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Ce que Mohamed VI doit à l’Algérie

Ce que Mohamed VI doit à l’Algérie

CONTRIBUTION. Commençons d’abord par rappeler une vérité historique : si Mohamed VI est aujourd’hui à la tête du Maroc c’est en partie à l’Algérie qu’il le doit.

Il avait à l’époque à peine 9 ans, même pas pubère, vivant dans l’ombre sévère et castratrice de son père, Hassan II. On était alors en 1972 et Oufkir venait de rater d’un cheveu son putsch qui aurait renversé la monarchie.

Et c’est là que Hassan II reçoit un coup de fil de Boumediène. Cédons la parole au père pour mieux rappeler au fils ce qu’il doit à notre pays :

-Tout va bien. Les putschistes sont neutralisés !

-Boumediène :

– Savez-vous que Kadhafi vient de m’appeler pour me demander d’autoriser ses avions à traverser l’Algérie ? Il veut envoyer des escadrilles pour aider les mutins et venir bombarder votre palais de Rabat.

Comme à son habitude, Hassan II fait le fier, l’homme qui n’a besoin de personne, ne doute de rien et surtout pas de sa baraka fabriquée par les « communicants » en sorcellerie- appelons-les ainsi faute de mieux- et traduite par les bracelets et bagues qu’il arborait.

Ce n’était pas du clinquant, mais une alliance avec les esprits. Et ce n’est pas une plaisanterie, loin s’en faut. Hassan II croyait qu’il était intouchable et invincible grâce à ses « communicants » de l’au-delà.  Hassan II  donc répond alors à Boumediène :

– De toute façon, la distance est trop grande, ses appareils ne pourront jamais atteindre le Maroc.

 Et c’est là que Boumediene lui fait échec et mat :

– Kadhafi ne m’a pas seulement demandé  la permission de survoler l’Algérie, il veut aussi que ses chasseurs puissent se ravitailler en carburant chez-nous. Vous pensez bien que je n’ai pas donné l’autorisation.

Il aurait suffi que Boumediène ouvre la porte à l’impétueux colonel Kadhafi pour que le Maroc connaisse un autre destin. Pire ou meilleur, on ne sait, mais différent de celui de cette monarchie oublieuse de ses dettes au point qu’elle ne rate aucune occasion d’enfoncer un clou dans le vaste corps de cette Algérie qui lui a fait éviter le pire.

Si Boumediène que Hassan II qualifiait dans son autobiographie « La mémoire d’un Roi » d’ami dont il avait regretté la mort, Mohamed VI a reçu,  dès la mort de son père, des gestes amicaux de la part du président algérien de l’époque, Abdelaziz Bouteflika, qui lui aurait dit : « Tu as perdu un père, mais n’oublie pas que tu as un oncle en Algérie qui ne veut que du bien à la monarchie marocaine. Si tu as besoin d’un conseil : je suis là ; si tu as besoin d’une aide : je suis là. Je puis t’assurer que rien de négatif ne viendra de mon pays ».

Cette main tendue d’une Algérie fraternelle n’a pas été prise par Mohamed VI. Non par volonté, non par fierté, non par arrogance, mais par nonchalance, c’est un dilettante de la politique.

Ce n’est pas un homme maître de lui, maître de ses choix comme l’était feu Hassan II qui ne déléguait que rarement surtout après les deux tentatives de coups d’État.

On arrive ainsi au cœur du mystère, car il y a un mystère, Mohamed VI. On le sait depuis Freud que pour connaitre un homme, il faut connaitre son enfance. Et l’enfance de Mohamed VI a été tout sauf un conte de fée.

Naturellement gentil, Mohamed VI a appris dès son enfance à se méfier de tout le monde, à simuler, à dissimuler, à baisser les yeux devant plus fort que lui, c’est-à-dire son père, c’est-à-dire quelques courtisans qui avaient les oreilles royales et qui le toisaient de haut en le trouvant mou et passif alors qu’il n’était que rêveur et sentimental, comme l’est tout jeune homme normalement constitué.

En vérité le jeune prince n’était pas fait pour régner, non pas qu’il n’en avait pas les qualités, mais parce qu’il n’en avait ni le goût, ni la force. Il était un homme de son temps et son temps n’était pas celui de la monarchie et du baise main.

Lui était plutôt du genre bisous-bisous. Il força son caractère pour être un roi d’hier alors qu’il voulait être un dirigeant d’aujourd’hui. Le résultat, on le connaît. Passons.

Un roi sous influence

Ahmed Réda Guedira, le principal conseiller de Hassan II et son principal modérateur voyait en lui un futur grand roi réformateur et moderne. Il disait qu’il aurait « un grand destin si… » Et il n’ajoutait rien, laissant les points de suspension vides, sans mots, laissant le « Si » à la grâce de Dieu.

Pourquoi Guedira n’avait-il  pas continué sa phrase ? Tout simplement parce qu’il savait que si le jeune prince avait les qualités de base d’un futur roi éclairé : l’intelligence, l’esprit d’ouverture, la modernité et une certaine compassion pour son peuple, il avait décelé aussi en lui des failles dont pouvaient profiter des esprits retors et malins.

Quelles failles ? Une sorte de désintérêt, et même de désinvolture, par rapport à la chose politique, qu’il a essayé de pallier en faisant confiance à ceux qu’il a fréquenté au Collège Royal, comme Ali El Himma qui fut un moment sa boussole politique ou pour parler le langage d’aujourd’hui son GPS.

Mais si El Himma a un sens politique affirmé, jouant parfois le rôle de Guédira auprès de Hassan II, ceux qui ont les oreilles du roi aujourd’hui en sont totalement dépourvus à l’image du patron de la police et de la DST, Abdellatif Hammouchi qui a le même profil belliqueux que l’ex-ministre de l’Intérieur, Driss Basri, en moins politique et en moins cultivé, notent ceux qui ont eu affaire à lui, car la culture si elle n’excuse pas tout, permet à la personne qui la possède d’inscrire les faits dans une large perspective en ayant une vision loin de tout manichéisme forcément réducteur et forcément trompeur.

Hammouchi n’a d’autre culture que celle de l’autorité, du complotisme et de l’algérianophobie. Pour lui, il n’y a qu’un ennemi à réduire : c’est l’Algérie. Et pour ce faire tous les coups sont permis y compris les moins tolérables.

Il sait que pour durer il doit se faire Cassandre pour faire craindre le pire à un roi qui porte en lui l’insécurité née, comme on l’a souligné, des deux tentatives de coups d’État.

Soufflant le chaud et le froid dans l’oreille d’un Mohamed VI malade, Hammouchi ne dure que parce qu’il éteint des feux qu’il a lui-même allumés si bien qu’il passe aux yeux du roi pour Le pompier du royaume alors qu’il en est le pyromane.

Habile Hammouchi, très habile même et c’est cette habileté qui le perdra car les vrais durs ne dansent pas et lui dansent tout le temps sur une corde raide. Quand un flic se mêle de politique, il faut toujours craindre le pire. Le pire pour le roi, le pire pour lui, le pire pour son pays.

L’affaire Pegasus en est le plus fracassant exemple. Dans le sérail, sa proximité avec le roi ne lui a pas fait que des amis, ses choix répressifs ont allongé la liste de ses ennemis, ceux qui ont une autre vision du Maroc que la féodale qui écrase d’une main de fer toute velléité de réforme. Cassandre mais aussi psy, Hammouchi rassure le roi par le Tout sécuritaire.

Personne ne bouge au Royaume sans qu’il ne soit informé. S’il n’était malade, fatigué, usé par le pouvoir avant l’heure, jamais Mohamed VI n’aurait donné autant de pouvoir à un homme de l’ombre qui aspirera un jour ou l’autre à la lumière.

À l’exemple des Oufkir et Dlimi qui ont tout eu de Hassan II avant d’essayer de le renverser. Mais il y a un temps pour Oufkir, un temps pour Hammouchi, viendra peut-être un jour un temps pour Mohamed VI où il se résignera enfin à régner, mais vraiment, ce jour-là il fera le ménage chez lui.

Amoureux fou des plaisirs de la mer, Mohamed VI trouve sa définition dans le mot de Bachelard : « L’être voué à l’eau est un être en vertige ». Et en vertige, Mohamed VI l’est au-delà de toute mesure.

L’Algérie a besoin d’un roi fort au Maroc, comme l’était Hassan II, car avec un roi fort il y a possibilité d’entente et de dialogue mais avec un roi faible et versatile il faut craindre les mauvais vents, les mauvais esprits et les mauvaises intentions.

*Haut cadre à la retraite

 


 

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