Société

ENTRETIEN. « Tebboune demande des réformes profondes, pas des assises »

Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a affirmé dimanche 2 janvier lors du Conseil des ministres, la nécessité de réviser la loi portant sur les modalités d’exercice de l’action syndicale.

Dans cet entretien, Dr Mohamed Yousfi, président du Syndicat national des praticiens spécialisés de la santé publique (SNPSSP), réagit à cette annonce, revient sur les promesses du Gouvernement à l’égard du personnel de santé et explique les raisons qui ont poussé les syndicats de la santé à boycotter des rencontres nationales portant sur la réforme de santé.

Un projet de loi relatif aux modalités d’exercice du droit syndical a été examiné dimanche 2 janvier en Conseil des ministres. Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a jugé qu’il faut distinguer l’action syndicale de la responsabilité dans la gestion et de l’appartenance politique. 

Quelle est votre réaction ?

Beaucoup de choses ont été dites lors du Conseil des ministres pour la préparation de la loi 90-14 relative à l’activité syndicale. Il est clair que les syndicats ont des droits et des devoirs.

Parmi ces droits, il faudra que la loi soit appliquée réellement. Qu’on ne vive pas ce qu’on a vécu pendant ces trente dernières années. Qu’on ne soit pas exclus. Qu’on soit des partenaires sociaux à part entière et qu’on ne soit pas exclus des bipartites et des tripartites.

Avec la révision de cette loi, nous attendons sa mise en application. Le Conseil des ministres a par ailleurs insisté sur le respect des conventions internationales signées par l’Algérie depuis l’indépendance dans le domaine syndical. Tout cela, en termes de droit, est clair.

Nos syndicats sont des formations apolitiques et de ce fait, ils n’ont pas le droit d’avoir des positions partisanes. Nos syndicats peuvent  avoir une position politique sur une problématique qui touche le pays ou un secteur.

Mais ils ne peuvent pas être partisans. Mais cela n’a pas toujours été le cas. À titre d’exemple, à l’UGTA, des membres de l’exécutif étaient à des postes de hautes responsabilités, aussi bien au niveau des ministères, que de l’APN ou du Sénat. Ce n’est pas normal.

Un syndicaliste, dès qu’il passe à une autre mission et à une autre responsabilité, devrait se retirer de son syndicat. Nous l’avons toujours dit. Et cela a été appliqué par le Syndicat des patriciens de la santé publique. De ce côté-là, nous sommes à l’aise par rapport aux décisions et aux orientations du président de la République.

Le ministère de la Santé organise, les 8 et 9 janvier, les assises de la santé. Votre syndicat a décidé de boycotter cette rencontre. Pourquoi ?

Le Syndicat des praticiens de la santé publique que je préside a donné sa position il y a plus de trois mois, dès que le Premier ministre a annoncé ces réformes de la santé.

Nous avons par la suite exprimé cette position dans le cadre de la coalition nationale des syndicats de la santé qui regroupe huit syndicats de différents corps. Nous  nous sommes exprimés publiquement dans un communiqué, à travers une conférence de presse et avons saisi par écrit le ministre de la Santé.

Lorsqu’il nous a reçus le 7 décembre 2021, nous avons exprimé cela de vive voix. Notre position est très claire. Nous sommes des enfants de la maison de la santé.

Nous attendons ces réformes de la santé depuis plus de 30 ans. Nous avons salué l’appel et les instructions du président de la République pour réformer profondément le système de santé.

Sur ce point, nous sommes tout à fait d’accord avec le président de la République. Là où nous ne sommes pas d’accord avec le ministre de la Santé, c’est dans la méthodologie. Lorsqu’on nous appelle pour des assises des wilayas, des assises régionales puis pour des rencontres nationales pour poser un diagnostic, pour émettre des propositions, tout cela est un travail que nous avons déjà fait en 2014 notamment avec des assises régionales et nationales.

Nous avions même fait une carte sanitaire. Ce que l’on demande est d’appliquer les trois outils suivants, au lieu de perdre du temps. Nous avons la loi sanitaire qui est dans les tiroirs depuis juillet 2018. On demande son application.

Nous avons la carte sanitaire, qui est en standby alors que nous l’avions validée avec les partenaires sociaux en 2015. Et nous avons la réforme hospitalière, qui a fait le tour de tous les partenaires sociaux et qui a été validée par le Conseil des ministres, avec une feuille de route. Nous avons les outils.

Nous ne comprenons pas pourquoi le ministère de la Santé veut organiser ces rencontres, avec tout ce que cela coûte comme argent et en temps, alors que le diagnostic a été fait, que le traitement est là et que nous avons ces trois outils.

Nous demandons la mise en application de ces trois outils pour aller vers une réforme profonde du système de santé. S’il y a des choses qui pourraient être incomplètes, on pourrait les revoir après. Appliquons d’abord la loi sanitaire, mettons en application la carte sanitaire et mettons en application la réforme hospitalière.

L’urgence est-elle donc à l’application de la loi sanitaire de 2018 ?

Bien sûr. C’est une loi qui a été validée. La loi a été discutée et adoptée au niveau de l’APN. Elle a été adoptée et qu’on attend encore à ce jour. Qu’est ce qu’on attend pour les textes d’application ?

Vous critiquez la méthodologie du ministre de la Santé, mais ce dernier dit que la méthodologie renvoie aux instructions du président de la République de réformer le système de santé…

Nous saluons les décisions du président de la République qui a demandé d’aller vers des réformes profondes. Le président demande des réformes profondes. Il n’a pas demandé à faire des assises.

Peut-être que ces assises pourraient amener vers des réformes profondes …

Pour la réforme profonde, nous avons déjà les outils. Pourquoi avons-nous fait alors une loi sanitaire ? Pour la mettre dans les tiroirs ? Où sont les textes d’application ?

Pourquoi avons-nous alors adopté une réforme hospitalière avec une feuille de route ? Le Gouvernement et le Conseil de ministre ont adopté cela. Les outils sont là. Lorsque nous n’avons pas d’outils, comme en 2014, nous allons à des rencontres, on entend les gens. Mais toutes les propositions, tout cela a été fait et dit.

Lorsque les assises et les rencontres de wilayas ont commencé il y a deux mois, nous avons constaté que c’étaient les mêmes ateliers que nous avons fait en 2014 qui ont été reproduits en 2021. C’est un travail qui a déjà été fait et qui est sous forme de loi.

Depuis le début de la pandémie, de nombreuses promesses ont été faites à l’attention du personnel de santé. Ces promesses ont-elles été tenues ?

En 2020, le président de la République a pris des décisions qui concernent tout le personnel de santé. Certaines concernant les spécialistes de la santé publique, à savoir les mesures incitatives pour abroger le service civil pour les spécialistes.

Et d’autres décisions relatives au covid : la prime covid, l’assurance globale, la bonification de la retraite, le capital décès. Tout cela a été dit et annoncé, mais malheureusement, cela n’a pas été mis en application.

Jusqu’à présent, la prime covid est difficilement arrachée. Nous sommes à la cinquième tranche alors que nous devrions être dans la huitième. Aucun autre point énuméré n’a été concrétisé.

Le ministre de la Santé, lorsqu’il nous a reçus le 7 décembre, nous a dit qu’il allait en faire son affaire. Il avait dit que d’ici un mois, il reviendrait vers nous pour le règlement de ces problèmes du covid. Nous attendons sa réponse ces jours-ci.

Le président de la République a aussi donné des instructions concernant la révision du statut particulier. Jusqu’à présent, il y a eu quelques réunions avec le ministère de la Santé, mais des réunions avec aucun cadrage. Nous ne savons pas où est-ce que nous allons.

Lorsque nous avons demandé au ministre, le 7 décembre, ce que veut le Gouvernement au sujet de la révision du statut particulier, à quel niveau, et quel cadrage financier. Il n’y a eu aucune réponse. Le ministre nous a indiqué qu’il n’avait pas de réponses, qu’il allait voir avec le Gouvernement et revenir à nous dans un mois, c’est-à-dire la semaine prochaine.

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