Économie

Aïd el-Adha : pourquoi le mouton coûte cher en Algérie

Nombreux sont les Algériens qui se plaignent du prix du mouton de l’Aïd el-Adha qui oscille cette année entre 30.000 et 100.000 dinars. Une des causes réside dans le coût du poste alimentation.

« Nous achetons l’aliment à 7 000 DA » le quintal, déclarait récemment un éleveur. Arrêter le cycle de hausse des prix passe donc par une meilleure autonomie fourragère des exploitations.

À Hassi Bahbah (Djelfa), le souk à bestiaux est fourni : moutons d’un an ou béliers aux cornes impressionnantes. Mais Mohamed n’a pas le moral. Il confie à Ennahar TV : « Il n’y a pas d’acheteurs. Les acheteurs n’ont pas les moyens ». En moyenne, les prix ont augmenté de 10.000 dinars algériens par rapport à l’année précédente.

Des agneaux engraissés exclusivement à l’orge

Il existe différentes catégories d’éleveurs et de façons de faire. En zone steppique, les producteurs d’agneaux ou naisseurs ne procèdent pas à l’engraissement.

Ils ne disposent pas assez d’aliments ou se méfient de leurs bergers. Il arrive que ceux-ci vendent en douce les plus beaux agneaux et les remplacent par des animaux chétifs.

| Lire aussi : Élevage du mouton : après le blé, main basse sur le maïs

Le spécialiste en élevage Mohamed Kanoune, distingue des naisseurs-engraisseurs et même des « naisseurs-engraisseurs pour fêtes religieuses ». Quant aux « engraisseurs », ils sont assez mal considérés car souvent désignés comme étant la cause des tensions sur le marché de l’orge.

Lors de l’engraissement, l’orge peut être donnée à raison d’un à deux kilos par jour. Une aberration pour de nombreux spécialistes. La ration doit comporter une source d’azote à base de fourrages cultivés ou naturels.

Ce type de fourrage manque : pâturages surexploités et peu productifs, surfaces insuffisantes par rapport à la taille du troupeau ou élevages en « hors sol » en étable ; souvent un simple garage en périphérie urbaine.

Les investisseurs spécialisés dans l’engraissement des agneaux ne possèdent pas de terres aussi alimentent-ils leurs bêtes essentiellement à base de grains acheté sur le marché.

Recherche agronomique : on a tout essayé

Selon les régions, les ressources alimentaires sont variées : parcours steppiques, fourrages verts, chaumes et céréales sinistrées, foin, paille, jachères et aliments concentrés.

Afin de réduire la pression sur l’orge, la recherche agronomique tente de diversifier les sources d’aliments : utilisation de grignon d’olives, de raquettes du figuier de Barbarie, arbustes fourragers et mêmes de branches d’olivier. Très utilisée par les éleveurs, la paille fait l’objet de nombreuses études : paille broyée, traitée à la soude ou à l’ammoniac.

Le plus souvent les résultats s’avèrent concluants : croît quotidien des agneaux amélioré, brebis plus productive. Mais ces façons de procéder ont du mal à être adoptées par les éleveurs. L’orge, le son de blé, le maïs et le tourteau de soja et même parfois l’aliment volailles restent très utilisés.

Dès 2005, les chercheurs Aïssa Abdelguerfi et Khaled Abbas ont exploré la piste de l’amélioration de la végétation spontanée sur les terres à blé mises en jachères pâturées.

Au printemps, ils notent l’intérêt de l’épandage d’engrais : « La fertilisation azotée stimule rapidement les graminées. La technique est particulièrement prometteuse si la végétation spontanée est riche en graminées nobles ». Cette pratique reste cependant inexistante, les engrais n’étant utilisés que sur le blé.

Sélectionner les meilleurs animaux

Si la race ovine Ouled Djellal est une race exceptionnelle, un travail de sélection au sein des troupeaux reste indispensable. La station ITELV de Ain M’lila a testé la pesée des agneaux entre 10 et 30 jours ; elle permet de repérer les brebis à meilleures capacités laitières.

Il devient alors possible à l’éleveur de procéder à la sélection des agnelles de renouvellement issues de ces femelles. Tandis qu’une pesée entre 30 et 70 jours permet d’estimer la vitesse de croissance des agneaux. Encore faut-il que chez l’éleveur les animaux soient identifiés par des boucles fixées aux oreilles.

En 2015 une étude indiquait que « plus de 80 % des éleveurs sont analphabètes, le peu qui reste ont un niveau qui oscille entre le primaire et le moyen ». Si les éleveurs capitalisent une connaissance fine des parcours steppiques, ils restent cependant peu au fait des techniques modernes de rationnement, de sélection ou de groupement des naissances.

Des pasteurs devenus des agropasteurs

Une étude réalisée en 2020 à M’sila met en évidence des tendances alimentaires nouvelles, « dont certaines sont inédites ».

Les auteurs notent : « Les éleveurs introduisent de nouvelles ressources alimentaires, et cela notamment par l’incorporation de cultures fourragères ». On doit cette évolution à la mise en place du Plan national de développement agricole (PNDA) en 2000 qui a permis le développement de l’irrigation. On assiste ainsi à un passage du pastoralisme à l’agro-pastoralisme. En parallèle, les soins vétérinaires progressent.

Services agricoles, à la recherche d’une stratégie

De leur côté, les services agricoles déploient des efforts tout azimut. Le Haut-Commissariat au développement de la steppe (HCDS) multiplie les opérations de restauration des parcours en milieu steppique. La simple multiplication des puits permet l’exploitation de nouveaux parcours évitant ainsi la surcharge sur les pâturages anciens.

Depuis peu l’entreprise Alviar propose aux éleveurs la fourniture à prix réduit d’aliments de l’Office national des aliments du bétail (ONAB) à condition de pouvoir racheter leurs bêtes et ainsi approvisionner les abattoirs de ce groupe public.

On peut se demander où vont les bénéfices tirés de l’élevage ? Sont-ils réellement ré-investis dans la modernisation des élevages ? On peut en douter. La solution pourrait passer par une contribution financière obligatoire prélevée sur chaque tête de mouton et affectée à la modernisation.

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