L’homme qui a grandement contribué au développement de la filière des batteries au lithium au Canada veut le faire aussi dans son pays d’origine. Karim Zaghib, qui compte parmi les plus éminents spécialistes de la filière au monde, est en séjour en Algérie où il est reçu avec les égards dus à son rang.
Reçu dimanche par le ministre de l’Énergie et des Mines Mohamed Arkab, Zaghib s’est exprimé ce lundi 7 avril à travers la Radio algérienne sur ses ambitions et le potentiel du pays dans l’exploitation et la transformation de ce minerai critique qu’est le lithium.
L’Algérie a « l’écosystème » nécessaire pour asseoir une industrie de la batterie, dit d’emblée l’homme aux 1.000 brevets, surnommé au Canada le « maître de la batterie ».
Karim Zaghib : l’exportation des minerais à l’état brut, « une ligne rouge pour moi »
Les minerais sont là et, au lieu de les exporter à l’état brut, il y a la possibilité de les transformer dans le pays, a-t-il expliqué. L’exportation à l’état brut, « c’est interdit, c’est une ligne rouge pour moi », a-t-il tranché. « On n’exporte pas notre pierre, il faut la transformer, cette pierre », a insisté le chercheur.
La filière est capable « d’embaucher 100.000 personnes au minimum en Algérie », a-t-il assuré, suggérant de réfléchir dès maintenant à l’ouverture d’une « école de la batterie et de transformation des minéraux critiques ».
La transformation du lithium algérien a été au centre de discussions en mars dernier entre le directeur général de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI) et des représentants d’une entreprise chinoise basée aux États-Unis, Austroid corporation.
Le ministre de l’Énergie avait fait savoir en décembre dernier que la présence du lithium a été confirmée à l’extrême-sud du pays, dans la région du Hoggar.
« La technologie pour faire la transformation du lithium n’est pas compliquée », a assuré Karim Zaghib, ajoutant qu’une telle industrie « va positionner l’Algérie comme un producteur potentiel dans les prochaines années ».
L’Algérie a les terres rares et il lui faut un « plan stratégique pour l’accélération de la transformation du lithium et des métaux rares », préconise Karim Zaghib. C’est lui qui est chargé de mettre en place et de piloter l’équipe qui prendra en charge le projet. « Les portes sont ouvertes, je remercie le président de la République (…) Il y a une volonté », reconnaît-il.
Karim Zaghib : « Comme j’ai aidé le Canada, j’aimerais bien aider l’Algérie »
Une « petite équipe » est d’ores et déjà à pied d’œuvre et travaille en collaboration avec des Algériens et le gouvernement, fait savoir Zaghib.
« C’est pour les intérêts supérieurs de l’Algérie. Moi, avant de mourir, j’ai envie que cette filière naisse », dit-il.
Sa stratégie est de transformer en Algérie le lithium, le fer et le phosphate, parvenir à fabriquer la cellule, qui est la batterie et exporter les composants pour l’industrie mondiale. En Algérie, la SNVI (société nationale des véhicules industriels) offre déjà un marché.
Le scientifique a aussi la vision d’un économiste, estimant qu’il faut préserver le pétrole et le gaz pour les futures générations et « accélérer la transition énergétique » en exploitant le fort potentiel solaire de l’Algérie qui peut même fournir l’Europe en électricité.
D’où le rôle crucial de la batterie et donc du lithium. Zeghib livre ainsi sa recette : développer l’industrie du lithium et du photovoltaïque et ne pas négliger en parallèle l’innovation, la recherche et le développement.
Selon lui, un plan national doit être mis en place, incluant le gouvernement, les collectivités locales, les universités et les industriels.
Karim Zaghib est, en tout cas, disposé à apporter sa contribution. « Comme j’ai aidé le Canada, j’aimerais bien aider avec ma petite équipe l’Algérie », a-t-il assuré.
Au Québec, le cerveau algérien est considéré comme le pionnier de la batterie au lithium. Nommé en 2020 conseiller stratégique d’Investissement Québec, il a pu convaincre en 2023 la firme suédoise Northvolt d’investir 7 milliards de dollars dans une grande usine de batteries dans la province canadienne.
Justin Trudeau, alors Premier ministre du Canada, avait fait le déplacement pour la cérémonie officielle de l’annonce du projet. La même année, Karim Zaghib a été désigné parmi les personnalités influentes du Québec par le journal local L’actualité.
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