Économie

Dépôt et retrait de gros montants : la Banque d’Algérie rappelle à l’ordre les banques

Le gouverneur de la Banque d’Algérie (BA), Aïmen Benabderrahmane, a appelé lundi les banques de la place à faire de l’inclusion financière leur préoccupation majeure et quotidienne afin de pouvoir capter l’importante épargne non bancarisée.

Intervenant lors d’une réunion avec les PDG et les directeurs généraux des banques activant en Algérie, le gouverneur, installé la mi-novembre à la tête de la Banque Centrale, a souligné que l’inclusion financière “ne doit plus rester un vœu pieux” mais constituer en revanche “la préoccupation majeure et quotidienne” des banques, selon le compte rendu de l’agence officielle.

L’ouverture des comptes bancaires, tant en monnaie nationale qu’en devises étrangères, doit ainsi être “facilitée et encouragée”, tout comme l’accès au crédit, a-t-il préconisé.

La place bancaire algérienne, avec à peine 1664 agences et un taux de couverture d’une agence pour 27.587 habitants, alors que la norme mondiale est d’une agence pour 5.000 habitants, se positionne dans un piètre classement.

Pour M. Benabderrahmane, la situation actuelle du secteur bancaire en Algérie mérite de “s’y appesantir et d’engager une réflexion profonde à même de permettre à ce secteur de s’émanciper et d’intégrer les standards internationaux en termes de Gouvernance, de processus de gestion mais aussi et surtout de mobilisation et d’utilisation de l’épargne”.

Ce dernier aspect “doit nous interpeller au plus haut niveau”, a-t-il soutenu, en soulignant les faibles performances du secteur en la matière.

Ces contre-performances sont dues “certainement à des facteurs exogènes, mais aussi à des pratiques internes, imprégnées de certains réflexes bureaucratiques, notamment lorsqu’il s’agit de dépôts ou de retrait de gros montants”.

C’est que les déposants de ces montants hésitent généralement à recourir à des dépôts importants, de crainte de ne pouvoir récupérer leurs avoirs au moment voulu, ce qui induit une méfiance du grand public envers le secteur bancaire, analyse de gouverneur.

Ainsi, il la tenu à attirer l’attention des banques sur la nécessité de mettre en place des mécanismes et une organisation adéquats permettant “d’éradiquer les pratiques préjudiciables aux intérêts des usagés et de rétablir ces derniers dans leur droit de disposer de leur dépôts à tout moment, comme le requiert d’ailleurs la législation et la réglementation en vigueur”.

Les obligations du secteur bancaire, poursuit-il, sont plus que jamais importantes vu la situation économique actuelle du pays qui en recommande une implication dynamique, innovante et efficace dans le processus du développement et donc du financement des projets à haute valeur ajoutée économique, à travers la captation des ressources non bancarisées.

Le 24 novembre, le Directeur du Crédit et de la régulation bancaire à la Banque d’Algérie (BA), Mohamed Lahbib Koubi, estimait que le taux d’épargne nationale en circulation en dehors des banques est estimé à 31% de la masse monétaire en Algérie. Il avait qualifié cette part de “très élevée”, préconisant de drainer ces ressources vers les banques pour mieux financer l’activité économique notamment en matière d’investissement.

En février dernier, le gouverneur de la Banque d’Algérie Mohamed Loukal avait indiqué que la masse monétaire avait atteint 14.574 milliards de dinars au 31 décembre 2017 dont 4780 milliards qui circulent en dehors du circuit bancaire.

Revoir le mode de fonctionnement des banques

Pour pallier les défaillances, notamment en matière d’inclusion bancaire, il faudrait, selon lui, “regagner la confiance des usagers, des opérateurs et des clients” en passant par une révision des modalités et des modes de fonctionnement des banques et des établissements financiers.

De plus, l’amélioration de la qualité des services, l’accompagnement des clients dans leurs projets, l’activité de conseils, les actions régulières de marketing doivent prévaloir dans les processus de gestion quotidienne des banques et des établissements financiers.

Des actions de proximité sont souhaitables, poursuit M. Benabderrahmane, pour familiariser le citoyen avec l’environnement bancaire, mais particulièrement avec les activités bancaires et à l’apport éventuel de ces dernières dans sa vie quotidienne.

La modernisation des banques à réseau, en exercice actuellement en Algérie, doit, en outre, s’accommoder avec la conversion numérique pour capter des parts de marchés certaines.

“La digitalisation ne doit plus être une allégorie, mais une réalité accessible”, a-t-il dit en invitant les banques à faire montre de plus d’agressivité, d’imagination et d’innovation pour asseoir une politique de digitalisation assurée.

Et tout comme la gouvernance, la gestion des risques gagnerait à être améliorée, notamment en ce qui concerne la norme réglementaire de liquidité, a encore recommandé le gouverneur.

Le non-respect par certaines banques de cette norme est “la conséquence directe de la détérioration de la qualité des portefeuilles détenus par elles, ce qui signifie à la base, une insuffisance des dispositifs de gestion des risques”, a-t-il affirmé.

Les risques bancaires sont donc appelés à “être constamment mis à jour et renforcés, à travers notamment une révision de leur cartographie”.

Pour ce qui est du contrôle interne, leurs processus doivent, à leur tour, être constamment mis à jour.

En plus, le système d’information au niveau des banques, doit faire l’objet d’un plan stratégique validé par le premier organe de gouvernance de la banque.

Revenant sur les différents reportings transmis périodiquement par les banques à la Banque d’Algérie, il a rappelé aux responsables des banques l’obligation légale et réglementaire inhérente à l’existence d’une information fiable, de qualité et à temps mais aussi la pertinence d’intégrer les reportings comptables et prudentiels dans le système d’information des banques commerciales.

Mais pour réussir tous ces challenges, le gouverneur a mis l’accent sur la nécessité d’instaurer un cadre permanent de dialogue et de concertation avec les acteurs de la place.

“Il est utile d’instaurer, voire d’instituer des cadres de concertation et de dialogue pour permettre l’éclosion de nouvelles perspectives pour la profession à travers un traitement efficace et une prise en charge optimale des préoccupations, afin que les entraves qui constituent un frein à l’essor de l’activité bancaire soient définitivement levées”, a-t-il soutenu.

Cela ne sera possible qu’à travers un dialogue régulier, responsable, serein et fructueux”, a-t-il ajouté en promettant d’organiser des rencontres de concertations avec les responsables des banques tous les deux mois.

M. Benabderrahmane a tenu à rassurer les banquiers de l’assistance de la BA et de son accompagnement pour répondre au mieux et dans les meilleurs délais aux préoccupations de la place.

“Sachez qu’il n’y aura plus d’écueils dans d’intervention rapide et diligente de la part de la Banque d’Algérie”, a-t-il encore promis.

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