Les Marocains ont trop vite jubilé après l’adoption, vendredi 31 octobre, par le Conseil de sécurité de l’ONU d’une résolution sur le Sahara occidental. Le texte a été présenté par le Makhzen comme une victoire éclatante, voire définitive du Maroc.
Ce qui est loin d’être vrai. Une telle lecture est démentie par les clarifications de deux voix diplomatiques qui comptent dans le dossier, le ministre algérien des Affaires étrangères Ahmed Attaf et le conseiller de Donald Trump, Massad Boulos, que l’on ne peut soupçonner de sympathie pour le front Polisario et encore moins d’intimité pour le Maroc.
Sur la chaîne algérienne AL24 News, Ahmed Attaf a lâché, dimanche 2 novembre, une phrase qui en dit long sur la teneur du texte adopté par le Conseil de sécurité : « L’Algérie était à deux doigts de voter pour la résolution » du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental.
Ce que le Maroc voulait obtenir
L’Algérie n’a pas participé au vote et le texte a été adopté par les voix de 11 pays membres du conseil. La Russie, la Chine et le Pakistan se sont abstenus.
« À deux doigts », cela signifie que l’Algérie est presque entièrement d’accord avec la teneur du texte qui ne peut, de ce fait, être aussi favorable au Maroc que l’on tente de le présenter.
Si l’Algérie n’a pas voté, c’est à cause de « cette petite disposition », la mention de « la souveraineté marocaine ». Et encore, la mention a été faite dans le préambule et non dans le corps de la résolution, ce qui constitue une nuance de taille. Sinon, « les fondamentaux de la question du Sahara occidental ont été préservés ».
Ceux qui jubilent font comme s’il n’y avait pas deux moutures de la résolution : une, initiale, ouvertement favorable au Maroc, et une autre, finale, largement équilibrée grâce aux efforts de l’Algérie.
Ahmed Attaf a expliqué que les Marocains voulaient le démantèlement de la Minurso ou la transformation de son mandat, imposer le plan d’autonomie comme solution unique et exclusive et « tuer définitivement l’idée d’un référendum d’autodétermination ».
Pour imposer ces trois idées, les Marocains ont compté sur un passage en force avec l’aide des Etats-Unis, « Pen holder » de la résolution. Au final, ils n’ont rien obtenu de tout cela et il suffit de lire la mouture adoptée pour s’en rendre compte.
« Il n’y aucune référence à la souveraineté marocaine, ni à l’État marocain », « le principe de souveraineté marocaine a été expurgé », « le plan d’autonomie n’est plus le cadre exclusif » et la Minurso « que le Maroc voulait démanteler ou transformer a vu son mandat prorogé d’une année », a clarifié le chef de la diplomatie algérienne.
Sahara occidental : le Maroc n’a rien obtenu de consistant
De quelle victoire éclatante parle-t-on donc ? Le plan d’autonomie a été seulement évoqué, et au conditionnel, comme une option, parmi d’autres, qui « pourrait représenter la solution la plus réalisable ». Et encore, quand bien même ce plan est évoqué pour la première fois, sa mise en œuvre reste tributaire de son acceptation par le représentant reconnu du peuple sahraoui, le front Polisario.
Quant à la défaite que l’on tente de coller à l’Algérie, elle n’en est pas une non plus, bien au contraire. Il suffit pour s’en convaincre, de comparer les deux moutures évoquées par Ahmed Attaf.
La diplomatie algérienne et d’autres pays ont pu rééquilibrer le texte contre la volonté de deux grandes puissances du Conseil de sécurité, la France et les États-Unis, jusqu’à obtenir une résolution qu’elle était « à deux doigts » de voter. Le Maroc, malgré un tel soutien, se retrouve à fêter « une petite disposition » insérée dans le préambule d’un texte onusien. Une maigre consolation pour le royaume qui pensait que l’affaire était pliée grâce au soutien de Paris et Washington.
L’Algérie n’est pas non plus isolée dans son combat pour le respect de la légalité internationale dans le dossier du Sahara occidental.
Selon Ahmed Attaf, huit pays, soit plus de la moitié des membres du Conseil de sécurité, ont proposé des amendements et contribué au rééquilibrage du texte initialement partial en faveur du Maroc.
Si les explications du ministre algérien ne suffisent pas, les Marocains devraient écouter ce qu’a dit de la résolution le conseiller du président des États-Unis, leur principal soutien dans cette histoire.
Pourquoi le Maroc vend l’illusion d’un succès diplomatique
« La résolution fait clairement référence à l’autodétermination », cela a été accepté par le Maroc, ce qui « constitue un pas très important vers l’avant » et « il n’y a pas de doute qu’il y aura une sorte de vote ou de règlement ».
Ce sont les propos tenus samedi sur la chaîne Al Hadath par Massad Boulos, conseiller de Donald Trump pour le Moyen-Orient et l’Afrique, qui a en charge le dossier du Sahara occidental.
Évidemment, la teneur de la résolution et les déclarations de Boulos sont d’une limpide clarté et leur sens n’échappe pas au régime marocain, à sa diplomatie et à ses médias.
Se le Palais royal persiste à vendre au peuple marocain l’illusion d’une victoire, c’est pour une raison bien simple : c’est par la promesse d’un retournement dans le dossier sahraoui, et donc d’une « victoire », qu’il lui a fait accepter la forfaiture de la normalisation avec Israël.
Or, à l’ONU, le Maroc a encore raté son passage en force. Du reste, jubiler pour « une petite disposition » insérée dans le préambule d’une résolution onusienne, est en soi un aveu d’échec retentissant.