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Limogeage de responsables : pourquoi il ne faut pas tirer de conclusions hâtives

Limogeage de responsables : pourquoi il ne faut pas tirer de conclusions hâtives

Les choses se sont précipitées dans le sillage de l’affaire de la cocaïne saisie sur un bateau au large d’Oran. Dans un effet domino prévisible, plusieurs têtes sont tombées, dont les premiers responsables des principaux corps de sécurité du pays.

D’autres remplacements, moins médiatisés, ont eu lieu dans la hiérarchie de l’ANP et des services de sécurité à l’occasion de la fête de l’indépendance, sans être forcément liés aux péripéties de l’affaire Chikhi, puisque cette période est habituellement propice aux promotions et fins de fonction.

Les désormais ex-patrons de la police et de la gendarmerie, Abdelghani Hamel et Menad Nouba, ont tous deux le grade de général-major, soit le deuxième plus élevé de l’armée algérienne et trainent une carrière militaire longue d’au moins une quarantaine d’année.

Si le général Nouba était plutôt effacé et ne semblait pas s’accommoder des feux de la rampe, M. Hamel, lui, a rompu avec la réserve que pouvait lui imposer son long vécu dans l’armée.

Il était plutôt communicateur et avait une présence médiatique régulière et très remarquée depuis sa nomination au poste de directeur général de la Sûreté nationale en juillet 2010.

Le style du chef de la police, son CV et ses états de services ont même fini par faire de lui un acteur majeur de la scène publique. Certains iront même jusqu’à voir en lui un potentiel successeur pour le président Bouteflika à la tête du pays. Ambition fondée ou simple lubie des observateurs, quoiqu’il en soit, l’homme n’est plus en poste sur décision du président de la République.

S’agit-il pour Hamel, Nouba et les autres hauts responsables remplacés d’un départ définitif ou d’une simple mise au frigo ? Pour répondre à l’interrogation, il faut d’abord connaître les motifs réels de leur remplacement.

Parler dès maintenant d’une mise au ban définitive c’est aller vite en besogne et oublier qu’une telle sentence n’a que rarement fait partie des outils du système dans sa gestion des « conflits internes ».

Le recyclage du personnel politique et administratif au gré des besoins est une subtile manière pour le système de se régénérer, de redistribuer les cartes et de tenir en respect les bannis en leur faisant miroiter l’espoir d’un retour en grâce.

Le procédé est presque éculé : le haut responsable relevé de ses fonctions est nommé dans une ambassade d’importance proportionnelle à son rang et attend patiemment le coup de téléphone qui lui annoncera la fin de la traversée du désert.

Même quand il n’est pas placé dans une chancellerie, il se cloitre chez lui et évite toute déclaration ou action de nature à le « griller » définitivement.

Faut-il rappeler que même le président Bouteflika, même si son cas est très particulier, a accédé au sommet de l’État après deux décennies loin du système ?

Néanmoins, le cas le plus emblématique reste celui de l’actuel Premier ministre, Ahmed Ouyahia. C’est la quatrième fois que l’homme est nommé à ce poste sous deux présidents différents (1995-1998, 2003-2006, 2008-2012 et depuis 2017), et à chaque fois qu’il a dû le quitter sur décision de la présidence de la République, il n’a pas rechigné.

Ouyahia n’a pas connu de longues traversées du désert étant nommé dans l’intervalle de ses mandats de chef du gouvernement au poste de ministre de la Justice et de directeur de cabinet de la présidence, mais il lui est arrivé de rester un ou deux ans loin des affaires, tout en évitant de commettre l’imprudence de tenter une rébellion.

Youcef Yousfi, ministre du gouvernement actuel, pour ne citer que lui, a aussi connu une longue éclipse. Ce rescapé de l’ère Zeroual avait quitté le gouvernement en mai 2001 pour ne revenir aux affaires que près de dix ans plus tard (mai 2010), allant jusqu’à occuper éphémèrement le poste de Premier ministre (mars-avril 2014).

Les exceptions Belkhadem et Benflis

Chakib Khelil, ministre de l’Énergie pendant plus de 10 ans, a connu les affres de la mise au ban avec le lancement d’un mandat d’arrêt contre lui par la justice algérienne dans le cadre de l’enquête sur les scandales Sonatrach et BRC, avant d’être blanchi comme un sou neuf.

Depuis son retour en grâce, l’homme est régulièrement cité comme un potentiel candidat pour diriger le gouvernement, voire plus…

Hamid Temmar, ministre de l’Industrie et du Commerce dans les années 2000, est lui aussi de retour au-devant de la scène.

Dans la sphère sécuritaire, le parcours de Athmane Tartag illustre parfaitement cette tendance du système à rappeler ses agents après leur mise au ban.

Responsable au sein du DRS de la lutte contre le terrorisme dans les années 1990, il est mis à la retraite en 1999, le nouveau président Bouteflika ayant probablement jugé son profil incompatible avec son projet de réconciliation nationale.

Douze ans après, soit en 2011, Tartag est rappelé pour diriger la Direction de la sécurité intérieure (DSI), devenant de fait le numéro deux du DRS. Il sera une deuxième fois mis à la retraite en 2014 avant d’être de nouveau rappelé en 2015 pour prendre carrément la place du général Toufik à la tête des renseignements après la restructuration du DRS.

S’il y a des exceptions qui confirment la règle, c’est peut-être celles de Abdelaziz Belkhadem et Ali Benflis qui semblent, du moins jusque-là, réellement bannis.

Après avoir occupé de hautes fonctions successives, dont celles de président de l’APN, chef de la diplomatie, chef du gouvernement, secrétaire général du FLN et représentant personnel du président de la République, Belkhadem a quitté les affaires de la manière la plus humiliante qui soit.

C’est via un communiqué public que le président Bouteflika a mis fin à toutes ses fonctions dans les structures de l’État. Néanmoins, même ce traitement n’a pas amené Belkhadem à rompre avec la ligne de conduite de ceux qui l’ont précédé dans la disgrâce.

Depuis août 2014, il n’a fait que de rares apparitions publiques au cours desquelles il s’est gardé d’émettre la moindre critique à l’égard de celui qui a brutalement mis un terme à sa carrière politique.

Le tort de Belkhadem, assure-t-on, c’est d’avoir eu des « ambitions interdites » et d’avoir fait le tour des chancelleries étrangères pour tenter de vendre sa candidature à la magistrature suprême. Soit le genre de « péché » que le système ne pardonne pas et punit de sentences à vie, comme il l’avait fait avec Ali Benflis et ses fidèles qui ont eu les mêmes visées en 2004.

Pour le reste, il suffit de savoir faire le dos rond et attendre que les choses se tassent. Et que la roue tourne…

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