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Lutte anti-covid en Algérie : « Il faut arrêter de stocker les médicaments »

Lutte anti-covid en Algérie : « Il faut arrêter de stocker les médicaments »

Le Dr Messaoud Belambri est le président du Syndicat national algérien des pharmaciens d’officines (Snapo).

Dans cet entretien, il lance un appel aux Algériens pour arrêter de stocker les médicaments notamment ceux qui sont utilisés dans la lutte anti-covid et ne plus faire de l’automédication.

Le Levonox est pratiquement introuvable en Algérie. Quelle est la situation au niveau des pharmacies ?

Nous observons des tensions et quelques ruptures au niveau des pharmacies d’officine, et surtout les médicaments qui entrent dans le cadre du traitement du covid, et dans le protocole thérapeutique anti-covid.

Nous parlons principalement du fluidifiant sanguin Lovenox et son générique Varenox, qui est produit en Algérie.  Il est vrai qu’il y a une grande tension, et un manque sur le Lovenox 0,6 et le Lovenox 0,8.

Beaucoup de malades le cherchent. Actuellement, il y a un énorme manque. Pour ce qui est du Lovenox 0,4, ce dernier est disponible de manière pas très régulière, mais nous arrivons à nous débrouiller. Le grand manque concerne actuellement le Lovenox 0,6 et le 0,8.

Et pour les autres médicaments, notamment ceux utilisés dans la lutte anti-covid ?

Il y a également une demande accrue par rapport au paracétamol, qui est produit de manière très suffisante en Algérie, et ce par plusieurs producteurs.

Nous avons connu quelques tensions sur la forme 500 mg et 1000 mg. Quant à l’antibiotique azithromycine, il faut souligner qu’il y a une disponibilité, que ce soit la marque du laboratoire français zithromax, ou bien les génériques.

Il y a pas moins de 4 ou 5 producteurs nationaux de ce médicament. Même Saidal s’est lancée dans la production de l’azithromycine. Il n’y a donc pas de véritable manque.

Il y a une grande tension sur les amoxicillines combinées à l’acide clavulanique. Nous observons une grande demande pour l’Augmentin et ses génériques.

Sur la disponibilité de ces produits, je tiens à informer l’opinion publique que le Snapo a fait un travail d’investigation. Par rapport au paracétamol, les  laboratoires Merinal annoncent une production de pas moins de 2,7 millions de boîtes en août et septembre.

Le laboratoire Biogalenic annonce la production de 500.000 boîtes par semaine. Saidal et les laboratoires Salem affirment qu’ils sont en train de produire de manière soutenue et continue, sans interruption, ce médicament. Leurs usines ont même augmenté leur temps de travail, pour ne pas dire qu’ils travaillent de 8 h du matin à minuit.

Même s’il y a une tension sur le paracétamol, la situation va vite s’améliorer. Le ministère de l’Industrie pharmaceutique a convoqué tous les laboratoires et les distributeurs pour ce mardi à 14 h 00 pour étudier ces tensions.

Quelles sont les principales causes de ces pénuries ?

Nous tenons tout de même à déplorer certaines attitudes qui compliquent davantage la situation, et qui mettent les pharmaciens d’officine dans la difficulté d’assumer nos responsabilités et nos missions.

Nous déplorons l’augmentation de cette demande sur les produits entrants dans le cadre du protocole anti-covid, de manière exponentielle et incompréhensible.

Il y a beaucoup d’automédication. Beaucoup de gens se présentent avec des ordonnances, et sont en train de stocker ces produits vitaux chez eux. Ils vous disent « Si je tombe malade, ou si l’un des membres de ma famille tombe malade,  je ne serai pas en panne ».

Cela concerne également les concentrateurs d’oxygène. Il y a des gens qui les stockent chez eux, alors qu’ils ne sont pas malades. C’est un comportement irresponsable. De cette façon, nous allons priver les vrais malades de leurs traitements. Nos concitoyens, qui vont tomber malades, vont avoir des difficultés à trouver leurs médicaments.

A ce rythme-là, les pharmaciens ne pourront pas honorer la demande. Nous ne pourrons pas faire face à la demande des citoyens qui vont se présenter avec des ordonnances pour de vrais malades, des malades qui sont hospitalisés à domicile.

Cela concerne aussi le Varenox, qui est produit localement. Nous savons de sources sûres que le fabricant dispose d’un stock de 12 millions de seringues et que son usine tourne sans arrêt. Et c’est le cas de tous les autres laboratoires, qui sont en train de produire les médicaments anti-covid.

Que faut-il faire ?

A ce rythme-là, quel que soit le volume de la production, quel que soit le rythme de travail, nous ne pourrons jamais faire face à la demande. Même si on importe de Chine ou des États-Unis, cela ne suffira pas. Il faut arrêter de stocker et laisser les médicaments pour les vrais malades. Il faut laisser les pharmaciens faire leur travail. C’est le pharmacien qui est responsable de détenir et de dispenser le médicament.

Nous nous insurgeons contre la multiplication de ces pages Facebook qui vous disent « J’ai un stock de médicaments, j’ai un stock de Lovenox, venez chez moi, je vais vous donner une boîte ».

Ce n’est  pas responsable et ce n’est pas un comportement citoyen. Laissez les médicaments aux vrais malades et laissez les médicaments chez les pharmaciens. Sinon, la situation va se compliquer de plus en plus. Si tout le peuple algérien se met à stocker, nous ne trouverons plus de médicaments pour les vrais malades.

Il faut arrêter l’automédication. Il faut arrêter le recours à l’achat de médicaments au niveau des officines, en présentant des paquets d’ordonnances.

C’est un appel que nous lançons aux citoyens pour la modération, pour rester rationnels, pour penser aux autres et penser aux malades.

Il ne faut pas recourir à l’achat massif de médicaments, même s’il s’agit du paracétamol et de la vitamine C. L’Algérie produit des quantités énormes de paracétamol mais parce qu’il y a des gens qui stockent, à tous les niveaux, y compris certains distributeurs, qui profitent de la situation, et qui mettent les pharmaciens dans une situation difficile.

Ils pratiquent des ventes concomitantes, et font sortir ces médicaments au compte-goutte, en conditionnant leur achat par d’autres produits qui ne sont pas nécessaires, ou bien qui vont se périmer ou risquent de rester au niveau de leurs stocks.

J’appelle tout le monde à un comportement citoyen. J’appelle tout le monde à la raison. C’est l’heure de la sagesse. C’est l’heure de la solidarité. Nous faisons face à une pandémie devant laquelle nous devons nous comporter de manière solidaire et citoyenne.

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