Se marier en France lorsqu’on ne dispose pas d’un titre de séjour devient de plus en plus compliqué. Il s’agit d’un autre moyen de régularisation qui file peu à peu d’entre les mains des sans-papiers.
Selon la loi française pourtant, se marier avec un ressortissant français est tout à fait légal et possible, même si l’étranger est sous OQTF. Mais de plus en plus de maires s’y opposent, en violation de la loi. L’interdiction du mariage des sans-papiers, bien que cela soit jugé anticonstitutionnel par la majorité des groupes politiques en France, est en bonne voie pour entrer en vigueur.
En février dernier, le Sénat a d’ailleurs voté la proposition de loi du sénateur centriste Stéphane Demilly, appelant à « à interdire un mariage en France lorsque l’un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire ». Cette proposition de loi sera examinée ce 26 juin à l’Assemblée nationale.
Soutenue par le gouvernement, cette proposition ne semble pas déranger le président Emmanuel Macron, qui s’est exprimé dernièrement au sujet des maires risquant la prison car ils ont refusé de marier des sans-papiers alors que la loi autorise encore ce genre d’union. « C’est ubuesque », avait estimé le chef de l’Etat français.
Mariage des sans-papiers : un vent de fronde souffle sur les mairies françaises
Chez les maires de France, chargés d’officialiser les mariages, une sorte de fronde semble s’installer, affirme Le Figaro. Après le maire de Béziers, Robert Ménard, qui a refusé de marier en juillet 2023, un sans-papiers algérien sous OQTF à une Française, plusieurs autres élus ont fini par surfer sur la tendance.
Ces maires se sentent « abandonnés par le système » et voient en la proposition de loi du sénateur centriste une opportunité qui leur permet de pouvoir dire non aux mariages des sans-papiers, sans pour autant risquer des sanctions judiciaires (jusqu’à 5 ans de prison et 75.000 € d’amende).
Il y a notamment la maire LR de Bourg-lès-Valence, Marlène Mourier qui a refusé de marier Sylvie, une Française de 51 ans, avec Bilal, un Tunisien sans-papiers de 36 ans. L’élue assure que « cet homme a lui-même déclaré vouloir se marier pour les papiers ».
Le procureur a pourtant expliqué à la maire que vouloir se marier afin de régulariser sa situation administrative n’écarte pas la possibilité d’un « amour sincère ». Mais la maire campe sur ses positions et justifie sa démarche par une volonté de protéger la mariée, qui est, selon elle, « une femme vulnérable… qu’elle ne souhaite pas jeter dans la gueule du loup ».
La maire LR semble avoir été traumatisée par un mariage qu’elle a dû autoriser en 2018, entre un Français de 76 ans et une Sénégalaise de 42 ans. Trois mois plus tard, la mariée a fait signer à son mari une attestation d’hébergement pour un autre homme. « Je me suis promis de plus jamais céder… », confie l’élue LR.
« Mon combat est celui d’aider tous ces élus »
Il y a aussi la maire de Montpont-en-Bresse, Anne Trontin, qui a été obligée de marier, en mars dernier, une ancienne candidate RN aux élections départementales, âgée de 76 ans, à un jeune Tunisien de 34 ans qui « aime aussi Marine Le Pen».
Bien que le mariage ait eu lieu, le ressortissant tunisien a été rattrapé par une OQTF. « Tout tend à prouver que c’est un mariage blanc ! », justifie le député UDR de Saône-et-Loire Éric Michoux, qui est venu le jour du mariage apporter son soutien à l’élue de Montpont-en-Bresse.
Ce parlementaire assure que son combat est celui « d’aider tous ces élus qui, au quotidien, tiennent ces petites communes, et que l’on est en train de dégoûter ». Ces maires, dont Robert Ménard, se sont d’ailleurs exprimés récemment, dans une tribune publiée par Le Figaro, au sujet de cette question.
Les élus frondeurs estiment que « leur vigilance entre en conflit avec l’inertie de l’État et les lacunes du droit » et dénoncent de ce fait « les poursuites, les rappels à l’ordre, voire les sanctions administratives » auxquels ils s’exposent en exerçant « leur droit d’alerte ».
Une pétition intitulée « Mariages insincères : nous, maires de France, demandons à l’État d’arrêter de fermer les yeux », a été d’ailleurs lancée par le maire LR de Valence, Nicolas Daragon. Le document a pu réunir plus de 300 signatures d’élus, fait savoir le Figaro.