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Elevage : à Tizi-Ouzou, l’étable de Malik défie les lois de la gravité

Elevage : à Tizi-Ouzou, l’étable de Malik défie les lois de la gravité

Traditionnellement performants, les petits producteurs de lait des zones de moyenne montagne de Kabylie ont vu ces dernières années leurs efforts remis en cause du fait de la cherté de l’aliment de bétail.

Disposant de peu de surface, ils sont obligés de se procurer des fourrages hors exploitation. Aujourd’hui, une meilleure disponibilité en maïs ensilage change la donne.

Il fait déjà presque nuit ce mercredi 20 décembre lorsqu’un camion arrive au siège de la coopérative Vallée Soummam à Sidi Aich à l’ouest de Bejaïa. Il est chargé d’une trentaine de balles rondes. Des balles entourées d’un film plastique de couleur blanche. A l’intérieur de ces balles d’une tonne chacune, du maïs ensilage. Un fourrage dont raffolent les vaches laitières.

Malgré l’heure tardive, le camion est aussitôt déchargé. Il a été loué à la journée et tout retard risque d’entraîner des surcoûts. Les ridelles de la longue remorque sont abaissées et les sangles qui maintenaient les énormes balles sont enlevées.

Un chariot élévateur s’approche et son chauffeur ajuste avec dextérité les deux lames qui doivent soulever les balles une à une. La manœuvre est délicate, il est impératif que le film plastique entourant les balles ne soit pas déchiré. Bien que chacune d’elles soit entourée de plusieurs couches de film plastique, cette couverture reste fragile. C’est grâce à elle que le fourrage haché conservé à l’abri de l’oxygène peut être gardé durant deux années.

Lors de leur commande, les acheteurs de la coopérative Vallée Soummam se sont assurés de la qualité du produit. Avec les feuilles et tiges de maïs hachées, l’ensilage doit également comporter des grains de maïs. Ce sont eux qui contribuent à la richesse en énergie du mélange.

Les balles sont délicatement déchargées et déposées au sol l’une à côté de l’autre dans le parc de la coopérative.

Ce transport n’est pas le premier. Sur les réseaux sociaux, la coopérative fait état d’autres arrivées : le 29 novembre et le 5 décembre des camions sont venus livrer les précieuses balles. La coopérative assure également l’approvisionnement en paille comme à la mi-novembre avec un camion qui a ramené une trentaine de balles rondes.

L’engouement pour l’ensilage est tel que certaines exploitations du nord de l’Algérie n’hésitent pas à s’approvisionner en balles rondes venues de la région d’El Menea même si au sud leur production nécessite 2 à 3 fois plus d’eau.

Professionnel averti et initiateur à Constantine de l’utilisation de fourrages produits sur les exploitations, Mohamed Haroun fait part de son admiration à l’annonce de l’arrivée de ces chargements à travers un commentaire : « Très bonne initiative ».

L’ensilage de maïs, une révolution technique

L’apparition de l’ensilage de maïs sous forme de balles rondes constitue une réelle bouffée d’oxygène pour les petites exploitations des zones de moyenne montagne en Algérie.

La plupart d’entre-elles ne disposent pas de la superficie nécessaire pour produire la totalité des fourrages nécessaire à leur cheptel. Certaines sont même qualifiées d’élevage « hors-sol » car la totalité des fourrages sont achetés.

Ce type d’élevage laitier est longtemps resté rémunérateur du fait de la prime versée aux producteurs pour chaque litre de lait produit. Certains éleveurs se spécialisent dans l’engraissement des veaux.

Une activité longtemps restée fortement rémunératrice et alliant relative simplicité et marges bénéficiaires importantes. Dans la région de Fréha (Tizi-Ouzou), l’universitaire Hachemi Si-Tayeb est allé à la rencontre des éleveurs.

« Le gain net qu’on peut réaliser sur une période n’excédant pas sept mois est de l’ordre de 60. 000 DA par tête », témoignait un éleveur. Nombreux sont les éleveurs engraisseurs qui se suffisent d’une « étable dans la périphérie d’une ville pour démarrer. Pour un troupeau de 15 têtes, il faut compter une superficie de 80 m² » fait remarquer l’universitaire.

Co-auteur d’une étude sur la conduite alimentaire des vaches laitières en Kabylie, Mohamed Berchiche enseignant-chercheur au niveau de l’université de Tizi-ouzou alertait en 2007 : « La pratique de l’ensilage est absente dans la quasi-totalité (98 %) des exploitations ».

A propos des rations, il ajoutait que les vaches laitières recevaient de « 5 à 10 kg de foin de vesce-avoine et plus de 10 kg de concentrés, aliment composé à base d’orge, maïs et tourteau de soja, par vache et par jour ». Il concluait sur l’importante « dépendance des élevages vis-à-vis de ce concentré ».

Ce temps semble progressivement révolu. Non seulement un trop fort usage d’aliment concentré est techniquement inapproprié mais il revient aujourd’hui extrêmement coûteux du fait de la flambée des matières premières pour la plupart importées par l’Algérie.

Une étable à flanc de coteau

Dans la région de Tizi-Ouzou, l’étable de Malek Ladouri défie les lois de la gravité. La bâtisse qui accueille une trentaine de vaches est installée à flanc de coteau. En cette fin décembre, il détaille à Ennahar TV comment a démarré l’aventure.

Il y a trente ans, avec son frère, ils économisent sur leur bourse d’étudiants et achètent 8 brebis. Puis vient l’idée d’élever des vaches laitières avec l’aide de ses neveux. Aujourd’hui l’étable est équipée d’abreuvoirs automatiques et de pots trayeurs.

La production quotidienne de lait est en moyenne de 250 litres avec des pointes mensuelles de 6.000 litres pour une moyenne de 3.000 à 4.000 litres annuels. Des performances honorables malgré l’absence de raccordement au réseau électrique.

Après avoir raclé le fumier dans les allées, Malek remplit les mangeoires. Il saisit les sacs d’aliment concentré qu’il distribue à chaque animal. Puis se dirigeant à l’extérieur du bâtiment, il plonge un seau dans une balle ronde d’ensilage de maïs déjà bien entamée.

Une fois rempli, le seau est vidé au niveau des mangeoires. Immédiatement, les vaches s’approchent. De la main, il pousse des débris d’ensilage restés sur le rebord du muret. Pour rien au monde, il ne perdrait des miettes de cet ensilage dont raffolent ses vaches et dont l’utilisation a permis d’augmenter la production de lait.

Ce développement de l’utilisation du maïs ensilage en balles rondes est lié à plusieurs facteurs : subventions publiques, politique d’accès au foncier agricole et aides à la réalisation de forages. Tant que son prix reste abordable, ce type de fourrage continuera de soulager les petits éleveurs disposant d’une faible surface fourragère.

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