Économie

Algérie : qui sont ces champions de l’export agricole ?

Loin d’être un simple exercice de style, la mise en avant des entreprises algériennes exportatrices lors de la première édition de la « Médaille d’honneur de l’exportation », mardi 12 juillet, est révélatrice de la volonté de l’Algérie de réduire sa dépendance vis-à-vis des hydrocarbures.

Parmi les exportateurs récompensés figurent plusieurs opérateurs dans le domaine agricole ou en liaison avec celui-ci. L’occasion de connaître ces champions algériens de l’export agricole.

Avant d’être officiellement récompensées, les entreprises en question ont pu présenter leurs produits au niveau de stands installés au Centre international de conférences d’Alger. Des stands près desquels le président de la République Abdelmadjid Tebboune s’est longuement attardé pour échanger avec les participants.

Le caroube primé à l’export

L’entreprise familiale Boublenza a été créée, il y a près de 30 ans, à Tlemcen avec l’idée de valoriser la poudre de caroube.

Le terme de famille n’est pas un vain mot chez les Boublenza. Autour du patriarche, ses enfants participent activement au développement de l’entreprise.

C’est le fondateur en personne qui a eu l’occasion de présenter et de vanter un produit entièrement d’origine locale.

À la question posée par le chef de l’État de savoir si la matière première était disponible, l’entrepreneur s’est animé : « Non, c’est toute la question. Merci pour cette question, car nous avons décidé en collaboration avec le ministère de l’Agriculture de planter d’ici 2030-35 dix millions de caroubiers. »

Ce à quoi le chef de l’État a rassuré l’entrepreneur qu’il pouvait compter sur les pouvoirs publics : « Je serais votre défenseur, car tout le reboisement que nous allons réaliser dans le cadre du barrage vert et pour le reboisement des forêts incendiées comportera des plants de caroubier. On soutient surtout lorsqu’il s’agit d’un produit purement algérien ».

La poudre de caroube produite par Boublenza est utilisée comme épaississant dans l’industrie agro-alimentaire.

Bien que sa dénomination sous la référence E410 rappelle les produits de synthèse, il s’agit d’un produit naturel très demandé à l’étranger.

En France, la chaîne de distribution Biocoop commercialise les 100 g à 4,79 €. L’entreprise de Tlemcen en exporte vers 25 pays pour une valeur de 47,6 millions de dollars par an.

À ce titre, l’entreprise familiale a reçu le prix du meilleur exportateur de produits agricoles. Un prix déjà reçu en 2018. Cette société se tourne aujourd’hui vers la demande locale qui est en forte croissance. Biscuiterie, chocolaterie, laiterie et fabrication de glace industrielle sont friands du caroube.

Bien qu’encore sous-estimée en Algérie, la poudre de caroube s’avère être un produit stratégique.

En association avec les laits d’origine végétale, elle peut contribuer au remplacement partiel ou total de la poudre de lait utilisée dans les yaourts et crèmes dessert. À travers sa marque Caruma, l’entreprise la propose également comme une alternative à la poudre de cacao.

Biodattes, des exportations de 5 millions de dollars

En 2003, après un diplôme universitaire obtenu à Oran puis un perfectionnement à l’étranger, Fayçal Khebizat est revenu en Algérie avec une idée en tête : surfer sur la vague des dattes bio observée à l’étranger. Il crée son entreprise.

Le nom est tout trouvé, ce sera Biodattes. Comment faire quand on ne possède pas de palmeraie ? Qu’à cela ne tienne, il s’entoure d’un réseau de producteurs auxquels il propose un cahier des charges.

À l’époque, comme il n’existe pas de certificateur local, il fait appel à un bureau étranger.

Rapidement, les premières commandes affluent. Aujourd’hui, l’entreprise jouit de nombreuses certifications mondiales selon des référentiels américains, européens, et même japonais. Ses exportations approchent 5 millions de dollars vers 16 pays différents. À ce titre, Biodattes a été désigné comme le meilleur exportateur algérien de dattes.

L’entreprise compte 600 collaborateurs sur 3 sites et diversifie aujourd’hui sa production vers la poudre de datte et les ingrédients pour l’industrie, tel le charbon actif à base de noyaux.

« Tous les produits sont transformés, il n’y a aucune perte », a précisé le jeune entrepreneur au chef de l’État.

Ajoutant que l’entreprise avait un projet d’extension afin de se rapprocher de ses producteurs. Profitant de la tribune qu’il lui était offerte, il n’a pas manqué d’insister sur le fait qu’il était dans l’attente d’une autorisation de la part des services agricoles.

Huile d’olive Kiared qualité et quantité

Les huiles Kiared de Baghlia (Boumerdès) ont réussi le pari de la qualité et de la quantité.

Non seulement cette entreprise familiale a reçu plusieurs médailles récompensant la qualité de ses produits, mais elle s’est également vue décerner le prix du meilleur exportateur algérien d’huile d’olive. Un gage de sa capacité à mobiliser des volumes importants d’huile.

Rien ne destinait Hamid Kiared au métier d’oléifacteur. La famille s’est tournée dès 1997 vers les matériaux de construction puis a investi dans une huilerie moderne.

« Je devais choisir entre le béton et l’huile d’olive », aime-t-il raconter. Il choisira l’huile d’olive.

Longtemps seul sur le marché local, le moulin a dû tenir compte de l’arrivée progressive de concurrents ayant bénéficié d’aides de l’État.

Sa stratégie est alors d’opter vers la montée en gamme. Pour cela, le jeune entrepreneur n’hésite pas à aller piocher des idées chez les producteurs de la rive Nord de la Méditerranée.

Le moulin Kiared décide ainsi de raccourcir au maximum le délai entre récolte des olives et trituration.

Et pour assurer la quantité, il n’hésite pas à élargir le rayon d’action de la collecte des olives.

Fini le simple rayon local, il prospecte les nouveaux territoires de l’olivier que sont devenues les régions de Djelfa, Aïn Oussera ou Tiaret en procédant à une sélection rigoureuse de ses fournisseurs. Aujourd’hui, c’est par camion entier que les caisses d’olives arrivent à son moulin.

En parallèle, il prospecte les marchés extérieurs en participant à des salons internationaux. Comme il le confie à Jeune Afrique, en 2018 lors d’un salon à Barcelone, un visiteur s’arrête devant son stand et demande à goûter un échantillon d’huile.

Il ne le sait pas, mais il s’agit du directeur du World’s Best Olive Oils. Le visiteur goûte l’huile et enthousiasmé lui dit : « Votre huile est excellente ! Vous devriez vous inscrire à notre concours. Il y a tous les pays, sauf l’Algérie.» Dès les premières participations, les médailles affluent. L’export suivra avec aujourd’hui des exportations de l’ordre de 200.000 dollars.

Pâte à papier et engrais phosphatés

En lien indirect avec l’activité agricole, deux entreprises ont reçu le prix de meilleur exportateur de produits industriels.

L’entreprise Faderco a été primée pour avoir exporté à travers 23 pays à raison de 63 millions de dollars de produits hygiéniques et d’ouate de cellulose.

Créée en 1986 à Sétif, l’entreprise appartient à la famille Habes. Elle est actuellement dirigée par Amor Habes.

Dès la fin de ses études d’architecture en France, à son retour en Algérie, il crée une entreprise d’importation de produits d’hygiène.

Comme il confie en 2016 à Algérie-Eco : « J’y acquiers une première et solide expérience en commerce national et international ».

C’est alors qu’il décide de poursuivre dans cette voie et de mettre son expérience « au service de notre entreprise familiale de production » qu’il rejoint en 1999. Il y occupera, d’abord, le poste de directeur commercial puis, en 2009, celui de directeur général.

Avec sa filiale Warak, Faderco produit aujourd’hui une partie du papier qu’elle utilise. Selon ses promoteurs, avec 70 millions de dollars, il s’agit d’un investissement conséquent qui permet une production de 30.000 tonnes d’ouate de cellulose par an et assure 750 emplois directs et 2.500 indirects.

Le chef de l’État a proposé à Amor Habes d’utiliser l’alfa comme source de pâte à papier rappelant qu’entre Sougueur et Aïn Deheb, il existe de vastes nappes alfatières.

Ce à quoi celui-ci s’est enquis sur les disponibilités locales en eau car : « Il faut beaucoup d’eau », a-t-il ajouté en industriel averti.

Le président Tebboune a évoqué la possibilité de forages ajoutant que « cela va donner de l’emploi ».

En zone steppique algérienne, le manque d’emploi est un mal endémique. Le plus souvent, la seule activité reste alors l’élevage du mouton. Une activité qui a atteint sa limite et exerce une pression sur les pâturages qui sont la source d’un alarmant processus de désertification.

En matière d’impression, le papier obtenu à partir d’alfa est d’une qualité supérieure.

Mais resterait à produire les quantités d’alfa nécessaires à une utilisation industrielle en protégeant les nappes alfatières de la dent vorace du mouton et à mécaniser la récolte.

À la fin de l’entretien, Amor Habes confie au Président Abdelmadjid Tebboune qu’il a un message à lui transmettre de la part des ouvriers : « Que le Président puisse venir visiter l’usine ».

Avec l’exportation de plus de 350 millions de dollars, l’entreprise publique, Société des Mines de Phosphates (Somiphos) de Tébessa, produit divers types d’engrais à partir de phosphate naturel.

Un produit devenu stratégique depuis qu’il apparaît que le pic mondial de phosphate est prévu entre 2030 et 2040.

Après, les réserves devraient diminuer irrémédiablement sans possibilité de reconstitution à l’échelle de la vie humaine.

Or, sans engrais phosphatés point d’agriculture. L’Europe s’approvisionne à partir du Nord de l’Afrique, région géologiquement riche en phosphate naturel. Un atout pour l’Algérie, mais à gérer de façon durable.

L’export, une alternative aux hydrocarbures ?

À l’heure de la canicule, avec une consommation d’électricité qui a atteint un pic de 18.377 mégawatts mardi, selon la Sonelgaz, l’utilisation du gaz naturel progresse toujours plus.

En mars dernier, dans les colonnes d’El Watan, le professeur Abderrahmane Mebtoul s’inquiétait d’une « forte consommation intérieure presque équivalente aux exportations » à l’horizon 2025.

De nombreux observateurs avancent également qu’en 2030, entre exporter ou consommer le gaz naturel, l’Algérie devrait choisir.

Une raison de plus pour rechercher des alternatives à travers les exportations.

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