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Flambée du Covid-19 en Algérie : le double casse-tête du gouvernement

Flambée du Covid-19 en Algérie : le double casse-tête du gouvernement

Tant la courbe monte et descend régulièrement depuis maintenant près d’un an et demi, on ne compte plus les vagues de la pandémie de Covid-19 en Algérie.

Une autre est en tout cas en train de sévir dans le pays. Depuis quelques jours, le nombre de contaminations quotidiennes monte vertigineusement.

On est encore loin du pic de plus de 1.000 cas enregistré officiellement pendant l’automne dernier, mais la situation est inquiétante avec près de 500 nouveaux cas journaliers.

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Elle l’est d’autant plus que le spectre d’un débordement des structures sanitaires et du personnel médical plane de nouveau. Le CHU Mustapha, le plus grand hôpital civil d’Algérie, est submergé et donne l’impression d’être transformé en structure anti-Covid.

Sa direction, qui a sonné la mobilisation « maximale« , a décidé de fermer 13 services pour les transformer en unités Covid-19. D’autres hôpitaux du pays ont fait de même.

Dans de nombreuses villes du pays, l’affluence est forte sur les hôpitaux. À Boufarik, l’un des tout premiers foyers de l’épidémie, de nombreux services de l’hôpital local sont de nouveau dédiés à la prise en charge des malades de Covid.

Au vu des échos qui parviennent des structures de santé, le nombre de cas devrait être plus élevé. Et il y a parmi les spécialistes qui le pensent.

« Il me semble que même le chiffre de 400 que vous signalez est un chiffre qu’il faut considérer à sa juste mesure, étant la déclaration des cas PCR positifs notifiés. Il m’est arrivé déjà de dire qu’il y avait probablement beaucoup de cas qui échappaient aux statistiques, soit parce que les gens ne faisaient pas de PCR, soit parce que les gens étaient vus dans le secteur privé et n’étaient pas comptabilisés », explique l’épidémiologiste Mohamed Belhocine, membre du comité scientifique, chargé de la lutte contre le Covid-19.

Beaucoup de gens passent aujourd’hui par d’autres types de tests, comme les tests antigéniques qui ne sont pas comptabilisés.

Mais comment en est-on arrivé là dans un pays qui a presque crié victoire sur la pandémie ?

Pour ne pas dramatiser outre mesure, il faut souligner que malgré le demi-millier de cas enregistrés quotidiennement, l’Algérie demeure l’un des rares pays de sa taille où la situation épidémique est restée globalement maîtrisée depuis le début.

Ses voisins immédiats, le Maroc et la Tunisie, ont connu pire et les grands pays européens ont frôlé la catastrophe. Si la situation en Algérie fait aujourd’hui débat, c’est à cause du retour en force des contaminations après avoir baissé jusqu’à faire prédire à certains la fin proche de la pandémie.

Il ne s’agit pas de comparer avec ce qui se passe ailleurs mais de s’interroger sur les raisons qui ont fait que le virus s’est remis à se propager dangereusement. Il s’agit aussi de se demander jusqu’où ira cette deuxième vague.

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Relâchement coupable et faible cadence de la vaccination

Les spécialistes sont unanimes, s’il y a recrudescence, c’est qu’il y a eu relâchement dans le respect des mesures de prévention.

« Depuis seize mois on n’arrête pas de dire aux citoyens qu’il ne faut pas relâcher sur les mesures barrières, et qu’il faut se faire vacciner lorsque le vaccin est disponible. Alors pour nos concitoyens qui croient que l’épidémie est terminée, je pense que c’est une grave erreur. L’abandon des gestes barrières est tel qu’on reçoit aujourd’hui des familles entières suite à leur participation à des mariages », regrette par exemple le Pr Mohamed Yousfi de l’hôpital de Boufarik.

Il n’est pas faux de parler de relâchement. Les Algériens ont cru que le plus dur était passé. Les marches hebdomadaires du Hirak ont repris dès février, suivis des meetings de la campagne électorale pour les dernières législatives, tenus dans des salles fermées.

Le masque est presque invisible dans la rue, les marchés ont repris leur activité normale et plusieurs lieux de détente ont été rouverts au public qui, souvent, n’observe pas les mesures barrières. Ajoutez à cela l’ouverture partielle des frontières. Cette nouvelle vague était en quelque sorte attendue.

« Le port du masque, l’hygiène des mains et la distanciation sociale sont la meilleure protection individuelle tant que nous n’avons pas vacciné 80 ou 90 % de la population », insiste le Pr Belhocine. Or c’est là le grand problème de l’Algérie.

Les conséquences d’un tel relâchement auraient pu être atténuées si une proportion importante de la population avait été vaccinée.

Le ministère de la Santé n’a fourni aucun bilan de la campagne de vaccination qui a été lancée le 30 janvier dernier, malgré les réclamations des spécialistes.

Selon le magazine britannique The Economist, l’Algérie a administré 2,5 millions de doses de vaccin anti-Covid, un chiffre dérisoire par rapport à l’objectif des autorités de vacciner 20 millions de la population en 2021.

Ce qui n’a pas été le cas. Sur ce plan, le gouvernement fait face à un double casse-tête : la difficulté à acquérir les quantités nécessaires de vaccins et la réticence de la population à se faire vacciner, y compris une partie du corps médical.

« Je confirme. La réticence existe partout. Ce qui est malheureux, car ce sont les professionnels de la santé qui sont les plus exposés au virus. On attend d’eux aussi qu’ils donnent l’exemple », regrette le Dr Yousfi.

Une réticence qui peut s’expliquer par le fait que les autorités n’ont pas vraiment mené campagne en faveur de la vaccination afin d’éviter de submerger les structures de santé à un moment où les doses arrivaient au compte-goutte.

L’urgence aujourd’hui est de rendre disponible le vaccin et de convaincre les gens sur l’importance de se faire vacciner et de respecter strictement les mesures-barrières, au risque de n’avoir comme solution que le retour au confinement.

Une éventualité que n’excluent pas les spécialistes. « Si c’est nécessaire, si les gens ne respectent pas les mesures de protection individuelles et si le nombre de cas continue d’augmenter et que les hôpitaux et les services de santé sont submergés, en particulier les services de réanimation, il est bien possible que comme cela a été fait par le passé, les pouvoirs publics décident de confiner partiellement ou totalement la population », indique le Pr Belhocine.

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