Politique

Algérie – France : le Parlement algérien contre-attaque

Parlementaires, experts et acteurs de la société civile étaient à l’Assemblée populaire nationale (APN) ce lundi 25 octobre pour  une conférence placée sous le thème « Parlement français : halte aux guerres par procuration ».

Comme son intitulé l’indique, la rencontre était destinée à répondre à l’initiative de l’Assemblée nationale française qui a servi il y a quelques jours de tribune à des activistes et opposants algériens.

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« Après les déclarations hostiles du président français, c’est au tour du parlement français, toute honte bue, de mener une guerre par procuration au profit de lobbies dont le seul souci est la pression et le chantage en se mêlant dans les affaires intérieures de l’Algérie », résume le président de la conférence, le député Moundhir Bouden.

Mais très vite, les interventions ont débordé sur le litige mémoriel algéro-français, précisément les derniers propos polémiques tenus par le président français Emmanuel Macron.

Les présidents des groupes parlementaires, les premiers à intervenir, ont été unanimes à condamner les déclarations faites le 30 septembre par M. Macron, rappelant à l’unisson les crimes commis par le colonialisme de 1830 à 1962.

« Mme la France (sic) a oublié qu’on lui a fait la guerre et qu’il y a eu 1,5 million de martyrs. Ce n’est pas un cadeau que la France nous a donné », déclare Ouahab Aït Menguellet, du groupe des Indépendants.

 « L’Algérie est maintenant libre et à ses enfants pour la défendre. Nous n’accepterons jamais que l’on s’immisce dans nos affaires intérieures », enchaîne-t-il.

Le président du groupe parlementaire du FLN, Temamri Sidahmed, a relevé ce qu’il considère comme «  une contradiction » dans la démarche d’Emmanuel Macron.

« Au début de son mandat, le président français a déclaré qu’il allait régler la question de la mémoire (..) Mais à la fin de son mandat, il provoque l’Algérie avec des déclarations très graves. C’est un dérapage politique impardonnable. Après, il va à la Seine pour déposer une gerbe de fleurs et déclarer que ce qui s’est passé (le 17 octobre 1961) est un crime inexcusable. Mais quoi après », s’est interrogé le député de l’ex-parti unique.

 

Les interventions, que ce soit des députés, des experts conviés ou des membres de la société civile, ont porté sur tous les aspects des relations algéro-françaises, la mémoire, la diaspora, les questions géostratégiques, les échanges et les intérêts économiques réciproques, la généralisation de la langue arabe et même la présence en France des dirigeants MAK (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie).

Mais le point nodal sur lequel était attendu le Parlement algérien est presque occulté. Il s’agit de la loi sur la criminalisation du colonialisme.

« Des mesures douloureuses pour la France »

Le premier (et presque le seul) à l’évoquer est le chef du groupe du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Ahmed Sadok.

Il insiste même sur son élaboration et son adoption. « Il faut dépasser le stade des déclarations médiatiques et aller vers des mesures douloureuses pour la France, dont la première doit être l’élaboration immédiate d’une loi criminalisant le colonialisme. La plateforme existe, la conjoncture s’y prête et nous avons l’unanimité en tant que présidents des groupes parlementaires. Qu’est-ce que nous attendons ? L’opportunité risque de passer », plaide-t-il, précisant que la loi qu’il propose devra englober « la reconnaissance, les excuses et l’indemnisation ».

La réponse lui viendra du président du groupe parlementaire du Rassemblement national démocratique (RND). « Nous sommes d’accord avec l’idée, mais cette loi doit être discutée dans son cadre historique, politique et social. On ne doit pas l’élaborer juste comme réaction à une décision politique française. Nous devons prendre tout notre temps et associer tout le monde, la classe politique, les élites, les instituts de recherche », estime le député.

Au vu de toutes les interventions, très peu de suspense subsistait quant à la décision qui sera prise concernant cette question dans la résolution remise dans l’après-midi au président de l’Assemblée, Brahim Boughali.

Finalement, l’option d’élaborer une loi criminalisant le colonialisme n’est pas explicitement proposée, mais elle n’est pas exclue. « L’Assemblée populaire nationale se réserve le droit de répondre à l’attaque du Parlement français, y compris en actionnant les mécanismes juridiques dont il dispose pour proposer les lois adéquates pour cette question », ont écrit les députés, selon un communiqué rendu public par le président de l’assemblée.

Le Parlement reste donc indécis mais ne ferme pas la porte à l’adoption de cette loi dont il a été question pour la première fois en 2005, en réponse à la loi française glorifiant le colonialisme, adoptée sous la présidence de Jacques Chirac. Le projet de loi avait commencé à être élaboré au niveau de l’APN avant d’être bloqué à l’initiative des hautes autorités politiques de l’époque.

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