en considérant qu’il y a beaucoup plus d’opportunités en termes de niveau de vie, de conditions de travail, de progression de carrière.

Dans le cas particulier du corps médical, il y a une situation qui impose beaucoup de questionnements : la politique des salaires, et la condition sociale qui ne sied nullement au profil et au statut de ces universitaires.

Nous le disons depuis des années, à commencer par les salaires, les conditions et les moyens de travail. Nous avons également attiré l’attention sur cette désorganisation chronique du système de santé qui a fait que beaucoup de professionnels sont démotivés en ne voyant pas les solutions arriver.

Ils ont peur de rester et de perdre des opportunités qui peuvent se présenter. L’essentiel des raisons est là : il y a un climat, une ambiance, à mettre en place pour inciter les gens à rester, soit dans le public ou dans le privé.

Vous avez le sentiment que la profession de médecin est dévalorisée en Algérie ?

Cela fait des années que cela a commencé. Il faut le dire : il y a la condition matérielle. Les salaires sont vraiment misérables. Ils ne protègent pas ce professionnel contre tous les aléas d’une société qui s’est matérialisée à fond.

Sur ce point, on est véritablement relégué à un plan qui ne renvoie pas au statut professionnel et à la carrière scientifique que nous avons. D’autre part, il y a un travail de sape qui a été fait, depuis quelques années, pour dénigrer la structure de santé en général mais surtout les professionnels de la santé.

Nous avons chèrement payé ce travail de sape. Nous avons manifesté dans la rue, nous avons été tabassés. Une campagne médiatique s’est acharnée sur ces professionnels de la santé en les présentant à chaque fois comme boucs émissaires, surtout comme étant la raison qui fait que le citoyen n’arrive pas à se soigner. Cela nous a fait beaucoup de mal.

Parmi les points qui suscitent des réactions des soignants algériens, figure celui relatif au service civil. Qu’en pensez-vous ? 

En tant que SNPSP, nous avons demandé son abrogation. En attendant, il faudra que ça soit remplacé par des mesures incitatives conséquentes pour inciter les médecins à aller exercer de leur propre chef dans les régions. Et pourquoi ne pas s’y installer durablement. Il y a aussi un climat de travail à améliorer et des conditions de vie à revoir.

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