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Algérie – France : les « réseaux » de la relation bilatérale en panne

Algérie – France : les « réseaux » de la relation bilatérale en panne

Pour un pays qui compte la première communauté étrangère de France, c’est un paradoxe. Très peu de voix se sont fait entendre pour défendre le choix du rapprochement avec l’Algérie alors qu’une partie de la classe politique française fait feu de tout bois pour attiser les tensions entre les deux pays.

L’Algérie a subi aussi des critiques acerbes dans les grands médias français. Ces dernières années, les crises entre les deux pays se sont multipliées à une allure inquiétante.

L’Algérie a dût rappeler son ambassadeur à Paris à deux reprises en moins de deux ans. La première fois c’était après les déclarations controversées en septembre 2021 du président Emmanuel Macron sur le système politique algérien et la nation algérienne.

La seconde fois, c’était en février 2023 à cause de l’affaire Amira Bouraoui, cette militante franco-algérienne qui a quitté illégalement l’Algérie pour la Tunisie avant d’être rapatriée en France grâce à l’intervention du consulat français à Tunis. Ces crises à répétition illustrent la panne qui affectent les réseaux de la relation franco-algérienne.

Début mai, une délégation du parti Les Républicains, dirigée par Eric Ciotti et comprenant entre autres Rachida Dati, l’ex-ministre française de la Justice d’origine marocaine, était à Rabat.

Devant la presse, Ciotti et Dati ont publiquement critiqué la politique maghrébine du président Emmanuel Macron, la jugeant déséquilibrée en faveur de l’Algérie au détriment du Maroc, qu’ils considèrent comme l’allié historique de la France.

Le contexte était celui d’une entente entre Alger et Paris -la visite en France du président Abdelmadjid Tebboune n’était pas encore reportée- et d’une brouille, qui dure toujours d’ailleurs, entre le Maroc et la France.

Les deux politiques de droite ont aussi plaidé la reconnaissance de la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental comme l’a fait le président américain Donald Trump en 2020.

Le Maroc a perdu une grande partie de ses capacités de lobbying en France et en Europe après l’éclatement de scandales successifs impliquant ses services (logiciel Pegasus, corruption de députés européens…), mais il compte encore des irréductibles.

Rachida Dati en est une et cela s’explique aisément par ses origines marocaines. Le président des Républicains, lui, est plus contre une relation spéciale avec l’Algérie que le président Macron veut rétablir qu’un défenseur, intéressé ou pas, du Maroc.

Le lobby anti-algérien en France n’est pas une vue de l’esprit. Son action a été désignée à maintes reprises par les présidents Tebboune et Macron comme étant à l’origine des blocages qui empêchent la relation bilatérale d’avancer, notamment dans le dossier mémoriel, à la cadence que souhaitaient lui imprimer les deux chefs d’État.

Emmanuel Macron a été critiqué à chacun de ses gestes en faveur d’un rapprochement avec Alger, et il est constamment mis en garde contre toute tentation de repentance. Sur la question, la droite traditionnelle à calqué sans complexe l’attitude de l’extrême-droite.

Algérie – France : où sont passés ceux qui sont censés faire la relation bilatérale ?

Après la mémoire, c’est sur l’immigration que l’Algérie s’est retrouvée dans la trajectoire des tirs croisés de la droite et de l’extrême-droite. C’est encore Eric Ciotti qu’on retrouve en tête de ceux qui réclament la révocation de l’accord algéro-français de 1968 sur l’immigration, jugé favorable aux ressortissants algériens par rapport à ceux des autres pays, soumis au droit commun.

Une proposition de résolution a été déposée par le groupe LR au Sénat et Éric Ciotti veut aller jusqu’à un amendement constitutionnel qui garantirait la suprématie de la loi française sur les accords internationaux, avec l’arrière-pensée d’annihiler la portée du texte de 1968.

Le texte compte beaucoup de pourfendeurs, dont l’ancien ambassadeur de France en Algérie Xavier Driencourt et l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, mais curieusement très peu de défenseurs en dehors du gouvernement, qui est jusque-là pour le maintien de l’accord.

Il y a eu ensuite l’affaire du couplet de l’hymne national Kassaman citant la France qui a donné du grain à moudre pour la partie anti-algérienne de la classe politique et, surtout, les émeutes de fin juin – début juillet qui ont suivi la mort du jeune franco-algérien Nahel, tué par un policier au cours d’un contrôle routier, mardi 27 juin à Nanterre près de Paris.

La France s’apprête à se doter d’une nouvelle loi sur l’immigration et il est dans l’ordre des choses que la société et la classe politique en débattent et fassent les propositions qui leurs semblent les meilleures.

Ce qui ne l’est pas c’est cette focalisation sur l’immigration algérienne qui dure depuis plusieurs mois, alors que cette communauté ne représente que 12 % du total des étrangers installés en France.

Il est encore plus incompréhensible que les représentants les plus illustres de cette communauté -et ils sont nombreux du football à la politique en passant par la culture et les affaires- se confinent dans le silence et laissent le champ libre à ceux qui font tout pour saborder la relation franco-algérienne.

L’une des rares voix de la classe politique qui a publiquement refusé cette focalisation sur les Algériens, est une personnalité du centre, François Bayrou.

« Si vous focalisez toute cette question (de l’immigration) sur l’Algérie, à mon avis, vous vous trompez », a-t-il déclaré début juin.

On peut citer aussi le récent plaidoyer pour des relations apaisées fait par l’ambassadeur sortant de France en Algérie, François Gouyette.

« L’Algérie et la France entretiennent, par-delà les blessures du passé et les crises, des liens uniques que nous devons préserver, cultiver et renforcer », a soutenu François Gouyette qui a défendu le rapprochement avec l’Algérie voulu par le président Macron.

Les réseaux censés faire la relation bilatérale et servir de pont entre les deux rives, brillent par leur silence. Ces réseaux qui permettaient par le passé d’anticiper les crises ou de limiter leur propagation ne sont pas reconstitués suffisamment de part et d’autre de la Méditerranée.

Même ceux qui peuvent jouer un rôle clé entre les deux pays se retrouvent, pour des raisons inconnues, marginalisés.

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