Économie

Algérie – Espagne : les « patrons espagnols ne sont pas contents »

Les relations entre l’Algérie et l’Espagne traversent une période de turbulences depuis la décision de Madrid en mars 2022 de s’aligner sur les thèses marocaines concernant le Sahara occidental.

En apportant le soutien de son pays au plan d’autonomie marocain, le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, a suscité la colère de l’Algérie. Cette réaction s’est faite en deux temps.

D’abord le rappel de l’ambassadeur d’Algérie à Madrid le lendemain de l’annonce le 18 mars dernier du revirement historique espagnol sur la question du Sahara occidental. Ensuite, le gel du traité d’amitié et le commerce entre les deux pays le 8 juin 2022.

| Lire aussi : Les céramistes espagnols pleurent la perte du marché algérien

Depuis cette date, les relations commerciales entre les deux pays sont au point, à l’exception des livraisons de gaz à l’Espagne qui n’ont pas été touchées par les sanctions algériennes.

« C’est toujours le statu quo », affirme à TSA Djamel Eddine Bouabdallah, président de la Chambre de commerce algéro-espagnole. Rien n’a changé.

Après avoir accusé le coup au début de la crise, de nombreuses entreprises algériennes qui importaient d’Espagne des matières premières notamment ont pu changer de fournisseurs, dans d’autres pays.

Pour les entreprises espagnoles, la perte au marché algérien se chiffre en centaines de millions de dollars. L’Algérie était l’un des plus importants débouchés pour certains secteurs comme la céramique.

Algérie – Espagne : la crise risque de perdurer

Entre juin et novembre dernier, les exportations espagnoles vers l’Algérie se sont effondrées de 82,4 %, avec seulement 165,4 millions d’euros, contre 938 millions durant la même période de 2022, selon les chiffres du secrétaire d’État espagnol au Commerce.

Les entreprises de la région de Valence sont les plus durement touchées par les effets de la crise entre l’Algérie et l’Espagne et c’est dans cette région où la grogne des patrons ne cesse de monter contre Pedro Sanchez.

En plus de la perte du marché algérien, les entreprises espagnoles sont impactées par la hausse de la facture de l’énergie, en raison de la baisse des importations de gaz de l’Algérie.

Pour compenser les quantités de gaz qui ne viennent pas via le gazoduc Medgaz, l’Espagne a eu recours à l’importation du GNL des États-Unis qui coûte plus cher que le gaz algérien.

Si l’Algérie n’a pas coupé le robinet avec l’Espagne, elle a choisi l’Italie pour augmenter ses exportations de gaz, dans un contexte de fortes tensions sur cette énergie en Europe, à cause de la guerre en Ukraine. L’Union européenne qui a décidé de réduire sa dépendance vis-à-vis du gaz russe s’est tournée vers l’Algérie pour avoir plus de gaz.

« Les chefs d’entreprise espagnols savent que acheter plus de gaz d’Algérie va permettre aux industriels d’avoir une facture énergétique moins enlevée et donc des coûts de production moins élevés. La facture énergétique des industriels espagnols a été multipliée au moins par deux et les fabricants de céramique ont exprimé leur mécontentement. Les patrons espagnols ne sont pas contents de la situation de blocage des relations avec l’Algérie », explique le président de la Chambre de commerce algéro-espagnole.

Dans le collimateur des entreprises espagnoles, le chef du gouvernement Pedro Sanchez qui a choisi clairement le Maroc comme principal partenaire de son pays au Maghreb, dans un contexte défavorable marqué par la crise énergétique.

Les entreprises espagnoles se retrouvent impactées davantage par la hausse des coûts de l’énergie en raison de la baisse des importations de gaz d’Algérie, dont le prix est inférieur au GNL américain.

En Algérie, l’impact économique de la crise se fait ressentir, avec des effets limités. On parle de la hausse du prix du poussin dont une grande partie était importée d’Espagne et des problèmes que pourraient rencontrer des stations de dessalement gérées par des sociétés espagnoles.

Cette situation va durer encore plusieurs mois. Il n’y a aucun indice sur une reprise des relations entre l’Algérie et l’Espagne. Les contacts sont pratiquement rompus entre les deux capitales et Alger refuse toute médiation de Bruxelles dans la crise avec Madrid.

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