Politique

Au siège de l’UGTA, Tebboune fracasse « la décennie mafieuse »

La dernière fois qu’il a mis les pieds à la Maison du peuple, siège national de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) à Alger, c’était il y a treize ans.

C’est par des excuses pour cette longue absence que Abdelmadjid Tebboune, président de la République, a entamé le long discours qu’il a prononcé, ce mercredi 1ᵉʳ mai, devant les cadres de la Centrale syndicale, à l’occasion de la fête internationale du travail.

Un discours où il a été question d’économie, beaucoup d’économie, de mesures sociales évidemment, et d’autres questions. Mais point d’indication, encore moins d’annonce concernant son intention de briguer ou pas un second mandat aux présidentielles anticipées du 7 septembre dernier. L’occasion ne s’y prêtait pas, certes.

En arrivant à la Maison du peuple, le chef de l’État a déposé une gerbe de fleurs devant la stèle commémorative de deux illustres anciens dirigeants de l’organisation syndicale, son fondateur pendant la guerre de Libération, Aïssat Idir et son secrétaire général dans les années 1990, Abdelhak Benhamouda, qui a « courageusement affronté la barbarie ».

Le discours présidentiel devant les délégués des travailleurs peut être ainsi résumé : l’État poursuivra sa politique de soutien au pouvoir d’achat à travers les augmentations des salaires et des pensions tout en maintenant le cap de la relance et de la diversification de l’économie. La vraie garantie de l’indépendance, c’est une « économie forte » et une « armée forte », a-t-il réitéré.

À noter aussi ces mots très forts pour dénoncer et mettre en garde contre le discours de haine et de division qui cible notamment la Kabylie. « Certains insultent une région du pays, d’autres les Martyrs. Un cadre de l’État s’est permis de s’attaquer à Abane Ramdane. Qui est-il pour parler de Abane ? Seuls ses compagnons d’armes peuvent parler de Abane », a asséné le président Tebboune, en allusion au directeur de la culture de la wilaya de M’sila qui a été incarcéré en 2020 pour s’être attaqué au héros de la révolution algérienne dans un contexte de montée du discours de haine, notamment sur les réseaux sociaux.

Ses mots forts, Abdelmadjid Tebboune les a aussi réservés à ceux qui ont géré les affaires du pays avant le hirak. Après la « décennie noire » et la « décennie rouge », on parlera désormais de « décennie mafieuse ».

C’est Abdelmadjid Tebboune qui a qualifié ainsi, dans son discours de ce 1ᵉʳ mai, la décennie qui a précédé son arrivée au pouvoir en 2019, correspondant aux deux derniers mandats de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika.

Une décennie marquée par un « capitalisme sauvage qui a enrichi davantage les riches et a appauvri les plus pauvres », a-t-il déploré.

« C’était un plan étudié pour démoraliser le peuple afin de lui faire accepter des décisions lourdes et mener le pays comme le mouton de l’Aïd vers le FMI et la Banque mondiale », et ceux qui étaient contre ce discours « l’ont payé cher, ainsi que leurs enfants », a-t-il accusé.

En évoquant les institutions financières internationales, le président Tebboune a réaffirmé sa position de principe qui est de refuser « catégoriquement » le recours à l’endettement, « par fidélité aux Martyrs et à tous ceux qui se sont sacrifiés pour le pays ».

Au siège de l’UGTA, Tebboune a parlé de tout, sauf de la présidentielle

Comme à son habitude, le chef de l’État n’a pas été tendre avec les membres de la « Issaba », qui ont, selon lui, fait en sorte que l’économie algérienne « tourne autour de l’importation », qui « se sont partagé les territoires », qui « ont voulu vendre les biens de l’État pour les racheter eux-mêmes », qui se sont offert « des jets privés » et des « salons privés »…

Le président Tebboune a raconté pour l’anecdote comment, au cours d’une réunion du gouvernement, un ordre a été donné de débloquer une broutille pour le secteur de l’habitat et une somme colossale pour une entreprise, qu’il n’a toutefois pas nommée.

Ou encore comment une entreprise d’hydraulique a obtenu 15 grands marchés, dont un de 1,2 milliard de dollars. Le président de la République a promis que la justice continuera à traquer les corrompus et les fonds qu’ils ont détournés.

« C’était ça l’économie nationale et on parlait de tripartite », a-t-il ajouté à propos des fameuses consultations périodiques entre le gouvernement, la Centrale syndicale et le patronat, qui se tenaient sous le règne du défunt président Abdelaziz Bouteflika.

Au siège de l’UGTA et devant ses cadres, Abdelmadjid Tebboune a dit qu’il n’est pas contre la tripartite, « à condition qu’elle soit différente des précédentes ».

Les choses ont changé, s’est de nouveau félicité le président de la République, revenant sur les performances de l’économie nationale qu’il a eu déjà à étaler, la hausse des exportations hors hydrocarbures à 7 milliards de dollars en 2023, l’exportation de produits que l’Algérie importait par le passé comme le ciment et l’acier, la construction de logements désormais avec des matériaux exclusivement algériens, la production d’huile et bientôt de sucre également « 100 % algériens ».

Il a aussi maintenu sa prévision d’atteindre en 2026 un PIB de 400 milliards de dollars. La diversification ne signifie pas l’abandon des hydrocarbures. La nouvelle économie algérienne sera basée sur le pétrole et le gaz, l’extraction minière et l’agriculture, a-t-il précisé.

C’est cette économie forte qui permettra une prise en charge effective des revendications des travailleurs. Car, a-t-il expliqué, l’augmentation des salaires ne doit pas déboucher sur une inflation qui annihilera ses effets.

Le chef de l’État a toutefois réitéré son engagement de poursuivre l’augmentation des salaires des fonctionnaires, des pensions de retraite entre 10 et 15 % et d’élaborer un nouveau statut pour les « éducateurs » et les personnels de la santé…

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