search-form-close
Pourquoi le système algérien de financement des retraites est à bout de souffle

Pourquoi le système algérien de financement des retraites est à bout de souffle

Le financement des retraites est en passe de devenir un véritable casse-tête  pour le gouvernement qui doit désormais à chaque exercice budgétaire imaginer des moyens de lui procurer ce qu’il appelle pudiquement des « ressources complémentaires ».

Le rapport entre les importations du pays et le système de retraite national était a priori improbable. Il avait pourtant été établi par la Loi de finances 2018. Les services des douanes appliquent depuis le début de l’année une taxe de 1% sur chaque opération d’importation.

L’article 105 de la Loi de finances 2018 dispose que « le produit de cette contribution est perçu au profit de la Caisse nationale des retraites »(CNR).

Plus récemment on a appris que pas moins de 560 milliards de dinars ( près de 5 milliards de dollars ) ont été prévus par le budget d’équipement pour 2018 au titre de contribution exceptionnelle à l’équilibre financier de la CNAS.

En fait cet argent n’est pas destiné à la CNAS, dont les comptes sont équilibrés, mais constituent un remboursement des avances accordées par cette caisse à la CNR. Ce n’est sans doute d’ailleurs qu’un début puisque le DG de la CNR,  Slimane Mellouka évoquait ce mardi matin sur la chaine 3 de la Radio nationale le chiffre de 800 milliards de dinars avancés par la CNAS depuis  2015.

Des décisions qui se multiplient et constituent un signal dépourvu d’ambiguïtés. La viabilité financière du système de retraite algérien est clairement menacée par de profonds déséquilibres structurels qui trouvent leur origine dans le fait que les ressources de la CNR ne se développent pas de façon proportionnelle à l’activité économique; principalement en raison du poids croissant de l’activité informelle. En substance, face à la croissance rapide des prestations, les cotisations ne rentrent pas suffisamment.

La retraite anticipée a dopé le nombre de départs

Le DG de la CNR mentionne pour 2018 quelques chiffres explosifs.  Le système national de retraites concerne désormais près 3,2 millions de retraités. L’évolution rapide du nombre de retraités est une caractéristique majeure des dernières années. Ils étaient seulement un peu plus de 1,2 million en 2000. Leur effectif s’accroissait ces dernières années au rythme de près de 150.000 nouveaux retraités par an.

En cause principalement la retraite anticipée qui a concerné depuis sa mise en place « plus de 1 million de personnes qui sont partis en moyenne en retraite à l’âge de 52 ans ».

Heureusement, avec la fin du dispositif qui est effective depuis le début de 2018, les chose se calment et le nombre de dossiers déposés a été divisé par 3, précise  M. Mellouka .

Des prestations proches  de 1200 milliards de dinars par an en 2018

Suivant des chiffres communiqués ce matin  par le directeur de la caisse, la CNR  s’attend  à verser près de 1200 milliards de dinars ( plus de 11 milliard de dollars) en 2018.

La dernière augmentation des pensions de retraite «  décidée par le président de la République » va bénéficier à 2,8 millions de retraités et coutera environ 20 milliards de dinars supplémentaires. Son application rétroactive à janvier 2018 est intervenue en mai dernier.

Les  versements de la CNR ont été en très forte croissance au cours de la décennie écoulée puisqu’ils étaient seulement de 200 milliards de dinars en 2005, et d’environ 400 milliards de dinars en 2010.

Les équilibres financiers de la caisse avaient connu une première alerte en 2006 et en 2007 avec l’apparition au cours de ces deux années des premiers déficits de son histoire. Ces derniers ont été rapidement éliminés grâce à l’augmentation du taux des cotisations porté à cette occasion de 16 à 17 %.

Le budget de l’État à la rescousse depuis 2007

Ces premiers déficits ont servi de révélateurs de la fragilité des équilibres financiers du système de retraite algérien et ont conduit, dans le but affirmé d’« assurer sa pérennité à long terme », à la création par la Loi de finances complémentaire 2006, du Fonds national de réserves des retraites (FNRR).

Ce dernier est alimenté par une fraction de la fiscalité pétrolière (2%). C’est également à cette époque qu’on a décidé de faire appel  à une fraction des excédents de trésorerie des caisses de sécurité sociale. Le DG de la CNR estimait ce matin que la viabilité financière du système national de retraite est assurée actuellement à hauteur d’environ 15% par la contribution financière du budget de l’État.

Pas assez de cotisants

« Pour assurer l’équilibre du système, il faudrait au moins 5 cotisants pour un retraité alors qu’on est actuellement seulement à un peu plus de 2 cotisants pour 1 retraité », affirme Slimane Mellouka qui estime qu’ « arriver à 3 ou 4 cotisants pour un retraité serait déjà un objectif raisonnable » .

Les responsables du secteur ne manquent aucune occasion de souligner que le principal défi à moyen terme consiste pour le système national de retraite à « maintenir l’équilibre entre le nombre de retraités et le nombre de cotisants ». Face à des prestations en croissance rapide, le nombre de cotisants, estimé actuellement à près de 7 millions, n’augmente pas au même rythme. En cause, essentiellement, le poids croissant de l’informel qui concerne, suivant les sources, entre trois et quatre millions de travailleurs non déclarés.

En 2018, le gouvernement évite les solutions impopulaires

Le souci d’assurer un « bon fonctionnement du système de retraite » s’est ainsi traduit de nouveau par la hausse, décidée en 2015, du taux de cotisations des salariés, qui a franchi un nouveau palier en passant de 17% à 18,5%. Ce n’est cependant encore qu’une première étape. De nombreuses propositions sont désormais sur la table en vue de réviser le dispositif en vigueur.

La décision, approuvée par la Tripartite, de supprimer le départ à la retraite sans conditions d’âge avait donné le ton.  Le gouvernement Ouyahia, qui a certainement tiré les leçons des très vives protestations provoquées par la décision de la Tripartite de 2016, a préféré, prudemment, éviter des solutions aussi impopulaires et se tourne plutôt vers ce que les responsables du secteur appellent par euphémisme « la recherche de financements complémentaires ».

Ce sont très significativement les importations, en passe d’être érigées en véritable « vache à lait », et la Trésorerie de la CNAS , qui ont été mis à contribution de façon apparemment indolore au début de l’année dans le but de consolider provisoirement les équilibres financiers de la CNR.

Une décision s’ajoutant à des financements budgétaires de plus en plus importants qui ne permettra cependant pas de régler durablement le problème de l’équilibre du système de retraite.

Un système vieux de 35 ans qui a atteint ses limites

« Le système mis en place il y a 35 ans a atteint ses limites », affirme Slimane Mellouka. Il ajoute qu’ « une réflexion est engagée à tous les niveaux et sur tous les paramètres pour étudier la faisabilité d’une réforme sans toucher aux droits des retraités ».

Quel seront les « paramètres » concernés ? Le DG de la CNR le suggère à demi mot : « Le système actuel est très avantageux par rapport à beaucoup d’autres pays ». Il est « difficile à réformer à cause de ce qui est considéré comme des acquis », a-t-il estimé.

Sur la table, il y a quand même clairement des propositions qui concernent l’âge de départ à la retraite, le taux des cotisations ou encore le  nombre d’années retenu pour le calcul de la pension .

À quelle date ces réformes entreront elles en vigueur ?  Le DG de la CNR se veut rassurant : «  Pour l’instant , il n’y a pas de menaces dans la mesure où l’apport financier de l’Etat permet encore d’assurer l’équilibre  du système ».

  • Les derniers articles

close