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La coupure d’internet durant le Bac, symbole d’un mal plus profond qui ronge l’État

La coupure d’internet durant le Bac, symbole d’un mal plus profond qui ronge l’État

Si le peuple algérien veut avoir un exemple flagrant de la faiblesse de son État, qu’il observe comment le gouvernement gère la lutte contre la fraude au baccalauréat. Il s’agit en effet de la troisième année consécutive durant laquelle les autorités décident de manière unilatérale de couper l’accès de l’ensemble de la population à internet plutôt que de mettre en place une stratégie saine et durable.

L’objectif ? Officiellement, pour lutter contre la fraude et éviter un remake de la session 2016 du baccalauréat, où la fraude massive avait tellement affecté la crédibilité du bac que la ministre de l’Éducation Nouria Benghebrit avait décidé d’annuler la session et de refaire passer les épreuves à l’ensemble des candidats.

La situation était à ce moment-là catastrophique, les autorités ayant clairement été prises de court avaient par conséquent agi de manière brouillonne, dans l’urgence. Les fuites en 2016 venaient en effet de partout et les arrestations ont fini par pleuvoir, que ce soit cadres de l’éducation, des enseignants, des chefs de centres ou encore des employés de l’Office national des examens et des concours (ONEC). Le gouvernement ne savait plus où donner de la tête, et à défaut d’être intelligente la réaction de panique consistant à couper internet était quelque part compréhensible compte tenu de l’urgence.

Deux ans plus tard, au même titre que l’année dernière, la décision de couper internet à l’ensemble de la population est incompréhensible et symptomatique d’un mal plus profond qui touche l’Algérie. Le gouvernement a eu deux longues années pour réfléchir à une stratégie pour limiter la fraude. Par manque de compétence ou par manque de volonté, il n’a rien trouvé d’autre de perpétuer durant chacune des deux dernières années une stratégie notoirement connue pour ne produire aucun résultat positif et pire, affecter durablement la crédibilité d’un diplôme déjà bien mis à mal.

La coupure d’internet durant le baccalauréat a été rapportée par la presse du monde entier, notamment en France, où certains médias se sont délectés en se moquant profusément du ridicule d’une telle décision.

Pouvait-il en être autrement, lorsque l’on sait qu’en France le ministère de l’Éducation publie lui-même les sujets du baccalauréat presque immédiatement après le début de l’examen ? Le matin même de l’épreuve de philosophie, la population se penchait en même temps que les candidats sur les thèmes philosophiques. « Le désir est-il la marque de notre imperfection ? », « La culture nous rend-elle plus humain ? » faisaient partie des questions débattues sur la scène publique en France.

Pendant ce temps, en Algérie, le gouvernement représenté dans ce dossier par la ministre de l’Éducation nationale Nouria Benghebrit décide de faire appel à l’Armée de l’Air pour transporter les sujets du bac et les feuilles de réponses des candidats au baccalauréat, dans ce qui représente le plus terrible désaveu de « l’État civil ». Telle est donc la solution trouvée par le gouvernement. Tel est donc le degré de l’indolence qui touche des décideurs, plus soucieux de pérenniser leur mainmise sur les institutions que de faire preuve d’intelligence.

La même Armée Nationale Populaire, supposée lutter contre les terroristes et défendre le territoire national contre les armées ennemies, se gargarise même d’avoir utilisé « des moyens de surveillance et de neutralisation électronique de tous les moyens de communication rayonnants ». Des instruments supposés être utilisés en temps de guerre. Les onze milliards de dollars du budget de la Défense doivent après tout bien être justifiés, surtout en temps de crise…

Est-ce donc cela la réalité de l’Algérie en 2018 ? Le lycéen algérien candidat au baccalauréat est-il devenu officiellement l’ennemi de la nation ?

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