Économie

Algérie : la neige fait la joie des agriculteurs

Joie manifeste ces derniers jours dans le monde agricole en Algérie. La cause ? Les chutes de neige qui s’abattent depuis une semaine sur le nord du pays.

Une neige qui en fondant va permettre une infiltration progressive de l’eau dans le sol. Les agriculteurs sont habituellement confrontés aux orages et un ruissellement qui l’emporte sur l’infiltration.

Avec le déficit hydrique lié au réchauffement climatique qui touche l’Algérie, cette infiltration devient capitale autant en milieu rural qu’urbain. Plus d’infiltration signifie en effet plus de recharge des nappes d’eau souterraine.

Mais, ne nous trompons pas, il faudra encore plus d’épisodes neigeux pour humecter le sol et recharger les nappes phréatiques. Celles-ci sont confrontées à  des prélèvements croissants liés à la hausse récente du nombre d’autorisations de forages accordées par les autorités de wilaya.

Le HCDS en première ligne contre le ruissellement

Cette joie des agriculteurs algériens à la vue de la neige met en relief leur préoccupation face au manque d’eau dans les campagnes. Force est de constater que la question de la lutte contre le ruissellement des eaux de pluie n’est pas une priorité pour les agriculteurs en Algérie. Seuls les pouvoirs publics s’en préoccupent.

C’est le cas avec la politique des grands barrages de ces dernières années et de la politique de petite hydraulique initiée par le Haut-Commissariat du Développement de la Steppe (HCDS).

Les ouvrages de dérivation des crues d’oueds ont permis d’irriguer des milliers d’hectares. Ces ouvrages mobilisent peu de moyens pour les construire : un rétro-chargeur, un camion et une bétonnière suffisent pour édifier les « seds de dérivation ».

Depuis plusieurs années, en coopération avec l’Agence spatiale algérienne (ASA), le HCDS utilise des images satellites afin de déterminer les meilleurs emplacements à travers les vastes espaces de la steppe.

Dans les ravins, des oasis linéaires

La recherche universitaire et les services des forêts possèdent également une réelle expertise en matière de lutte contre le ruissellement. Co-auteur d’une étude sur les pratiques agricoles, Mourad Arab à l’Institut National de la Recherche Forestière, (INRF) indique que « des chemins d’eau et des ravines prennent naissance dans les parcours sur-pâturés (surtout sur les sentiers tracés par les animaux) ou même dans certaines plantations forestières dégradées par le pâturage. »

Il suffit de peu pour générer du ruissellement : « il démarre après 20 millimètres de pluie si le sol est sec et après 3 millimètres si le sol est compact ou humide. »

Pour favoriser l’infiltration des eaux de pluie, les experts locaux proposent des bandes de cultures alternées perpendiculaires au sens de la pente, des noues enherbées ainsi que la plantation des haies.

Avec l’Institut français de Recherche pour le Développement (IRD), l’INRF développe le concept d’oasis linéaires dans les ravins avec installation d’obstacles mécaniques tels des murets de pierres sèches, gabions, des grillages maintenus par des piquets ou de simples barrières de pneus usagés.

Ces obstacles freinent le ruissellement et l’eau emmagasinée dans le sol permet l’installation d’une végétation permanente dont le vert tranche en été avec l’aspect desséché des surfaces environnantes.

Associer les populations rurales aux aménagements

Dès 2002, ces experts ont installé des aménagements sur un réseau de parcelles menacées d’érosion et d’une douzaine de ravines expérimentales. Les aménagements réalisés ont permis d’augmenter la production tout en protégeant le sol du ruissellement.

 Sur les ravines, l’édification de seuils en gabions, en pierres sèches, en grillage, en pneus de récupération, ou à l’aide de sacs d’engrais a permis des plantations d’arbres et de fourrage. Progressivement, notent ces pionniers : « La ravine s’est transformée en oasis linéaire où la biodiversité a été recréée, tandis que la dynamique de l’eau a été profondément améliorée ».

Ils ajoutent que dix années après, « ces aménagements sont encore efficaces et certaines ravines produisent du fourrage et des arbres »  malgré le vol de quelques piquets.

Une gestion et conservation des eaux et des sols

Peu à peu a émergé une nouvelle stratégie qui « tient compte à la fois des besoins urgents de mieux gérer l’eau, de protéger la terre et d’améliorer les revenus des paysans » notent les chercheurs Éric Roose, Mohamed Sabir, Mourad Arabi, Boutkhil Morsli et Mohamed Mazour dans un bilan exhaustif de « Soixante années de recherches en coopération sur l’érosion hydrique et la lutte antiérosive au Maghreb. »

Une approche qui se substitue à l’ancienne vision de Défense et Restauration des Sols (DRS), celle-ci n’intégrant pas suffisamment les populations rurales.

Si la lutte contre le ruissellement mérite d’être développée chez les agriculteurs algériens, cela peut être également le cas en zone urbaine. En effet, le déficit hydrique estival en Algérie est tel que la participation de tous va devenir nécessaire.

En Asie, afin de conserver les eaux apportées par la mousson, les autorités encouragent les particuliers à relier les gouttières de leur habitation à des puits remplis de gravier et de sable permettant  une meilleure infiltration des eaux dans le sol.

Un paiement pour services écologiques ?

En Algérie, les chutes de neige salvatrices de ces derniers jours sont l’occasion de s’interroger sur les moyens d’améliorer la disponibilité en eau dans les années à venir.

Cela pourrait passer par des incitations financières, l’information du public ou la modification du cahier des charges tant dans le domaine de la construction des habitations que des bénéficiaires d’autorisations de forage ou de prêts agricoles.

Ces questions se posent tant en Algérie que dans les pays voisins où est parfois évoqué un éventuel paiement pour services écologiques rendus à la collectivité au profit des contributeurs urbains ou ruraux à la lutte contre le ruissellement.

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