Économie

Algérie : les trois facteurs essentiels pour produire des céréales

« Eddi walla khali (prends ou laisse) » voici comment sont parfois reçus les agriculteurs lorsqu’ils viennent acheter des semences dans les Coopératives de céréales et de légumes secs (CCLS).

Pas de possibilité de choix entre variétés de blé, rapporte l’agronome Hamoud Zitouni.

Lors du Conseil des ministres qui s’est tenu dimanche 17 juillet, le président Abdelmadjid Tebboune a instruit le ministre de l’Agriculture d’élaborer « un nouveau plan de relance pour la réorganisation du secteur, loin de toute forme de bureaucratie » et « tenant compte de l’efficacité sur le terrain ».

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Est-ce la fin annoncée des obstacles pour produire davantage de céréales en Algérie ? Pour produire du blé, l’équation se résume dans trois facteurs : la terre, l’eau et les hommes.

Sous le béton, la terre nourricière

Dans le contexte de la crise ukrainienne et du réchauffement climatique, il est plus qu’urgent de préserver les terres agricoles de l’urbanisation et de les sanctuariser. Rien ne saurait justifier de sacrifier la terre nourricière du nord du pays au profit du béton et du bitume.

Mais ces terres céréalières, encore s’agit-il de les exploiter rationnellement. Chaque année, 40 % de la surface agricole du pays est laissée « en repos ». Rien ne peut justifier agronomiquement cette jachère. Pour les services agricoles, emblaver la totalité des terres nécessite donc de convaincre les agriculteurs de le faire et de rendre disponible les moyens matériels correspondants.

Céréales, cultiver sans irriguer

En Algérie, les principales zones céréalières se situant en milieu semi-aride, l’eau est un des facteurs limitants. Les services agricoles prônent l’irrigation de complément.

Cette stratégie comporte deux failles : l’eau ne corrige pas les erreurs techniques des agriculteurs et l’eau se fait de plus en plus rare. Le secteur agricole consomme en moyenne 70 % de la ressource.

Toute économie ne peut qu’améliorer la situation de l’adduction en eau des villes dont beaucoup ne tiennent que grâce à de couteuses opérations de dessalement de l’eau de mer. Les irrigants doivent arbitrer entre arrosage des céréales, des tomates de conserve, de la pomme de terre ou de la pastèque.

La solution passe donc également par la culture en sec avec pleine utilisation de la période des pluies. Il s’agit donc de semer à temps. Or, nombreux sont les agriculteurs qui sèment en décembre au lieu de la mi-octobre.

Élargir la carte fellah aux locataires

Eau, terre et les hommes ? Ils sont souvent peu associés dans les programmes établis au sein des services agricoles.

Si la récente augmentation du prix d’achat des céréales répond aux vœux des agriculteurs, leur marge bénéficiaire est constamment remise en cause : hausse du prix des engrais, manque de matériel ou incertitude foncière.

En effet, nombre d’agriculteurs sont locataires informels des terres qu’ils exploitent. Ces locations ne sont pas adossées à un bail officiel de 8 à 9 ans permettant de sécuriser l’investissement (achat de tracteur, moissonneuse-batteuse).

Imagine-t-on le locataire d’un appartement risquer la mise à la porte d’un instant à l’autre ? C’est le lot de nombreux agriculteurs en Algérie.

Disposer d’un bail reconnu par les services agricoles permettrait l’accès à la carte fellah et donc de bénéficier de crédits bancaires et de diverses subventions de l’État.

Agriculteurs : produire des grains, mais vendre de la semoule

Une fois le foncier sécurisé, le producteur de céréales a besoin de réduire l’incertitude de revenu. Une année de sécheresse et c’est le capital mis dans les semences, les engrais, le matériel qui est perdu.

Des techniques nouvelles existent et l’agriculteur algérien n’est pas rétif au progrès. Il suffit de voir la progression du niveau technique des producteurs de tomates d’El Tarf ou de pastèques de Mascara.

Ce progrès n’est lié qu’à la forte rémunération de ces productions. Est-il possible de mieux rémunérer les céréales ? Les pouvoirs publics ont augmenté les prix.

Pour les céréaliers, la stratégie pourrait être de récupérer une partie de la valeur ajoutée liée à la transformation des céréales. Des agriculteurs producteurs de blé et vendeurs de semoule voire de couscous. Voilà qui pourrait rendre plus attrayante la culture du blé dur et conduire à la recherche de meilleurs itinéraires techniques. Par ailleurs, quid de la possibilité d’appui à la production de la part des minoteries ?

Privilégier « l’efficacité sur le terrain »

Le président Tebboune a demandé de « privilégier l’efficacité sur le terrain ». Pour élaborer son nouveau plan, le ministre de l’Agriculture aura la difficile tâche d’arbitrer entre des aspects variés : menaces sur les terres agricoles, statut des personnels, législation du foncier, modernisation de la céréaliculture en sec, préservation de la marge des producteurs.

Sans compter avec des fausses bonnes idées d’éventuels prédateurs économiques lorgnant sur les terres des fermes pilotes.

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