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Droits de l’Homme en Algérie : le casse-tête du 87-bis

Droits de l’Homme en Algérie : le casse-tête du 87-bis

L’article 87-bis du Code pénal algérien est au centre de la controverse depuis son amendement en juin 2021 qui a élargi la définition des faits de terrorisme.

Ce lundi 14 novembre, plusieurs militants et activistes, dont l’écrivain Abdeslam Abdennour, poursuivis en vertu de cet article, ont été acquittés par le tribunal de Dar El Beida (Alger).

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Dix des 47 prévenus avaient été arrêtés dans différentes villes de Kabylie en septembre 2021 et accusés d’appartenance au Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK).

La veille, la Cour de Batna avait confirmé en appel l’acquittement de militants politiques, dont un responsable régional du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD).

En octobre dernier, des militants ont été arrêtés en Kabylie pour les mêmes accusations et à la même période. Ils ont retrouvé la liberté après un procès devant le tribunal de Dar El Bida (Alger).

Se basant sur les modifications apportées au Code pénal, le parquet a requis de très lourdes peines dans les trois procès. À Batna, la peine capitale a été requise en première instance contre l’activiste Azeddine Maache, qui sera condamné à 10 ans, puis à 7 ans de prison ferme en appel. Les peines requises dans les deux procès de Dar El Beida étaient également lourdes.

Finalement, la majorité des prévenus ont été soit acquittés, soit condamnés à des peines légères, à l’exception de Azeddine Maache à Batna et quatre personnes condamnées à Dar El Beida à 14 mois de prison ferme.

De nombreuses autres personnes poursuivies pour des faits tombant sous le coup de l’article 87-bis demeurent détenues et sont dans l’attente de leur jugement.

L’amendement du Code pénal a été introduit en mai 2021. À la définition de l’acte terroriste y figurant, est ajoutée la tentative ou l’incitation, « par quelque moyen que ce soit, à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels ».

En mai de la même année, les mouvements MAK et Rachad ont été classés « organisations terroristes » par le Haut conseil de sécurité. Une première liste de personnes et d’organisations terroristes, prévue dans le même amendement au Code pénal, sera établie en octobre 2021.

Critiques contre l’article 87-bis

Ces changements ont constitué un tournant dans la gestion de la contestation populaire entamée en 2019. Plusieurs procès en criminelle sont engagés, des dizaines d’activistes arrêtés et des mandats d’arrêt lancés.

Des activistes et militants des droits de l’Homme ont soupçonné une volonté de faire taire la contestation et l’action politique.

En décembre 2021, 150 personnalités et organisations ont rendu publique une déclaration, dénonçant les amendements apportés au Code pénal et le climat général des libertés dans le pays.

« Le simple soupçon d’appartenance à une organisation classée terroriste par les autorités selon des critères obscurs suffit pour l’engagement de poursuites pénales », avaient noté les signataires de la déclaration. Ceux-ci avaient aussi souligné l’atteinte à la présomption d’innocence que constitue le classement comme terroristes de personnes non condamnées par la justice.

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Des critiques ont également fusé à l’étranger. Les dernières en date ont eu lieu vendredi 11 novembre à l’occasion de la session d’évaluation du Conseil des droits de l’Homme à Genève.

Les critiques ont émané  de pays comme les États-Unis, l’Allemagne ou le Royaume-Uni. La représentante américaine a par exemple pointé « une définition exagérément vaste du terrorisme », en référence à l’article 87-bis.

L’évaluation n’est pas contraignante, mais un pays qui vient tout juste de se faire élire au Conseil des droits de l’Homme ne peut s’accommoder de tels griefs.

Sur le terrain, on constate, comme lors des derniers procès, que les dispositions introduites dans l’article 87-bis sont difficilement applicables. Les acquittements prononcés procèdent soit d’un manque de preuves à charge, soit d’un rétropédalage sur une mesure qui s’avère plus un casse-tête qu’une panacée pour la gestion de la contestation.

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