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Exode des médecins algériens : le constat sombre des Profs en médecine

Exode des médecins algériens : le constat sombre des Profs en médecine

L’annonce du départ de 1 200 praticiens algériens pour exercer en France après avoir réussi au concours d’admission suscite encore de vagues en Algérie.

Le président du Syndicat national des praticiens spécialistes de santé publique (SNPSSP), Dr Mohamed Yousfi, a avancé, dans une déclaration à TSA, le chiffre de 20 000 spécialistes qui ont quitté le pays durant les 20 dernières années.

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Réagissant à cet exode des médecins algériens, le ministre de la santé, le Pr Abderrahmane Benbouzid, a d’abord affirmé dans une interview à Ennahar Tv, que le phénomène « ne concerne pas uniquement l’Algérie », avant de souligner que de « nombreux médecins qui ont dépassé l’âge de la retraite sont toujours en poste ».

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« Ils ne permettent pas à la nouvelle génération de les remplacer. C’est ce qui fait que nous n’avons pas de postes pour les jeunes médecins. Il y a beaucoup de problèmes dans le secteur de la santé », a affirmé Benbouzid.

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Mais un collectif de professeurs en sciences médicales ne l’entendent pas de cette oreille et ont répondu au ministre dans un communiqué. Pour eux, l’explication donnée par le ministre sur l’exode des médecins algériens est « ahurissante » et « laisse perplexe ».

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« Contre toute attente il attribue en grande partie l’absence de poste de travail et donc de période de chômage forcé pour ces praticiens, en grande majorité récemment diplômés, au maintien dans leur fonction des enseignants chercheurs hospitalo-universitaires professeurs et/ou anciens chefs de service, devant être admis à la retraite et qui continuent à exercer, refusant leur cessation d’activité, bloquant ainsi des possibilités de recrutement de jeunes collègues », écrivent ces professeurs en sciences médicales.

Ces professeurs estiment que si l’explication du Pr Benbouzid était plausible, « par quel calcul arithmétique le départ des quelques 100 professeurs concernés réglerait le problème de recrutement de 1200 praticiens ou de la majorité d’entre eux ? ».

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Le collectif des professeurs des sciences médicales rappelle que le maintien en poste de ces praticiens hospitalo-universitaires « incriminés à tort » était lié à l’attente de la réparation d’une « injustice », du fait que la pension de retraite s’élevait à peine à 53% du salaire perçu au lieu de 80% comme l’ensemble des salariés de la fonction publique.

« Le réajustement de cette pension de retraite est intervenu récemment et se situe dans les mêmes proportions que les autres catégories de fonctionnaires, suite à la décision des plus hautes autorités du pays », selon le communiqué.

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Pour ces professeurs en sciences médicales, le cursus des lauréats de l’examen d’aptitude « n’est aucunement en conformité avec le remplacement des enseignants chercheurs hospitalo-universitaires de rang magistral ». Ils précisent que le poste de chef de service est libéré par le titulaire en exercice dès qu’il atteint l’âge de 67 ans, le remplacement de celui-ci se faisant par concours.

Postes vacants faute de candidats

De plus, le départ à la retraite du professeur ayant quitté la fonction de chef de service obéit aux dispositions du ministère de l’enseignement supérieur, qui représente la tutelle administrative du corps des enseignants chercheurs, à l’instar des autres filières d’enseignants universitaires, tous régis par les mêmes textes réglementaires, ajoutent-ils.

 « Ces dispositions fixent l’âge de départ à la retraite à 75 ans et sont actuellement en cours d’application par les services compétents du ministère de tutelle, en l’occurrence le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique », rappellent les professeurs.

Ces derniers font également remarquer que de nombreux postes libérés sont toujours vacants, faute de candidats. Un phénomène « observé dans certaines spécialités comme la chirurgie pédiatrique par exemple où sur six postes libérés à Alger, un seul est occupé par une maître de conférences intérimaire ».

 Aussi, fait-on remarquer, plusieurs autres postes de rang magistral, de chefs de services et même de maitre-assistant « sont toujours vacants, depuis plus de 10 ans dans les CHU de Laghouat, Béchar, Ouargla, Sétif, Batna, Béjaia et Bel Abbés ».

« Ces quelques précisions rendent caduques les tentatives d’explication avancées par le ministre, et il faudra chercher ailleurs les explications du départ massif des praticiens vers des cieux plus cléments », martèlent les professeurs en sciences médicales.

En tête des causes, pointent-ils, le statut des médecins tous corps confondus qui « confine à la précarité, voire à l’appauvrissement de ces praticiens, exerçant dans des conditions souvent lamentables, percevant un salaire qui n’est autre qu’une pension alimentaire excluant toute possibilité d’ascension sociale ou de vie confortable, dans un environnement souvent hostile ».

Exode : « Aucune filière de l’enseignement supérieur n’est épargnée »

Selon ces chercheurs hospitalo-universitaires, le parcours initial des praticiens spécialistes débute avec le service civil, dont les conditions de vie et d’exercice « souvent cauchemardesques ont été tant décriées, et ont fait l’objet de tentatives de réformes qui n’ont jamais dépassé le stade de vœux pieux », car « formulées par des bureaucrates ayant des idées figées et sommaires sur le développement des systèmes de santé ».

Quant aux recommandations émises par des professionnels de santé, le collectif des professeurs des sciences médicales déplore qu’elles « n’ont jamais été prises en considération, pour rendre attractive cette disposition qui, il faut le souligner, ne concerne que les médecins et non les autres diplômés de l’enseignement supérieur ».

Après cette période, « aucune mesure incitative ou attractive n’est proposée aux médecins aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé pour espérer maintenir les praticiens dans des zones non ou mal pourvues en personnel médical », accusent-ils.

« Le prochain exode sera celui des paramédicaux »

Les considérations salariales et la dégradation profonde des conditions de travail, ne sont pas les seules raisons de cet exode, mettent en avant ces professeurs, ajoutant que le phénomène de l’exode des élites algériennes ne touche pas uniquement les médecins.

« Aucune filière de l’enseignement supérieur n’est épargnée, tant la considération des élites universitaires et des diplômés en général, a subi un préjudiciable nivellement par le bas », écrit le collectif des professeurs hospitalo-universitaires.

« Cette désolante situation a pour conséquence visible les entraves multiples au développement du pays confronté à de multiples défis qui ne peuvent être relevés que par l’intelligentsia algérienne rehaussée au niveau qui doit être le sien, pour enfin donner naissance à cette Algérie dans laquelle nous souhaitons vivre et prospérer », espèrent-ils.

Et de conclure par cette sentence : « Dans le secteur de la santé, le prochain exode qui paralysera totalement nos structures de santé publique et privée sera celui des personnels paramédicaux. Les besoins des pays occidentaux se chiffrent en centaines de milliers. Ces personnels résisteront-ils aux chants des sirènes provenant de ces pays ? La réponse est facile à deviner ».

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