Sport

Équipe nationale de football : le cache-misère du sport algérien

La saison la plus longue de l’histoire du football algérien vient de prendre fin avec le dernier match disputé entre la JSM Skikda et la JS Kabylie, samedi 28 août.

À cette période de l’année, les championnats étrangers ont déjà entamé la nouvelle saison et c’était aussi le cas en Algérie jusqu’à cette saison 2020-2021 pas comme les autres.

Si la compétition a duré jusqu’à fin août c’est d’abord à cause de son démarrage tardif (fin novembre), comme mesure préventive contre la pandémie de covid-19.

Elle a été aussi plus longue que d’habitude parce que l’ancienne équipe dirigeante de la Fédération algérienne de football (FAF) a pris la décision insensée d’augmenter de 20 % le nombre des clubs de l’élite, passant d’un coup de 16 à 20 clubs.

| Lire aussi : De nouveau en colère, Belmadi dénonce un « sabotage »

La décision a été prise la saison passée lorsque la crise sanitaire avait imposé l’arrêt du championnat à la 21e journée puis la désignation du champion, des représentants de l’Algérie aux compétitions africaines et des relégués. Pour ne pas faire de mécontents, le bureau fédéral a supprimé la relégation tout en maintenant l’accession de la Ligue 2 vers l’élite.

Vingt pensionnaires dans un championnat où les clubs sont presque tous dépourvus de moyens relève de l’aberration, d’autant plus que, même avec 16 équipes, la Ligue de football professionnel (LFP) éprouvait toutes les peines à boucler la saison dans les délais.

La saison passée, le CR Belouizdad a été désigné champion, un titre qu’il a encore gagné à l’issue de l’exercice qui vient de s’achever, cette fois sur le terrain puisque la compétition est allée à son terme en se jouant jusqu’à fin août.

Néanmoins, même à ce prix, la FAF a dû désigner les représentants de l’Algérie aux compétitions continentales avant la fin du championnat, à cause d’une deadline fixée par la Confédération africaine.

Les instances qui gèrent le football national n’ont pas fini leurs errements, ne parvenant pas à faire le minimum qui est d’établir un planning de la compétition et à le respecter.

Pour le reste, c’est-à-dire le respect de l’éthique, l’éducation, le relèvement du niveau, la formation, les succès sur la scène continentale et le renforcement de l’équipe nationale en joueurs, tout le monde est résigné et presque personne n’en parle plus.

À quoi sert le championnat local ?

Le signe le plus criant de l’échec de l’institution footballistique nationale, c’est la forte présence en sélection de joueurs formés ou évoluant ailleurs. Sur les 25 joueurs convoqués par Belmadi pour le match contre Djibouti et Burkina – Faso, en éliminatoires du Mondial 2022, un seul évolue en Ligue 1.

Il s’agit du gardien de l’Olympique Médéa Abderrahmane Medjadel, troisième dans la hiérarchie des gardiens de buts de l’EN, après Mbolhi et Oukidja.

C’est d’ailleurs depuis la loi Bahamas, permettant aux joueurs de moins de 21 ans de changer de nationalité sportive, que l’équipe nationale a réappris à gagner, participant à deux coupes du monde (2010 et 2014) et gagnant une coupe d’Afrique des nations (2019).

L’Equipe nationale affiche un bilan impressionnant depuis l’arrivée de Belmadi à sa tête en août 2018, avec une série de 27 matches sans défaite, un record en Afrique. Au lieu de refléter sa bonne santé, l’EN est devenue le cache misère du football et du sport algérien en général.

À quoi sert donc le championnat national, si, en plus de ne pas fournir la sélection en joueurs compétitifs, ne fait pas le spectacle, n’attire pas le public et ne remplit pas sa fonction sociale ?

En un mot comme en mille, le championnat algérien de football n’a de professionnel que le nom. Sur le papier, il l’est officiellement depuis 2008 mais tout été remis en cause en 2013 avec l’interférence de la politique qui a fait du football un autre moyen d’acheter la paix sociale.

Suite à des contestations des supporters du Mouloudia d’Alger, Sonatrach, la plus grande entreprise du pays, a été instruite de prendre en charge le club financièrement.

Depuis, plusieurs clubs sont mis sous la coupe de sociétés publiques, comme la JS Saoura et le CS Constantine (repris par des filiales de Sonatrach), le CR Belouizdad (Madar, ex-SNTA), USM Alger (Serport).

Le tableau frise le ridicule : cinq clubs sont mis à l’abri financièrement et les autres sont tenus de se débrouiller comme ils peuvent. Tous ensemble, ils font semblant de disputer une compétition dite loyale. Un de ces clubs chanceux gagne le championnat deux fois de suite et tout le monde trouve la chose normale.

Sans l’argent public, aucun club algérien ne pourra tenir une saison avec le niveau de dépenses actuel. Les salaires offerts à des joueurs tout juste moyens sont exorbitants. On parle d’un joueur qui a refusé un salaire mensuel de 7 millions de dinars, préférant aller dans le championnat d’un pays arabe. Et ce joueur n’a même pas le niveau pour évoluer en équipe nationale. Si c’était le cas, le sélectionneur Djamel Belmadi l’aurait convoqué.

Des sommes astronomiques sont injectées chaque année dans le circuit du football pour si peu de résultats. Les clubs algériens n’ont plus droit de cité en Afrique, au point où on a parlé d’exploit lorsque la JSK a atteint et perdu la finale de la coupe de la Confédération. Il y a deux décennies, le même club a gagné la même compétition trois fois de suite.

En misant uniquement sur le football qui draine un public important, les autorités ont délaissé les autres disciplines sportives, jusqu’à revenir avec un zéro pointé des derniers Jeux olympiques de Tokyo.

Le coup de gueule de Belmadi

La formation est presque inexistante avec la négligence des jeunes catégories au profit des équipes premières et ce n’est pas l’exception du Paradou AC qui peut changer quoi que ce soit au constat.

Les choses ne sont pas reluisantes concernant l’éducation et l’éthique, avec des scandales à répétition de matchs arrangés et parfois de mœurs, de violence verbale et physique.

Côté infrastructures, c’est le tonneau des danaïdes. Des sommes colossales sont débloquées par l’État pour que le sélectionneur national, Djamel Belmadi, qu’on ne peut soupçonner d’ignorer ce que c’est que une pelouse aux normes, en arrive à faire ce terrible constat : l’Algérie n’a aucun terrain de football capable d’accueillir l’équipe nationale.

Djamel Belmadi a poussé un coup de gueule ce mercredi 1er septembre en constatant l’état de la pelouse du stade Mustapha Tchaker de Blida sur lequel son équipe devrait jouer ce jeudi son premier match des éliminatoires du Mondial 2022, face à Djibouti.

Le stade a subi des travaux d’aménagement et de rénovation mais il n’a pas tenu deux mois. Plus grave encore, le stade d’Oran n’est pas encore inauguré et sa pelouse est déjà hors d’usage après avoir abrité un seul match de l’équipe nationale des locaux.

Celui du 5-Juillet a subi plusieurs rénovations onéreuses et sa pelouse n’est pas en état d’accueillir un match des Verts. Il y a aussi le chantier du nouveau stade de Tizi-Ouzou qui s’éternise après avoir consommé près de 500 millions de dollars, ainsi que ceux de Baraki et Douera (Alger).

Ce qu’a dénoncé Djamel Belmadi devrait en principe faire tomber des têtes. Un pays de la taille de l’Algérie qui n’a pas l’expertise pour entretenir une pelouse, c’est forcément un scandale retentissant.

Mais en lieu et place des mesures fermes qu’appellent de telles défaillances, on assiste déjà aux habituelles dénégations des officielles. Les propos du sélectionneur ont été démentis par des responsables de la wilaya de Blida dans les minutes qui ont suivi la conférence.

Le directeur du stade de Blida est même allé plus loin en reprochant publiquement à Belmadi de dramatiser la situation. Comme si le sélectionneur national avait intérêt à provoquer un scandale la veille d’un match officiel.

En l’absence d’une véritable réforme, la gabegie est appelée pour durer et, plus que jamais, l’équipe nationale de football est l’arbre qui cache la jungle du sport algérien.

Les plus lus