Économie

« C’est le moment pour les entreprises françaises d’investir en Algérie »

Dans cet entretien, Michel Bisac, président de la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française (CCIAF) fait le point sur la situation des entreprises françaises en Algérie.

Pour lui, tous les signaux sont au vert ! Les opportunités économiques sont à saisir et le climat est vraiment propice aux investissements.

TSA : Les relations politiques entre l’Algérie et la France se sont réchauffées depuis la visite du président Emmanuel Macron en août dernier en Algérie. Ce réchauffement a-t-il eu un impact sur les relations économiques ? 

Michel Bisac : C’est évident. Ce réchauffement entre les deux présidents nous donne beaucoup d’espoir sur le plan économique.

Nous sommes dans une conjecture extrêmement favorable. Les feux sont au vert. Depuis la visite du président Macron, nous nous orientons vers un développement fort des relations économiques entre les deux pays.

TSA : On dit que la France, qui est l’un des principaux partenaires économiques de l’Algérie, perd du terrain sur le marché algérien. Est-ce vrai ? 

Michel Bisac : La France a longtemps été le premier partenaire de l’Algérie. Aujourd’hui, elle arrive plutôt en deuxième position derrière la Turquie qui a réalisé de très gros investissements en Algérie.

Les chiffres communiqués par les Douanes françaises concernant les dix premiers mois de 2022 indiquent que nous sommes deuxième investisseur hors hydrocarbure, deuxième client dans le sens de l’importation (5,2 milliards d’euros) : pétrole, gaz, produits raffinés et engrais ; et deuxième fournisseur dans le sens des exportations (3,7 milliards d’euros) : céréales, automobiles et produits pharmaceutiques.

Par ailleurs, le solde commercial était de 1,5 milliard d’euros en faveur de la France en 2020, ce qui atteste que nous sommes en très bonne position.

TSA : Quels sont les principaux obstacles rencontrés par les investisseurs français en Algérie ? Les problèmes liés à l’insécurité juridique et aux transferts des dividendes se posent-ils toujours ? 

Michel Bisac : La sécurité juridique n’est pas spécifique aux entreprises françaises, elle concerne tous les investisseurs étrangers ainsi que les entreprises algériennes.

Pour rappel, nous avons 2.000 membres à la Chambre de commerce algéro-française, entre 250 et 300 entreprises françaises et 1800 entreprises algériennes.

Nous avons une vision assez globale de ce qui se passe. La sécurité juridique a touché tout le monde. Le président Tebboune l’avait déjà annoncé en 2020. Certes, cela a mis un peu de temps à se mettre en place, mais aujourd’hui, c’est fait.

La nouvelle loi sur les Investissements directs étrangers (IDE) est là, et nous sommes en train de dérouler le fil. Je pense qu’il y a beaucoup moins d’obstacles qu’avant.

TSA : L’Algérie s’est dotée d’une nouvelle loi sur l’investissement. La règle 49/ 51 a été supprimée à l’exception de certains secteurs. Y a-t-il d’autres obstacles pour les entreprises françaises intéressées par le marché algérien ? 

Michel Bisac : Quand la règle 49/51 a été adoptée en 2009, elle a causé beaucoup de problèmes. Mais aujourd’hui, la loi a changé. En tant que chambre de commerce, nous avons toujours encouragé les entreprises françaises à s’installer en Algérie et à trouver de bons partenaires.

TSA : Certains reprochent aux entreprises françaises leur frilosité en Algérie par rapport notamment à leurs homologues turques et chinois. Pourquoi les entreprises françaises ont-elles cette image en Algérie ? 

Michel Bisac : En termes d’image, la réciprocité est vraie. Jusqu’à présent, l’image de l’Algérie était assez mauvaise. Il y a un gros déficit d’image de l’Algérie vers les entrepreneurs français.

La volonté des présidents Tebboune et Macron, c’est le rapprochement. L’Algérie dispose énormément d’atouts : énergie, main d’œuvre…

La frilosité vient simplement d’un manque d’information. En tant que chambre de commerce, nous allons en permanence en France pour expliquer les nouvelles lois et encourager à l’investissement en Algérie.

TSA : Quel est l’avenir des relations économiques entre les deux pays ? Allons-nous assister à une hausse du nombre d’entreprises et d’investisseurs français en Algérie ou alors est-ce le contraire qui va se produire ? 

Michel Bisac : Les investisseurs français en Algérie ont toujours été là. Les dernières années ont été difficiles à cause notamment du hirak, du Covid…

Néanmoins, nous n’avons pas assisté à un départ massif des entreprises françaises installées en Algérie. Elles ont courbé l’échine, mais elles sont prêtes à redémarrer.

Nous, ce que nous voulons attirer, ce ne sont pas les grosses entreprises qui sont déjà là d’ailleurs, mais plutôt les PME. Ce sont les petites et moyennes entreprises qui vont augmenter le tissu économique en Algérie.

TSA : Le groupe de travail économique algéro-français (TASK Force) va se réunir le 25 janvier à Alger et la prochaine session du Comité mixte algéro-français de coopération économique (COMEFA) se tiendra en mars prochain. Qu’attendez-vous en tant que patrons de ces deux réunions ? 

Michel Bisac : Pour nous ce sont des signes. Il y a eu la visite du président Macron puis celle d’Elisabeth Borne accompagnée de près de la moitié du gouvernement français, ce qui n’est jamais arrivé avant.

La Task Force est organisée pour préparer le fameux comité mixte algéro-français qui aura lieu en France, au mois de mars prochain, mais surtout pour préparer la visite du président Tebboune en mai en France.

La dernière visite d’Etat d’un président algérien en France remonte à l’an 2000 avec Abdelaziz Bouteflika. Ceci augure de bonnes relations économiques à venir.

TSA : La crise économique qui a touché l’Algérie ces dernières années a-t-elle impacté les entreprises françaises sur le marché algérien ?  

M B : La crise économique est mondiale. L’Algérie a peut-être moins subi cette crise économique que les autres pays. La vraie crise, pour nous, fut le Covid.

En Algérie, nous nous sommes adaptés. Aujourd’hui, je pense que nous en sortons et que les atouts de l’Algérie vont en faire le nouveau pôle industriel, situé à une heure trente à peine de la France, par avion.

L’Algérie est le pays où il faut s’installer aujourd’hui. Pour les entreprises françaises, il y a un marché local captif, mais aussi un marché de l’export vers les pays d’Afrique. Pour conclure, en tant que chambre de commerce, nous croyons aux opportunités économiques de ce pays et appelons les entreprises françaises à venir investir en Algérie.

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