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Eric Zemmour, symptôme inquiétant de l’extrême-droitisation de la France

Eric Zemmour, symptôme inquiétant de l’extrême-droitisation de la France

C’est un véritable séisme qui ébranle la scène politique française à un peu plus de six mois de l’élection présidentielle. Après une montée continue dans les sondages depuis qu’il a fait part de son intention de se lancer dans la course, Eric Zemmour est crédité pour la première fois de la deuxième position, juste derrière le président sortant Emmanuel Macron, mais devant Marine le Pen, la présidente du Rassemblement national, au discours tout aussi extrémiste.

Suivant un sondage de l’Institut Harris Interactive dévoilé mardi 5 octobre, Emmanuel Macron obtiendrait entre 24 et 27% des voix, Eric Zemmour 17-18% et Marine Le Pen 15-16%. Si l’élection avait donc lieu dimanche prochain, le polémiste passerait au second tour avec le président sortant.

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Première conséquence de ce dernier sondage, la candidature d’Eric Zemmour, qui a déjà été condamné pour injure et provocation à la haine et qui veut interdire le prénom Mohamed en France, ne fait presque plus de doute. « Cela m’encourage à y aller », a-t-il reconnu après avoir pris connaissance de son avancée.

Il est vrai qu’un candidat au discours extrémiste au second tour d’une présidentielle, la France en a connu. En 2002, Jean-Marie Le Pen est passé devant le socialiste Lionel Jospin pour affronter Jacques Chirac dans l’ultime round.

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En 2017, c’est sa fille Marine qui a profité de la déconfiture de la droite et de la gauche pour prendre la deuxième place au premier tour. Ni le père ni sa fille n’ont pu cependant faire mieux. A chaque fois, les deux familles politiques traditionnelles (gauche et droite) se sont retrouvées en alliés de circonstance pour leur barrer la route. En 2002, Jacques Chirac a été réélu avec plus de 82% des voix. En 2017 Emmanuel Macron est devenu président de la République avec 66% des suffrages.

Les plus optimistes pourront toujours évoquer cette mécanique de report des voix pour ne pas céder à la panique. Sauf que cette fois, les chiffres sont plus inquiétants. A eux deux, Marine Le Pen et Eric Zemmour sont crédités de 35% des suffrages au premier tour. Le report des voix d’une partie de l’électorat de la droite donnerait à l’un ou l’autre un score nettement plus confortable qu’en 2002 et 2017, et même si Macron devrait être réélu, ce serait d’une courte tête.

Le scénario d’un président d’extrême droite à l’Elysée est toujours évitable, mais l’extrême-droitisation de la société française inquiète et laisse penser que la France ne fait, à chaque fois, que repousser l’échéance.

Comme un signe qui ne trompe pas, la présence de l’extrême-droite au second tour relève presque de la banalité. En 2002, aucun sondage n’avait vu venir Jean-Marie Le Pen. En 2017, sa fille était assurée du deuxième tour plusieurs mois avant le scrutin. Et c’est, semble-t-il, de nouveau le cas pour elle ou pour  Eric Zemmour.

L’original et la copie

Les chiffres –pas que ceux des derniers sondages- traduisent une montée inexorable du courant extrémiste en France. On est loin du parti marginal que fut la Front national à sa création en 1972 par Jean-Marie Le Pen.

Devenu en 2018 le Rassemblement national, le parti a représenté en près d’un demi-siècle l’extrême-droite française avec un discours essentiellement anti-immigration et anti-européen. Son évolution en dit long sur la transformation d’une partie de la société française. Au deuxième tour de la présidentielle de 2017, un tiers des français ont voté pour Marine Le Pen. Sans le régime électoral utilisé dans les législatives, celui du scrutin uninominal adopté expressément pour le bloquer, le RN serait l’un des plus représentés à l’Assemblée nationale française.

La montée de l’islamisme politique à partir des années 1980 a contribué à celle du courant extrémiste en France, où chaque attentat perpétré, comme celui qui a décimé la rédaction du journal Charlie Hebdo en 2015, est mis à profit pour crier au danger que représente l’immigration issue des pays musulmans, particulièrement maghrébins dont l’Algérie.

Depuis quelques années, un chroniqueur télé, Eric Zemmour, a trouvé un spectre plus menaçant à brandir : le grand remplacement. Contrairement au Rassemblement national, le polémiste n’a pas de programme politique.

Toutes ses interventions et toutes ses attaques, il les réserve aux immigrés et à l’Islam. L’idée de se présenter à la présidentielle lui est sans doute venue de la popularité de ses émissions. A chaque fois qu’il rejoint un plateau du paysage audiovisuel français, il booste son audience.

Un autre symptôme de la mue qui s’est faite au sein de la société française. Le discours extrémiste et de plus en plus écouté est pris au sérieux jusqu’à évoquer aujourd’hui l’éventualité de voir un de ses plus importants représentants accéder à la plus haute fonction de l’Etat.

Que cela se produise ou pas, le courant au départ marginal de Jean-Marie Le Pen peut déjà se targuer d’une éclatante victoire, celle de voir une grande partie de la classe politique traditionnelle faire sien son discours sur des questions comme l’immigration ou la place de l’Islam.

A tort ou à raison, l’offensive du président Macron est portée sur la question migratoire contre les pays du Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie) qu’il a décidé de sanctionner en réduisant drastiquement le nombre de visas Schengen accordés aux ressortissants de ces pays qui refusent de reprendre les clandestins en situation irrégulière en France.

Et surtout son récent rétropédalage du président Macron sur la question mémorielle avec l’Algérie a été mis par certains sur le compte de la pression que fait sentir au président sortant la montée d’Eric Zemmour dans les sondages. « Je n’ai pas peur du Front national mais de ceux qui volent ses idées », disait Bernard Tapie dans les années 1990 déjà. Le courant extrémiste peut maintenant prétendre à plus, si l’on considère que les électeurs préfèrent l’original à la copie.

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