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Akram Kharief : Israël a subi une « seconde défaite stratégique » contre l’Iran

Akram Kharief : Israël a subi une « seconde défaite stratégique » contre l’Iran

Akram Kharief est un journaliste algérien spécialisé en défense et sécurité. Il est aussi rédacteur en chef du site spécialisé sur les questions militaires Mena Défense. Dans cet entretien, il revient sur l’attaque inédite menée samedi soir par l’Iran contre Israël.

L’Iran a lancé samedi soir une attaque inédite contre Israël. Israël a dit que l’attaque a échoué et l’Iran a affirmé qu’il a atteint son objectif. Y a-t-il un perdant et un gagnant ?

Akram Kharief : Sans connaître les objectifs de l’Iran, il est difficile de dire s’ils ont été atteints ou pas. Selon ce qui apparaît, l’attaque, entièrement endossée par les Gardiens de la Révolution et non par l’État ou l’armée iranienne, visait à détruire les bases aériennes d’où ont décollé les avions qui ont bombardé le consulat d’Iran à Damas.

Il ne s’agissait donc pas d’une guerre totale déclenchée par l’Iran visant à détruire Israël.

Durant l’attaque de samedi, les Gardiens de la révolution ont utilisé la saturation en envoyant des dizaines de drones, lents et peu coûteux, pour occuper l’aviation et les défenses anti-aériennes d’Israël et des pays occidentaux qui soutiennent l’État hébreux.

L’envoi de drones a mené à leur destruction presque totale, ce qui est le but des Iraniens, au final ce sont des missiles balistiques qui ont « traité » les cibles désignées au départ sans rencontrer de résistance de la part d’Israël.

La défense israélienne a détruit la majorité des projectiles qui ont été envoyés par l’Iran mais ce qui n’a pas été détruit a réalisé l’objectif initial des Gardiens de la révolution.

La riposte iranienne au bombardement de son consulat le 1er avril par Israël était limitée. Elle a été même annoncée officiellement, ce qui a donné le temps à Israël de se préparer. Que cherchait l’Iran ?

Akram Kharief : Les Gardiens de la Révolution cherchaient à prouver qu’ils étaient capables de répondre aux Israéliens de la même manière, c’est-à-dire militairement. Ils ont cherché à prouver à la communauté internationale que les lois et règles régissant le monde étaient caduques, et à démontrer à une partie de l’opinion publique arabe que des armées et des leaders politiques de leurs pays qui prétendent être incapables d’aider militairement les Palestiniens, étaient aux premières lignes aux côtés de l’État hébreux.

Nous avons vu par exemple que la Jordanie a intercepté des drones iraniens qui se dirigeaient vers Israël. Enfin ils cherchaient à prouver que défaire Israël était largement dans leurs capacités militaires.

Après les attaques du 7 octobre et celles de samedi soir, le mythe de l’invincibilité d’Israël est-il définitivement tombé ?

Akram Kharief : L’Iran a prouvé que même en donnant plusieurs heures, voire plusieurs jours, d’avance aux Israéliens, elle était capable, en engageant peu de moyens, de les frapper et atteindre des cibles sur son territoire.

Après la défaite tactique et psychologique du 7 octobre, l’entité sioniste a subi une seconde défaite, cette fois-ci stratégique, contre une puissance étrangère beaucoup moins bien équipée qu’elle, de surcroît soumise à un embargo technologique et un isolement militaire depuis plus de quarante ans.

Le principal enseignement à tirer de cette attaque est que le choix exclusivement militaire d’Israël pour imposer son diktat au Moyen-Orient a vécu et que l’État hébreu est dans l’obligation de se réformer ou il sera amené à faire face à un péril existentiel dans les cinq ans à venir.

Qui a intérêt à l’extension du conflit à Gaza aux pays de la région. L’Iran ou Israël ?

Akram Kharief : Les deux pays n’ont pas intérêt à ce que le conflit s’étende, mais les régimes des deux misent leur survie politique sur un succès quant à l’issue de cette guerre, c’est ce qui provoque cet emballement de la machine militaire et la prise de risque des uns et des autres.

Les Israéliens, faisant fi de l’opinion de la communauté internationale en commettant ce qui ressemble à un génocide à Gaza, et l’Iran qui s’expose au feu nucléaire en osant s’attaquer à une puissance militaire disposant de l’arme atomique.

Du point de vue militaire, l’Iran a-t-elle les moyens de frapper et de faire mal à Israël ?

Akram Kharief : L’attaque d’hier prouve que l’Iran en est capable. Ce qu’elle n’est pas encore capable de faire est d’avoir des capacités de frappes de décapitation et de seconde frappe en cas de riposte atomique israélienne, mais il semble qu’en développant un arsenal de missiles hypersoniques, l’Iran cherche à répondre au premier impératif et en construisant des installations souterraines, elle veut répondre au second.

Il est raisonnable d’estimer que Téhéran pourrait atteindre cet objectif avant 2030. Pendant ce temps, Israël est dans une phase de déclin technologique et n’avance pas sur le plan militaire.

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