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Départ des médecins algériens en France : « La saignée continue »

Départ des médecins algériens en France : « La saignée continue »

En Algérie, l’exode massif des médecins vers l’étranger continue d’ébranler le secteur médical. Une nouvelle liste des médecins praticiens étrangers ayant réussi les épreuves de vérification des connaissances organisées au titre de la session 2023 pour exercer comme médecin en France a été publiée, mercredi 20 décembre.

Comme à l’accoutumée, cette liste comprend de nombreux médecins algériens. Départs massifs, hémorragie, saignée, fuite des cerveaux… : les qualificatifs sont nombreux pour pointer du doigt un fléau qui pénalise au plus haut point l’Algérie. « La saignée continue », a réagi sur Facebook le Dr Merabet, président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP)

Cet exode profite notamment à la France qui continue d’accueillir à bras ouverts les médecins algériens et nord-africains en général.

Pour combler les carences dans ses déserts médicaux, les autorités françaises ont pris une myriade de mesures pour attirer les praticiens de la santé étrangers.

Parmi des mesures figure un dispositif d’autorisation d’exercice basée sur des épreuves de vérification des connaissances. Il cible les praticiens, quelle que soit leur nationalité, pour peu qu’ils aient obtenu leurs diplômes dans un État non membre de l’Union européenne ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

Á l’issue de la procédure d’autorisation de plein exercice, ces praticiens qui l’auront obtenu pourront exercer en France.

En Algérie, la publication de la liste des médecins ayant obtenu le concours pour exercer en France relance la polémique sur le départ massif des soignants.

Le Dr Mohamed Bekkat Berkani, président du Conseil national de l’ordre des médecins algériens, décrypte dans un entretien à TSA ce jeudi, les tenants et les aboutissants de ce fléau.

« Depuis 1987, je n’ai cessé d’alerter sur cet alarmant flux de médecins algériens qui partent vers l’étranger et notamment en France. C’est une véritable saignée et une fuite des cerveaux. Nous sommes particulièrement exportateurs de médecins vers les pays européens, notamment en France, étant donné que nous sommes des francophones », rappelle-t-il.

La saignée se poursuit dans le secteur de la santé publique en Algérie car ce dernier est doublement pénalisé par un départ massif de ses compétences vers le secteur privé en Algérie et vers l’étranger.

« Comme dans un marché à ciel ouvert, la France attire de plus en plus de médecins maghrébins dont les Algériens. Des examens sont régulièrement organisés par les autorités françaises pour accueillir et intégrer des milliers de médecins maghrébins et majoritairement algériens dans toutes les spécialités du système médical français », souligne le Dr Berkani.

Départ des médecins algériens en France : Dr Bekkat Berkani liste les raisons

La France, qui accuse une importante pénurie en médecins dans différentes spécialités, compte combler les déserts médicaux qui affectent de nombreux départements.

« En France, il y a une rareté de médecins due à plusieurs facteurs, dont on peut citer un phénomène qui a généré des déserts médicaux: le numerus clausus (limitation, décidée par une autorité publique ou professionnelle, du nombre de personnes admises à concourir, à exercer une fonction ou un métier, à recevoir un grade, NDLR) », explique le président de l’Ordre des médecins algériens.

C’est un potentiel humain aux compétences avérées que l’Algérie peine à retenir pour différentes raisons. « En Algérie, il y a incontestablement un malaise dans la profession médicale dû aux conditions socio-économiques difficiles qui poussent de plus en plus de jeunes médecins à s’exiler en France », pointe du doigt le Dr Bekkat Berkani.

En Algérie, les médecins se heurtent à de nombreux problèmes qui portent essentiellement sur leurs conditions de travail et le déroulement de leur carrière professionnelle. En guise de solutions, le Dr Bekkat Berkani préconise « l’amélioration des conditions socio-économiques et professionnelles des médecins ».

« Cette amélioration est réclamée par tous les syndicats. Nos médecins ont besoin d’une visibilité sur leur carrière professionnelle. Si au bout d’une longue formation de 10 à 12 années, le médecin ne trouve pas de poste valorisant, il n’a d’autre choix que de s’exiler », explique le Dr Bekkat Berkani.

Pour le président de l’Ordre national des médecins, « des règles doivent être instaurées pour inciter nos médecins à rester dans leur pays. »

« Il faut dialoguer avec nos jeunes collègues qui ont l’impression d’avoir été abandonnés et de n’avoir pas reçu d’écoute de la part des autorités. Il faut absolument rétablir le dialogue. Nous avons proposé d’être partie prenante pour essayer de contribuer au règlement de ces problèmes », affirme le Dr Bekkat Berkani.

Pour le président de l’Ordre des médecins algériens, l’Algérie ne fait pas face à une fuite des cerveaux, mais à une véritable « hémorragie ».

« En Algérie, tous ces jeunes collègues sont poussés par la désespérance qui les incite à aller exercer leurs talents ailleurs. Normalement, la majorité de nos médecins doit exercer en Algérie. Qu’il y ait une minorité qui parte ailleurs, quoi de plus normal ! Après tout, la fuite des cerveaux existe dans tous les pays du monde. Le problème c’est que chez nous, c’est une véritable hémorragie. Il faut se mettre autour d’une table et réfléchir à valoriser ceux qui font le système de santé. Le médecin constitue le noyau central du système de santé », insiste le président du Conseil de l’Ordre des Médecins.

Enfin, invité à donner son avis sur ce que doit normalement avoir comme salaire un médecin dans le secteur public, le Dr Berkani propose « un alignement des salaires des médecins du secteur public avec la grille de rémunération des cadres de Sonatrach, tout en instaurant des contrats de performance ». « Il faut aussi permettre aux médecins un accès à des logements adéquats », conclut-il.

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