Économie

Abattage illégal du cheptel : l’Algérie veut stopper l’hémorragie

Déjà durement mis à rude épreuve par la sécheresse qui a grillé les pâturages et fait bondir les prix des céréales, le cheptel algérien notamment bovin et ovin est en danger de régression.

Cette menace est aggravée par l’abattage abusif et alarmant de femelles reproductrices qui sont pourtant protégées par la loi.

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Il s’agit des vaches et brebis gestantes, des femelles bovines de race locale ou améliorée et des chèvres.

En cause : l’abattage clandestin, certainement, mais pas seulement. Cela intervient dans un contexte marqué par la flambée des prix des viandes devenues inaccessibles même pour les classes moyennes.

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Pour préserver le cheptel national, qui est un patrimoine en danger, les autorités ont décidé de réagir.

Les services de sécurité ont déployé un vaste dispositif de contrôle pour renforcer la lutte contre l’abattage clandestin. Cela s’est décliné par des campagnes de sensibilisation des éleveurs pour ne plus recourir à l’abattage clandestin des femelles reproductrices des animaux de rente.

Les contrevenants risquent la prison et des amendes prévues par la loi qui répriment l’abattage d’animaux sans un certificat d’abattage délivré par un vétérinaire privé et validé par un vétérinaire fonctionnaire assermenté exerçant au niveau de l’abattoir.

De son côté, la direction des services vétérinaires (DSV) qui est l’autorité suprême de la santé animale en Algérie s’est emparé de cette question en envoyant une note aux inspections vétérinaires des 58 wilayas les exhortant de renforcer les contrôles pour éviter l’abattage abusif des femelles reproductrices pour préserver le cheptel national.

La deuxième mesure prise par la DSV a été d’instruire les vétérinaires fonctionnaires qui exercent au niveau des abattoirs afin d’établir un bulletin de renseignement hebdomadaire (BRH) dans lequel ils doivent enregistrer toutes les femelles abattues.

Cette mesure vise à établir une estimation du nombre de vaches ou de brebis abattues dans les abattoirs à l’échelle nationale. L’heure est ainsi au renforcement des contrôles.

Pour lutter contre le déclin du cheptel, l’Algérie a pris les devants depuis plus de trente ans en légiférant dès 1988, avec un décret qui a été légèrement amendé en 1991 et qui interdit strictement l’abattage des femelles en état de gestation notamment celles de l’espèce bovine, caprine, ovine, équine et cameline.

L’abattage des mâles utilisés comme géniteurs, les femelles bovines de race améliorée âgées de moins de 8 ans et les femelles de race bovine et ovine de race locale âgées de moins de 5 ans est aussi interdit. C’est aussi le cas des veaux de moins de 6 mois.

Le vétérinaire travaillant à l’abattoir est tenu de contrôler les animaux présentés à l’abattage, de vérifier leur état physiologique et les documents vétérinaires qui les accompagnent.

L’abattage de femelles gestantes pose problème d’un point de vue éthique et de la préservation du cheptel algérien menacé de régression. D’où son interdiction par la loi. Les pratiques de certains éleveurs mus par le gain facile au détriment de l’éthique sont choquantes.

L’abattage abusif des femelles reproductrices est aussi en principe une affaire de l’ordre national des vétérinaires qui est en cours de constitution. Un projet de décret exécutif fixant les missions, la composition et le fonctionnement des instances de l’ordre national des vétérinaires est en cours.

L’Algérie qui compte près de 20.000 vétérinaires exerçant dans tous les secteurs, a plus que jamais besoin d’un ordre national des vétérinaires pour régler les questions cruciales posées par la profession dont la délivrance de certificats d’abattage des animaux.

Le futur conseil de l’ordre aura pour mission de veiller à l’organisation et au bon fonctionnement de la profession, ainsi qu’au respect de la législation et la réglementation en vigueur, régissant l’exercice de la médecine vétérinaire, de ses règles, de ses usages et de sa déontologie.

Le futur conseil de l’Ordre des vétérinaires aura aussi pour mission d’encadrer les vétérinaires privés pour qu’ils soient particulièrement rigoureux dans leur rédaction des certificats d’abattage. Toute délivrance d’un certificat de complaisance (frauduleux, mensonger, etc) est sévèrement sanctionnée par la juridiction pénale et les mesures disciplinaires.

Préserver le patrimoine animalier

Selon plusieurs vétérinaires contactés par nos soins, le cheptel national est en régression. En cause : la sécheresse et les maladies infectieuses. Quelle incidence de l’abattage des femelles reproductrices sur la régression du cheptel ?

« Difficile à répondre. La mesure la plus pertinente est le recensement du cheptel. Une opération de recensement du cheptel, a été lancée, en octobre 2020, par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural au niveau de deux wilayas pilotes, à savoir Béjaïa et Tlemcen en vue de sa généralisation progressive au niveau national, afin de créer une base de données numériques sur cette richesse animale et de déterminer le véritable nombre des éleveurs en Algérie. Mais cette opération est à la traîne, faute de moyens », relève un vétérinaire.

« Le but est la mise en place d’un système national d’identification du cheptel tout en assurant la traçabilité. Cette opération vise également à identifier les cheptels pour faciliter l’opération de sélection dans le cadre de l’amélioration génétique», poursuit ce vétérinaire.

En attendant la concrétisation de cette opération, la préservation de la ressource animale nationale est une nécessité. L’Algérie compte un riche patrimoine animalier à l’image de la race Ouled Djellal, qui est une excellente variété à viande.

L’Algérie compte aussi des races bovines locales répertoriées par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). C’est le cas de la brune de l’Atlas, la chelifienne, la Cheurfa, la guelmoise et de la sétifienne.

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