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Les limites de la stratégie autoritaire du pouvoir algérien

Les limites de la stratégie autoritaire du pouvoir algérien

Toutes proportions gardées, les grandes marches de ce 22 février 2021 ont cela de commun avec celles d’il y a tout juste deux ans : elles expriment le rejet populaire d’une « continuité » voulue en haut lieu.

En 2019, celle du système Bouteflika, en 2021, celle de la feuille de route que le pouvoir met en œuvre à pas de charge depuis plus d’une année.

Est-ce à dire que l’agenda politique et institutionnel actuel, dont il ne reste formellement que les ultimes étapes, est sur le point de tomber à l’eau ? On n’en est pas encore là et il faudra bien plus pour venir à bout de la ténacité d’un pouvoir qui a tenu bon face à des actions plus larges, plus spectaculaires et qui se sont inscrites dans la durée.

Mais il est indéniable que des certitudes sont tombées ce lundi 22 février, le plan tracé est au moins ébranlé et fragilisé. Son devenir est suspendu à la suite que prendra ce nouveau réveil de la rue.

Une suite qui risque d’être compliquée au vu de ce qu’on a constaté dans les rues d’Alger et de nombreuses autres villes le jour anniversaire du Hirak. Des milliers de citoyens qui manifestent un jour ouvrable, sous la pluie et en pleine crise sanitaire, c’est peut-être annonciateur du retour des déferlantes humaines en conditions normales.

D’autant plus que le slogan le plus entendu est explicite et ne laisse pas place à l’interprétation : « Nous ne sommes pas là pour célébrer, mais pour vous faire partir. » Le mot d’ordre est, comme au premier jour, le changement radical du système politique.

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Il faut le dire, pendant toute la première année du Hirak, le pouvoir n’a rien cédé de notable. Il n’a fait que manœuvrer et gagner du temps, attendant l’essoufflement du mouvement, jusqu’à ce que tombe du ciel cette pandémie de Covid-19 qui a mis fin subitement aux manifestations.

De février 2019 à avril 2020, tout a été tenté pour casser le mouvement, en vain : manœuvres de division, propagande, diabolisation, répression. Sans doute que les marches se seraient poursuivies avec la même ampleur si des voix sages parmi les animateurs du Hirak n’avaient pas appelé à leur suspension pour préserver la santé des gens.

Les limites d’une stratégie

On ne peut s’empêcher dès lors de s’interroger : que reste-t-il à essayer pour faire taire la contestation si réellement les marches de lundi dernier ont sonné le grand retour du Hirak ? Que fera le pouvoir ?

Une certitude tout de même : le pays ne peut pas continuer à vivre au rythme de manifestations hebdomadaires, de répressions, de griefs sur la scène internationale et de dénégations.

L’Algérie ne peut se permettre une autre année, ou plusieurs, de blocage dans un contexte économique et social peu rassurant, marqué par la baisse drastique des recettes pétrolières, et la hausse des contestations sociales.  Une jonction des revendications politiques et sociales est porteuse de périls pour le pays.

Car la donne centrale que constituait le Hirak est presque déjà là. Les manifestations d’Alger, de Kherrata, d’Oran et des autres villes ont en tout cas montré qu’il n’a rien perdu de sa capacité de mobilisation, de son unité et qu’il garde le cap sur ses objectifs initiaux.

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En revanche, elles montrent les limites de la stratégie suivie jusque-là par le pouvoir, notamment sa gestion sécuritaire de la crise, faite d’arrestations, d’incarcérations, de blocage des sites internet indépendants, de fermeture du champ politique et audiovisuel, comme l’a dénoncé à maintes fois l’opposition.

C’est plus qu’un signe si la rue s’est réveillée précisément au lendemain de la sortie de dizaines de détenus des prisons, dans lesquelles les avaient précédé des dizaines d’autres.

L’autre stratégie mise à nue, c’est celle de la fuite en avant incarnée par cette feuille de route tracée pendant l’été 2019 dans les conditions que l’on sait et qu’on cherche encore à mettre en œuvre jusqu’au dernier chapitre.

Après une présidentielle et un référendum constitutionnel largement boycottés par la population, doter le pays d’un Parlement tout aussi rejeté est tout sauf judicieux. C’est, au mieux, s’enfoncer dans l’impasse, au pire, sauter dans l’inconnu. Les marches de lundi  aideront peut-être à comprendre qu’en politique, le passage en force n’est pas toujours une idée ingénieuse.

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