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Recommandations sur la consommation d’alcool : un tabou algérien

Recommandations sur la consommation d’alcool : un tabou algérien

Si les risques d’une alimentation trop grasse, trop sucrée, trop salée sur la santé sont régulièrement abordés, ceux concernant l’alcool – souvent acheté sur le marché informel ou consommé dans des bars informels – font l’objet d’un tabou en Algérie.

Pourtant, le pays est bien le deuxième plus gros consommateur de boissons alcoolisées du Maghreb selon la dernière enquête sur le sujet de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2014.

Une étude parue la semaine dernière dans la revue scientifique britannique The Lancet avance que la consommation d’alcool serait extrêmement nocive à partir de 10 verres par semaine.

Cette enquête a examiné les données de 83 études sur le sujet menées dans 19 pays. Les chercheurs ont observé les habitudes des consommateurs d’alcool et constaté un risque plus élevé d’accident vasculaire cérébral (AVC), d’insuffisance cardiaque et d’autres problèmes de santé chez les grands buveurs.

Parmi les 599.912 consommateurs d’alcool réguliers suivis dans le cadre de cette étude, 40.310 décès et 39.018 cas de maladies cardiovasculaires ont été enregistrés au cours des 5,4 millions de personnes-années de suivi (ndlr : il s’agit de l’unité de mesure utilisée en épidémiologie, elle correspond à la durée de suivi d’une personne non-malade pendant une année ou à deux personnes non malades pendant 6 mois).

Pour la mortalité « toutes causes confondues », les chercheurs disent avoir observé une association positive entre mortalité précoce et niveau de consommation d’alcool, avec un risque de mortalité minimum lorsque la consommation est égale ou inférieure à 100 g par semaine (100 g correspondent à 10 verres de taille standard : 25 cl de bière, 10 cl de vin ou 3 cl d’alcool fort).

L’étude indique qu’à l’âge de 40 ans, on diminue son espérance de vie de six mois en consommant entre 100 et 200 g d’alcool par semaine, de un à deux ans avec une consommation comprise entre 200 à 300 g, et de quatre à cinq ans en consommant plus de 350 g par semaine.

Or, rappelle l’étude, les directives en matière de consommation d’alcool dans les pays sont bien supérieures à 100 g d’alcool par semaine.

Aux États-Unis, une limite de 196 g par semaine est recommandée pour les hommes, 98 g pour les femmes. En France, le ministère de la Santé recommande de ne pas dépasser les deux verres par jour pour les femmes, trois pour les hommes. Les chercheurs conseillent à l’Italie, au Portugal et à l’Espagne d’abaisser leurs recommandations en matière de consommation d’alcool.

Il faut noter qu’en Algérie, afin de ménager les susceptibilités religieuses aucune communication du ministère de la Santé n’est faite sur le sujet. Seul le volet commercial des boissons alcoolisées a été abordé par les autorités provoquant en 2015 une polémique et de vives tensions gouvernementales.

En 2017, lors de la campagne pour les législatives du 5 mai, l’ancien ministre du Commerce et président du MPA, Amara Benyounes déclarait : « Je suis un homme politique, pas un imam qui fait des fetwas. Nommé ministre du Commerce, j’ai trouvé que les vins étaient en vente. J’ai quitté ce ministère et les vins sont toujours en vente. Je défie quiconque de me ramener la copie d’une autorisation permettant la vente des boissons alcoolisées en Algérie que j’aurais signée. L’Algérie consomme annuellement 200 millions de litres de vin ».

 

Contrairement aux idées reçues sur les « bons alcools » et les « mauvais alcools », l’enquête indique que tous les alcools seraient nocifs pour l’organisme : qu’il s’agisse de la bière (boisson la plus consommée en Algérie), d’un excellent vin ou a contrario d’un vin bon marché. C’est bien une affaire de quantité d’alcool et non de qualité.

En France, quelques jours après la publication de cette étude, des professionnels de santé – dont Irène Frachon, la pneumologue à l’origine des révélations sur le Mediator – et militants contre l’alcoolisme ont publié un document dans lequel ils donnent « 10 mesures efficaces pour protéger des risques de l’alcool ».

La France a l’une des consommations les plus élevées au monde. L’alcool est « responsable annuellement en France de 49.000 morts dont 15.000 cancers, deuxième cause de mortalité prématurée évitable après le tabac, première cause de mortalité des jeunes de 18 à 25 ans, première cause évitable de retard mental de l’enfant, deuxième cause d’hospitalisation et facteur favorisant ou déclenchant de 40% des violences familiales et conjugales, de 30% des viols, des agressions sexuelles et des violences générales et sur la route », écrivent les professionnels signataires de ce document.

Ils demandent notamment aux pouvoirs publics français « d’indiquer sur les contenants la quantité en grammes d’alcool et de sucre, le nombre de calories de manière claire, lisible et contrastée », de « faire figurer sur les contenants et sur toute publicité pour une boisson alcoolisée un pictogramme clair, visible et contrasté marquant la contre-indication de toute consommation aux femmes enceintes » ou encore de « taxer l’alcool proportionnellement au contenu en grammes d’alcool et définir un prix minimum de vente par unité d’alcool pour toutes formes d’alcool ».

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