Économie

Comment produire de l’huile d’olive sans engrais ni pesticides

Les huiles d’olive produites en Algérie raflent de prestigieux prix à l’étranger. C’est le cas de Numidia du groupe Ifri et Dhabia. Ces huiles ont également la particularité d’être bio. Retour sur un producteur de Djelfa qui n’utilise ni engrais ni pesticides.

En ce mois de novembre, les matinées sont fraîches. Dans son oliveraie, Hakim Alileche, le producteur de l’huile d’olive Dahbia reçoit TSA. Vêtu d’un blouson en laine et d’un bonnet, il supervise la récolte.

| LIRE AUSSI : Huile d’olive : le pari gagnant d’un investisseur à Djelfa

A ses côtés, des ouvriers munis de râteaux, peignent littéralement des branches chargées d’olives. Celles-ci tombent sur un large filet posé sous les arbres. « Cette année, nous avons une récolte exceptionnelle », nous lance l’oléiculteur en désignant un olivier : « Il y a des arbres qui donnent jusqu’à 120 kilos d’olives. »

| LIRE AUSSI : Hakim Alileche, l’oléiculteur qui veut déghettoïser l’huile d’olive algérienne

C’est en pleine steppe que cet oléiculteur a planté des oliviers. Rien ne prédestinait cet imprimeur à produire des olives. L’idée est née lors d’un voyage à Djelfa.

Il a eu l’occasion de voir une rangée d’oliviers plantés en bordure de champs. Des arbres plantés à l’origine pour délimiter une parcelle et jouer le rôle de brise-vent.

Or, les branches étaient couvertes d’olives ; un détail qui n’avait pas échappé à ce natif des Ouadhias, en Kabylie. Il finira par s’installer dans la commune de Benhar sur 40 hectares.

Ses voisins : « Cela ne marchera pas »

En 2005, c’est grâce à des subventions du Programme national du développement agricole (PNDA) qu’il commence les premières plantations. Il choisit la Chemlal, une variété locale.

Les natifs de la région lui disent : « Cela ne marchera pas ». Mais au bout de 3 ans, pari gagné : les oliviers sont couverts d’olives. Le moral au plus haut, il plante de nouveaux arbres : 2 000, voire 4 000 certaines années. L’oliveraie compte aujourd’hui 16 000 oliviers là où auparavant il n’y avait qu’un sol portant une herbe rare.

| LIRE AUSSI : L’olivier à la conquête de la steppe algérienne

Pour mettre toutes les chances de son côté, avant chaque plantation, il réalise un « défoncement ». Une opération réalisée à l’aide un bulldozer dont les dents griffent le sol, d’abord dans un sens puis perpendiculairement. But : rompre la croûte calcaire située sous la mince couche de terre. Mais une fois cette croûte fracturée, il faudra des semaines pour en extraire les morceaux et les empiler en bordure de champs.

Des olives sans pesticides

Hakim Alileche s’enorgueillit de n’utiliser aucun produit chimique pour produire ses olives et entretenir ses oliviers.

Contre les ravages de la mouche de l’olive, il utilise des méthodes écologiques comme le piégeage. Dans les allées, l’herbe couvre le sol. « Nous n’utilisons pas non plus de produits désherbants pour enlever les mauvaises herbes. Tout se fait mécaniquement », précise-t-il.

L’herbe est utilisée pour faire du compost auquel sont ajoutés les grignons d’olives et les copeaux issus de la taille des branches. « Tout cela produit un compost naturel qu’on épand au pied des arbres », se félicite l’oléiculteur.

Vue de haut, au milieu des espaces nus de la steppe, l’oliveraie ressemble à une forêt. Depuis l’arrêt du passage des moutons sur ces terres, une flore herbacée s’est développée entre les arbres. Une flore et une chute régulière des feuilles d’oliviers qui ont progressivement enrichi le sol.

Nette amélioration de la biodiversité

Sur ce sol auparavant nu et ingrat, la vie est revenue. L’amélioration de la biodiversité est visible à travers le retour des oiseaux, des papillons et des vers de terre comme s’en félicite l’oléiculteur.

Installés en steppe, les oliviers peuvent souffrir de la soif, cependant, ils bénéficient d’un air sec. Un atout contre les maladies à champignons.

Aussi, c’est à peine si l’oléiculteur se permet une pulvérisation de bouillie bordelaise. Une préparation à base de cuivre autorisé en agriculture bio. Adepte de pratiques écologiques, il ajoute : « On laisse la nature faire les choses tranquillement. »

Des olives récoltées le matin et pressées l’après-midi

La qualité de son huile, l’oliveraie la doit à un travail acharné et à la présence d’un moulin au sein même de l’exploitation. Hakim Alilèche est en effet un oléiculteur moulinier. Ici, point de sacs remplis d’olives qui attendent des jours avant d’être pressées. Les olives récoltées durant la matinée sont pressées l’après-midi.

Résultat : une huile extra vierge et de haute qualité : « Le taux d’acidité dans notre huile est 8 fois moindre que la norme autorisée. L’indice de peroxyde est 7 fois moindre que la norme autorisée. C’est de l’ultra pur », confiait-il à TSA lors d’une précédente visite.

« Pour garantir une extraction à froid notre machine n’a pas de source de chaleur », confie Halim Alileche. Sur le matériel d’origine italienne dont il dispose, Halim Alileche n’a pas voulu de dispositif autre que celui permettant une seule extraction à froid.

La recherche de la qualité, une obsession

Cette année, comme les températures étaient élevées lors de la récolte, l’exploitant a testé la récolte de nuit ; une technique utilisée à l’étranger lors des vendanges.

« La récolte s’est faite à des températures de 4 à 5 °C pour préserver les températures basses et une extraction du même ordre. Ce qui donne un rendu exceptionnel en arôme et en parfum », nous confie-t-il. Une recherche de la qualité devenue une obsession.

Derrière lui, un ouvrier s’attaque aux olives les plus hautes et pour cela grimpe dans l’arbre.

Récolte précoce d’olives encore vertes

Autre facteur de qualité, les olives sont récoltées vertes ou « tournantes » alors que d’autres exploitations les récoltent très mûres lorsqu’elles sont noires. L’exploitant indique avoir « commencé la récolte depuis un peu plus d’un mois. On récolte de façon précoce, ce qui permet un maintien de la richesse en anti-oxydants de l’huile d’olive. »

Si avec cette récolte précoce l’exploitant perd en quantité d’huile, il y gagne en qualité. Hakim Alileche saisit une branche, détache quelques olives vertes et en écrase une entre ses doigts, faisant apparaître un jus laiteux : « Quand on récolte à ce stade de maturation, c’est pour garantir tous les bienfaits de l’huile d’olive ».

Déjà 14 heures. Les caisses d’olives sont chargées sur une remorque et amenées au moulin. En moins de dix minutes, l’équipe des 5 cueilleurs du jour s’empressent de décharger les caisses. Empilées sur un chariot, elles sont dirigées vers une presse ultra moderne. Le moulin est le domaine où s’affairent deux employés spécialisés dans l’extraction de l’huile.

Une huile qui sera conservée dans des cuves en inox spécialement conçues pour l’huile d’olive. Quant à la mise en bouteilles, elle s’effectue dans des flacons en verre opaque afin d’assurer une protection contre la lumière.

Un savoir-faire primé à l’étranger

L’huile Dahbia a reçu plusieurs médailles à l’étranger : « A Dubaï en février de cette année, nous avons été récompensé par une médaille d’or. Le jury a procédé à deux analyses espacées dans le temps. Cinq mois après la première, notre huile avait conservé toutes ses qualités et a fait la différence », confiait Hakim Alileche à la mi-novembre à la Télévision algérienne venue rendre visite à un oléiculteur hors norme.

Les plus lus