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Cacophonie sur l’accès aux soins gratuits : et si le ministre du Travail avait raison ?

Cacophonie sur l’accès aux soins gratuits : et si le ministre du Travail avait raison ?

Une petite « polémique » a éclaté cette semaine entre deux membres du gouvernement à propos de l’utilisation de la carte Chifa. Du moins, on a assisté à des déclarations contradictoires émanant du ministre du Travail et de la Sécurité sociale et de celui de la Santé.

Le premier, Mourad Zemali, a surpris tout le monde en annonçant que seuls les détenteurs de la carte du tiers payant pourront désormais bénéficier de soins gratuits dans les hôpitaux publics, ce à quoi Mokhtar Hasbellaoui a rétorqué par un démenti catégorique, rappelant le principe de la gratuité des soins consacré par la loi.

Dans les deux déclarations, il y a sans doute de l’empressement pour l’une et un brin de populisme pour l’autre. Le ministre du Travail a voulu soulever un problème de fond : beaucoup bénéficient de prestations gratuites dans les hôpitaux publics sans cotiser et sans être forcément des démunis.

Hélas, il s’y est pris de la manière la plus maladroite qui soit, en ne précisant pas l’objet de sa remontrance et en présentant sa pensée comme une décision actée, ce qui n’était pas le cas.

À plus forte raison, le timing ne se prêtait pas à une telle annonce, puisque les chauds débats sur la nouvelle loi sur la santé sont toujours dans les esprits et toute déclaration en rapport avec la question des coûts des soins peut aisément être interprétée comme une velléité de concrétisation de la prétendue fin de la médecine gratuite.

D’où sans doute la réaction tout aussi empressée du ministre de la Santé qui, au risque de froisser un collègue du gouvernement, a vite remis les choses à leur endroit, c’est-à-dire que les structures publiques de santé demeureront ouvertes à tous, sans exception.

Empêtré dans les polémiques et ciblé par les critiques depuis plusieurs mois (grève record des médecins résidents, choléra, morsures scorpioniques mortelles…) Mokhtar Hasbelaoui ne pouvait laisser s’ouvrir un autre front, de surcroît sur une question d’une extrême sensibilité et en pleine rentrée sociale.

Si sa sortie a eu le mérite d’étouffer la polémique dans l’œuf, elle a eu en revanche la maladresse d’empêcher le débat de s’enclencher sur une plaie saignante du système national de sécurité sociale.

Le système actuel garantit une couverture sanitaire à tous les citoyens, quel que soit leur statut, à travers la CNAS (travailleurs salariés) et la CASNOS (travailleurs non salariés).

Les chômeurs et les personnes sans ressources ne sont pas pour autant exclus puisqu’ils peuvent bénéficier des prestations de la CNAS s’ils justifient leur statut de démunis par une attestation délivrée par l’APC.

Les derniers chiffres rendus publics situent à 30 millions le nombre de détenteurs de la carte Chifa, soit environ 75% de la population totale. La proportion des personnes assurées est donc plus élevée, puisque cette carte sert aussi à couvrir les frais de soins des mineurs à la charge de son détenteur.

La catégorie ciblée par le ministre du Travail englobe donc toutes ces personnes non affiliées à l’une des caisses de sécurité sociale mais qui ne peuvent pas se faire délivrer par l’APC une attestation de bénéficiaire, car n’étant ni handicapées ni démunies.

Bien au contraire, ce sont parfois, et même souvent, de riches commerçants, à la différence qu’ils exercent dans le secteur informel. Combien sont-ils à gagner plusieurs fois le SNMG et à continuer à bénéficier des prestations des différentes structures de santé publique (centres de soins, hôpitaux, CHU…), du simple changement de pansement à l’opération lourde, sans débourser le moindre sou ?

Des milliers, des centaines de milliers, des millions ? Pas facile de quantifier l’arnaque, le secteur informel étant opaque par définition, mais il est certain que l’État gagnera à ouvrir le débat dans l’optique de refermer la brèche à terme, au lieu de persister dans cette fuite en avant qui consiste à imposer davantage et à augmenter sans cesse les charges sociales des entreprises et des commerçants légaux.

L’idée que voulait avancer le ministre du Travail n’est, tout compte fait, pas tout à fait dénuée de sens : un patient qui n’est pas en mesure de présenter une carte Chifa ne peut être ni un salarié ni un démuni. Il suffisait juste de bien l’exprimer…

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