Politique

Crise de l’eau : les limites de la gestion politique

Avec l’entrée en vigueur ce samedi du premier plan de rationnement de l’eau à Alger depuis le début des années 2000, on ne peut pas dire que les autorités algériennes ont fait montre d’un sens de l’anticipation dans la gestion de la crise de l’eau potable qui a pris des proportions inquiétantes.

Tous les indicateurs étaient pourtant disponibles pour voir venir la baisse drastique de la ressource et les restrictions qu’elle a induites.

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La pluviométrie se fait de plus en plus mauvaise depuis trois ans et les barrages se désemplissent à vue d’œil depuis au moins deux années. Quant aux besoins, il n’est pas trop compliqué de prévoir leur évolution en fonction de celle de la démographie et du développement de l’agriculture et de l’industrie.

Mais ce n’est que vers la fin de l’hiver dernier qu’on a commencé à entrevoir la crise. Fin février, la Société des Eaux et de l’assainissement d’Alger (SEAAL), qui gère l’eau dans la capitale depuis 2006, annonçait sur la carte interactive disponible sur son site internet, des coupures d’une durée indéterminée dans plusieurs communes d’Alger.

Pour la première fois depuis longtemps, on coupe l’eau non pas pour travaux d’entretien ou de réparation, mais à cause d’un « niveau de consommation en eau exceptionnellement élevé ».

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C’était le début de la crise. Mais les premières alertes avaient été lancées bien avant, au moins depuis l’automne passé. Citant des sources de Seaal, TSA rapportait en février dernier que la société aurait alerté le wali d’Alger et le ministère des Ressources en eau sur l’amenuisement des ressources hydriques qui alimentent la capitale.

La raison de la raréfaction de la ressource est bien entendu la mauvaise pluviométrie qui a fait baisser le niveau des barrages. Alger, comme de nombreuses villes côtières du pays, est alimentée en eau des barrages, celle des forges et celle du dessalement.

Cette stratégie de diversification des ressources est salutaire puisqu’elle a permis le maintien d’un certain niveau d’approvisionnement malgré la baisse drastique du niveau de remplissage des barrages. Certains sont déjà à sec, d’autres le seront probablement dans quelques semaines. Mais les barrages fournissent presque le tiers des besoins, du moins pour la capitale.

Des recommandations qui n’ont pas été suivies d’effet

Alger consomme en effet 1.2 millions de M3 d’eau quotidiennement, dont 500 000 proviennent des barrages, 400 000 des forages et 300 000 des stations de dessalement.

Même si les forages et les stations de dessalement ont maintenu leur niveau de production (ce qui n’est pas certain), la baisse drastique des réserves des barrages constituent un énorme déficit qui devait inciter les responsables à anticiper la situation actuelle en prenant des mesures fermes au moins depuis l’hiver dernier. Ce qui n’a pas été fait.

Toujours selon les révélations de TSA en février dernier, Seaal aurait « proposé un plan pour faire face à la situation, en prenant des mesures dont le rationnement de la distribution de l’eau potable, et l’arrêt de certaines activités consommatrices en eau. Mais elle n’a pas reçu de réponse ».

Ça sentait la gestion politique d’un dossier avant tout technique et qui devait rester du seul ressort des spécialistes, les ingénieurs et gestionnaires de Seaal et de l’Algérienne des eaux (ADE) en l’occurrence.

Autre démonstration de l’interférence du politique dans la gestion du dossier de l’eau devenu hyper sensible, le communiqué de Seaal du 17 mai dernier, supprimé quelques heures après sa publication.

Le communiqué annonçait un nouveau plan d’alimentation de la capitale, de 12 h à 20 h. Le retrait du communiqué avait fait beaucoup de bruit et le ministre des Ressource en eau a presque confirmé que la volte-face de Seaal s’est fait sur injonction. « La société n’a pas consulté les actionnaires avant de publier le communiqué », avait expliqué le ministre des Ressources en eau Mustapha Makel Mihoubi.

Absence de stratégie

Il est vrai que la situation politique était loin d’être stable au moment où les premières alertes furent lancées et l’approche d’importantes échéances électorales. L’épisode du fameux communiqué de Seaal survenait par exemple moins d’un mois avant les élections législatives du 12 juin.

Annoncer un rationnement de l’eau après plus d’une décennie d’un approvisionnement en H24 est en effet de nature à favoriser les protestations. Mais était-ce une bonne idée de laisser les choses s’entasser pour agir en catastrophe maintenant que de nombreux barrages du pays sont complètement à sec ? D’autant que l’eau ne coulait plus en continu dans les robinets dans plusieurs quartiers d’Alger.

La décision de réduire l’activité des stations de lavage de voiture, annoncée jeudi dernier, aurait pu par exemple être prise il y a plusieurs mois si la recommandation des spécialistes de prendre des mesures préventives avait été suivie.

Au lieu de s’immiscer dans la gestion technique de l’eau qui est du ressort des entreprises dédiées à cette tâche, le ministère des Ressources en eau ferait mieux de s’atteler à mettre en place une véritable stratégie nationale de l’eau.

L’Algérie est très en retard dans le domaine de l’optimisation de la gestion de l’eau qui est pourtant un enjeu crucial pour l’avenir du pays.

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