Économie

Algérie – Maroc : les gazoducs, l’autre enjeu crucial

Acheminer du gaz du Nigéria vers l’Europe par gazoduc : c’est l’autre enjeu crucial pour le Maroc qui cherche à rivaliser avec l’Algérie et devenir un hub gazier pour le Vieux continent.

À l’occasion de l’anniversaire de ce qui est appelé au Maroc « la marche verte » pour désigner l’invasion du Sahara occidental, Mohamed VI n’a pas tendu la main à l’Algérie, contrairement à ses derniers discours.

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Au contraire, le roi a indirectement taclé son voisin de l’Est en évoquant longuement le gazoduc avec le Nigeria que le Maroc envisage de réaliser pour concurrencer le projet algérien similaire. Les gazoducs constituent un autre enjeu crucial pour les deux pays maghrébins dont les relations sont rompues depuis août 2021, suite à une « série d’actes hostiles » de la part du Maroc à l’égard de l’Algérie.

Le projet du gazoduc reliant le Nigeria à l’Algérie (Alger-Lagos) remonte à l’année 2009. Il est destiné à acheminer le gaz de ce pays d’Afrique de l’Ouest jusqu’en Algérie, pour ensuite alimenter l’Europe. En 2016, le Maroc a entrepris lui aussi de réaliser un projet identique, le gazoduc transsaharien (Nigeria-Morocco Gas Pipeline Project (NMGP)).

En juillet dernier, l’Algérie a signé un accord avec le Nigeria et le Niger pour le lancement effectif du projet. En septembre, le Maroc en a fait de même en concluant avec les pays de la CEDEAO puis avec le Sénégal et la Mauritanie. Le royaume ne compte pas laisser son voisin prendre une longueur d’avance dans cette question stratégique.

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La signature de ces mémorandums marque « un jalon essentiel dans le processus de réalisation du projet » et traduisent « l’engagement des pays concernés à contribuer à la concrétisation de ce projet stratégique » et illustrent « leur volonté politique d’assurer son succès », a indiqué Mohamed VI dans son discours prononcé dimanche 6 novembre.

Contrairement au gazoduc algérien, qui traversera seulement trois pays (Nigeria, Niger Algérie) en ligne droite, le gazoduc marocain longera toute la côte atlantique de l’Afrique de l’Ouest et devra remonter par le Sénégal et la Mauritanie. Pour arriver au Maroc, il devra traverser le territoire occupé du Sahara occidental.

Un projet utopique ?

L’Algérie et le Maroc sont reliés par un gazoduc qui va jusqu’en Espagne (le GME, gazoduc Maghreb-Europe). Il a été néanmoins fermé par les autorités algériennes en novembre 2021 dans le sillage de la crise diplomatique entre les deux pays.

Outre le souci de concurrencer l’Algérie et ne pas la laisser devenir l’unique hub gazier africain qui alimentera l’Europe, le Maroc entend aussi, avec la réalisation du TSGP, imposer le fait accompli au Sahara occidental.

Dans son discours de dimanche, Mohamed VI a évoqué le projet comme faisant partie de l’« orientation » en phase avec « les relations privilégiées unissant le Maroc avec le reste des pays africains », rappelant que le Sahara « a constamment constitué un lien entre le Maroc et sa profondeur africaine ».

Pour lui, ce gazoduc n’est pas seulement un projet économique, mais surtout politique, en droite ligne de sa stratégie du fait accompli au Sahara occidental.

Le discours du roi intervient le jour même de la visite à Alger du ministre nigérian des Affaires étrangères, Geoffrey Onyeama. Celui-ci a réitéré, à l’issue de sa rencontre avec le président Abdelmadjid Tebboune, la volonté des deux pays de concrétiser les projets structurants programmés, dont le gazoduc Alger-Lagos, la route Transsaharienne et la dorsale à fibre optique.

Le projet Alger-Lagos a l’avantage d’être plus court (4128 kilomètres, contre plus de 6000 km pour le TSGP). Alors que le gazoduc algérien était estimé lors des premières études en 2009 à 10 milliards d’euros, le TSGP devrait coûter jusqu’à 25 milliards d’euros.

D’où les doutes exprimés par rapport à sa faisabilité, nonobstant le plus gros écueil qui est le passage par les territoires sahraouis, non reconnus par la communauté internationale comme faisant partie légalement du Maroc.

Avant d’arriver au Maroc, il devrait traverser le Bénin, le Togo, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Liberia, la Sierra Leone, la Guinée, la Guinée Bissau, la Gambie, le Sénégal et la Mauritanie, ainsi que les territoires sahraouis occupés. De l’avis des spécialistes, le projet algérien est techniquement plus viable et financièrement plus rentable.

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