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Procès anti-corruption : des peines déjà records, et ce n’est pas fini

Procès anti-corruption : des peines déjà records, et ce n’est pas fini

Plusieurs anciens hauts responsables de l’État du temps de la présidence Bouteflika collectionnent depuis le début de l’année les condamnations judiciaires.

Les peines cumulées prononcées à l’encontre de certains d’entre eux sont déjà très lourdes, en attendant la tenue des procès des autres affaires dans lesquelles ils sont impliqués.

C’est le cas d’Ahmed Ouyahia qui, de tous les anciens responsables poursuivis, est celui qui a passé le plus d’années aux affaires. En 1995, quatre ans avant l’arrivée de Bouteflika au pouvoir, il était déjà chef du gouvernement.

En février 2019, lorsque le peuple s’est soulevé contre le cinquième mandat du même Bouteflika, c’est encore Ahmed Ouyahia qui est aux commandes de l’Exécutif.

Son record de longévité est impressionnant, il en dit long sur sa loyauté et sa docilité. En 25 ans, l’homme a alterné les mandats de Premier ministre, de ministre, de chef de cabinet de la Présidence, de patron du deuxième parti du pouvoir, le RND, et c’est tout logiquement qu’il se voyait destiné à la fonction suprême une fois que l’inamovible Bouteflika aura consenti à partir.

Celui-ci est parti, forcé, en avril 2019 et, en à peine une année, Ouyahia détient un autre record : celui du nombre d’années de prison écopées devant les tribunaux.

Il en est déjà à 27, 42 ans si l’on compte la peine requise dans le troisième procès dans lequel il est jugé et dont le verdict n’est pas encore rendu.

L’ancien Premier ministre a été arrêté en juin 2019 et jugé le 6 décembre par le tribunal de Sidi M’hamed dans l’affaire dite des usines d’assemblage de véhicules et du financement occulte de la campagne de Bouteflika.

Le 10 décembre, il est condamné à 15 ans de prison ferme, la deuxième plus lourde peine prononcée dans le procès (après celle contre Abdeslam Bouchouareb, 20 ans par contumace) et qui sera confirmée en mars par la Cour d’appel d’Alger.

Le 24 juin 2020, il sera de nouveau condamné dans une affaire similaire, celle de Sovac Production, à 12 ans de prison. Trois jours plutôt, le 21 juin, s’est ouvert devant le même tribunal le troisième procès dans lequel est impliqué Ahmed Ouyahia, celui de l’affaire Ali Haddad, portant sur de supposées irrégularités dans l’octroi de gros marchés publics au groupe ETRHB Haddad, propriété de l’ex-président du FCE.

Le 23 juin, l’ancien Premier ministre assiste menotté et sous forte escorte de gendarmes à l’enterrement de son frère et avocat, Laïfa, décédé la veille. Le lendemain, le parquet requiert une énième lourde peine à son encontre : 15 autres années de réclusion.

Jusqu’à 60 ans par contumace pour Bouchouareb

Lorsque le verdict sera rendu, il risque de cumuler un total de 42 années de prison. Et la sentence risque de s’alourdir puisque d’autres procès d’hommes d’affaires qui se seraient enrichis du temps où Ouyahia était aux affaires sont au programme, ceux des Kouninef et des Tahkout notamment.

En attendant, le record des peines cumulées revient à un autre personnage important de l’ère Bouteflika, l’ancien ministre de l’Industrie Abdeslam Bouchouareb, condamné dans les procès des usines de montage et de Sovac Production chaque fois à 20 ans de prison par contumace et encourt la même sentence dans l’affaire Haddad.

Ce qui lui ferait un total de 60 ans, en attendant les prochaines affaires. Contrairement à Ouyahia, Bouchouareb échappe pour le moment à la prison, ayant eu la « chance » d’être débarqué du gouvernement en 2017 et peut-être la présence d’esprit de déguerpir à temps à l’étranger.

Pendant des années, Abdelghani Hamel se voyait, comme Ouyahia, en successeur de Bouteflika et, lui aussi, connaît la pire des désillusions en collectionnant les procès et les lourdes peines.

Pour le moment, l’ex-patron de la police est à égalité parfaite avec l’ancien Premier ministre : 15 ans de prison ferme pour enrichissement illicite (tribunal de Sidi M’hamed) et 12 ans pour détournement de foncier agricole (tribunal de Boumerdès).

Son troisième procès pour abus de fonction est en cours à Blida. Hamel a toutefois entraîné toute sa famille dans sa déchéance : sa femme et ses quatre enfants purgent tous des peines comprises entre 2 et 10 ans de prison.

Si le tribunal de Sidi M’hamed suit les réquisitions du parquet dans l’affaire Haddad, Abdelmalek Sellal, successeur puis prédécesseur d’Ouyahia à la Primauté, écopera lui aussi de 27 ans de prison. En mars dernier, la Cour d’Alger lui a infligé 12 ans en appel dans l’affaire des usines de montage et 15 ans sont requis à son encontre dans le procès Haddad. Dans la première affaire, il a lui aussi entraîné un membre de sa famille, son fils Farès, condamné à 3 ans.

Seule la peine la plus forte sera exécutée

Dans le triste classement, Ali Haddad occupe une place proportionnelle au rang qui était le sien sous Bouteflika. L’ancien patron des patrons a ouvert le bal des arrestations des hommes de l’ancien président avant même la chute effective de celui-ci.

Il a été arrêté dans la nuit du 30 mars 2019 en tentant de fuir en Tunisie. Pris en possession de deux passeports algériens, ce qui est illégal, il écope en juin de six mois de prison.

En décembre, il est condamné à sept ans pour son rôle dans le financement occulte de la campagne pour le cinquième mandat, une peine ramenée en appel, en mars, à quatre ans.

Puis arrive « Son » procès. Depuis le 21 juin, le patron de l’entreprise de travaux publics ETRHB est jugé devant le tribunal d’Alger pour des soupçons de corruption dans la constitution de son immense empire, acquis à l’ombre des Bouteflika.

Il encourt 18 ans de prison, ce qui porterait ses peines cumulées à 22 ans et demi. Ali Haddad n’a entraîné que trois de ses frères, pour lesquels des peines allant jusqu’à dix ans sont requises.

Son record à lui est celui du nombre d’anciens responsables impliqués dans son procès : deux anciens Premiers ministres et neuf ministres ayant géré des secteurs en lien avec ses affaires, sans compter les walis et le menu fretin fait de petits fonctionnaires de ministères et des démembrements de l’État.

Le verdict risque d’alourdir les peines des anciens ministres de l’Industrie Youcef Yousfi, qui cumule déjà 8 ans dans les affaires des usines de montage et de Sovac Production, et Mahdjoub Bedda, condamné à 5 ans dans la première affaire.

Tous ces condamnés finiront-ils pour autant leur vie en prison ? Pas sûr, les plus âgés ont 71 ans (Sellal) et 67 ans (Ouyahia) et la législation algérienne stipule que seule la peine la plus forte est exécutée.

« Lorsqu’en raison d’une pluralité de poursuites, plusieurs peines privatives de liberté ont été prononcées, seule la peine la plus forte est exécutée. Toutefois, si les peines prononcées sont de même nature, le juge peut, par décision motivée, en ordonner le cumul en tout ou en partie, dans la limite du maximum édicté par la loi pour l’infraction la plus grave ». C’est dans l’article 35 du Code pénal.

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