Économie

Automobile : les importateurs particuliers victimes collatérales de la hausse de la production

Le marché algérien des véhicules commence à sortir de la crise. Après deux années de fortes tensions en raison du blocage des importations, le déséquilibre entre l’offre et la demande tend à se résorber grâce aux quantités de véhicules assemblés localement. Une baisse de tension perceptible à travers la baisse continue des prix des voitures d’occasion et la disponibilité de presque tous les modèles assemblés en Algérie.

La filière a connu bien des péripéties depuis le lancement des premières usines d’assemblage en 2014 et il aura fallu trois à quatre ans pour assister aux premiers effets sur le marché.

L’opération avait très mal débuté avec beaucoup de contradictions et même des soupçons d’opacité dans l’octroi des autorisations. Au lieu d’opter pour deux opérateurs historiques tout au plus, le gouvernement avait retenu une dizaine de constructeurs, avant de ramener la liste à cinq.

Le dossier ne semble pas clos, puisque le ministre de l’Industrie et des Mines a fait état, lors de son passage au forum d’El Moudjahid ce dimanche 21 octobre, de « dizaines de constructeurs » qui ont émis le vœu d’investir dans le montage automobile en Algérie et que leurs dossiers « vont être étudiés » et « soumis au Conseil national de l’investissement ».

L’annonce de Youcef Yousfi est de nature à faire baisser davantage la tension sur le véhicule puisque, comme le démontrent les chiffres, les voitures deviennent plus disponibles et leurs prix plus accessibles au fur et à mesure que les usines d’assemblage entrent en production et placent des quantités supplémentaires sur le marché.

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Avant les restrictions imposées en 2016 à l’importation, le système des quotas puis carrément l’interdiction, environ 400 000 véhicules étaient écoulés annuellement sur le marché algérien. L’année 2012 a même vu les concessionnaires importer une quantité record : 605 000 véhicules pour 7.6 milliards de dollars.

L’arrêt net des importations alors qu’une seule usine d’assemblage était entrée en production (celle de Renault à Oran, inaugurée en 2014) avait induit de fortes tensions et une perturbation totale du marché. Cela s’était traduit pas une hausse vertigineuse des prix du neuf et de l’occasion et des délais d’attentes extrêmement longs pour acquérir un véhicule neuf.

Dans sa quête de réduire la facture des importations et l’érosion du matelas des réserves de change, le gouvernement a imposé des restrictions à l’importation de plusieurs produits, parmi lesquels l’automobile dont la facture s’élevait à quelque 5 milliards de dollars par an.

La voiture, devenue accessible à de larges franges de la population à partir de la fin des années 2000 est subitement redevenue hors de portée.

Vendeurs, revendeurs et acheteurs ont préféré temporiser. Chaque semaine, les marchés hebdomadaires comme ceux de Tidjelabine (Boumerdès) et de Hama Bouziane (Constantine) sont pris d’assaut mais très peu de transactions sont effectuées. La baisse de l’offre des véhicules neufs a induit mécaniquement une hausse vertigineuse des prix.

Après l’épisode de la publication par le gouvernement des prix sortie d’usine des véhicules neufs en mars dernier, les opérateurs ayant lancé des usines d’assemblage ont augmenté leur production et, du coup, réduit les prix de leurs voitures. Cette tendance devrait s’accélérer en 2019.

En septembre, Youcef Yousfi a maintenu la pression en indiquant que “le prix de la voiture assemblée localement ne doit guère dépasser celui de la même voiture importée. “Les industriels doivent respecter le cahier des charges en augmentant progressivement le taux d’intégration qui, au fur et à mesure qu’il progresse, les prix baisseront graduellement”, a-t-il promis.

L’impact est palpable sur les prix des voitures d’occasion, nettement revus à la baisse, ou pour la disponibilité de certains modèles. La mise sur le marché de quantités de plus en plus importantes est en effet de nature à relancer la concurrence. Notamment lorsque les usines lancées en 2016 tourneront à plein régime et avec l’entrée en production de l’usine Peugeot-Citroën d’Oran avec une capacité prévisionnelle à terme de 100 000 véhicules par an.

La concurrence de retour

120 000 véhicules neufs ont été mis sur le marché durant l’année 2017, dont la moitié (60 000) par la seule usine Renault d’Oran. Pour 2018, plus de 200 véhicules sont attendus. Ils seront même 260 000 d’après les prévisions des constructeurs, dont 100 000 devraient sortir des usines Hyundai de Mahieddine Tahkout à Tiaret, 80 000 de l’usine Renault et 40 000 des ateliers de Volkswagen de Relizane.

L’usine de Kia à Batna mettra aussi sur le marché des quantités supplémentaires, sans compter celles produites conjointement par le ministère de la Défense nationale et Mercédès et destinées aux institutions publiques.

Ces prévisions ne seront peut-être pas atteintes, mais les quantités qui seront mises sur le marché contribueront naturellement à faire baisser les prix. La concurrence entre les constructeurs est en effet déjà relancée avec le retour de la publicité du secteur automobile dans différents supports médiatiques (quasiment tous les constructeurs ont lancé des campagnes), des promotions et des remises.

Les importateurs particuliers en victimes collatérales

Les besoins du marché ne seront sans doute pas couverts totalement par l’industrie locale d’assemblage avant deux ou trois ans. M. Yousfi a réitéré ce dimanche l’objectif de produire 400 000 véhicules dans deux ans. Il a même annoncé la commercialisation prochaine d’un véhicule à moins d’un million de dinars. Actuellement, la voiture la moins chère est la Renault Symbol 1.2 essence 75 CV dont le tarif commence à partir de 1,359 million DA.

Mais les effets logiques de la concurrence née de la montée progressive de la cadence de production commencent à se faire sentir, non sans faire des victimes collatérales. On pense notamment aux importateurs particuliers qui ont pris le relais suite à l’imposition de restrictions à l’importation par les concessionnaires. L’importation des véhicules par les particuliers a en effet explosé, atteignant rien que pour les cinq premiers mois de l’année 2017, plus de 500 millions de dollars.

Ceux qui ont fait le mauvais choix d’acquérir à l’étranger certains modèles de véhicules ont été pris de court par les prix appliqués à ceux assemblés en Algérie.

C’est le cas du Tiguan et de Passat de Volkswagen, désormais assemblés en Algérie. Au plus fort de la pénurie, le prix du Tiguan oscillait entre 800 millions et un milliard de centimes. Beaucoup l’ont donc importé de France où son prix varie, suivant le modèle, entre 36 000 et 43 000 euros. Même en achetant l’euro au marché parallèle (1 euro = 210 dinars), l’affaire était rentable pour ceux qui évitent les droits de douane en utilisant la licence moudjahidine.

Mais le Tiguan est produit depuis l’année en cours à l’usine de Relizane et il est proposé à des prix nettement inférieurs : entre 545 et 685 millions de centimes (entre 26 000 et 31 000 euros au change parallèle). Sur le site de petites annonces Ouedkniss, le Tiguan neuf, année 2018, est proposé entre 635 et 880 millions de centimes, avec la même précision pour toutes les annonces : licence moudjahid/délai. Ce qui signifie qu’il s’agit de voitures importées par des particuliers qui n’ont rien vu venir…

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