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Et si un jour, les Maghrébins quittaient tous la France ?

Et si un jour, les Maghrébins quittaient tous la France ?

Un départ massif et définitif des Maghrébins en France. C’est le scénario incroyable qu’a imaginé l’acteur franco-algérien, Ramzy Bedia.

En janvier 2023, il confiait au journal Libération sa lassitude de voir un acharnement contre les Français d’origine maghrébine. L’acteur et réalisateur est allé même plus loin en évoquant le projet d’un film qui raconterait une France sans Maghrébins si cette forme d’exode forcé se concrétise.

« Dès qu’il fait froid, c’est la faute des Arabes »

Ramzy Bedia prépare une comédie qui s’intitulerait « Le Jour où tous les Arabes seront partis ». Soit un film qui imaginerait la France vide de ses millions de franco-maghrébins. Un pari osé au moment où la montée des discours d’extrême-droite en France inquiète les citoyens issus de l’immigration maghrébine.

Malgré une carrière à succès, Ramzy Bedia ressent lui aussi une exclusion des Maghrébins en France et un racisme qui gangrène de plus en plus la société française. Avec à ses côtés, l’islamologue Rachid Benzine, l’acteur écrit ce projet cinématographique qui le touche intimement.

Dans le portrait que lui consacre Libération, Ramzy Bedia dissèque sans concessions l’atmosphère qu’il ressent en France.

« Quand tu allumes les chaînes d’info, dès qu’il fait froid, c’est la faute des Arabes. Dès que les Verts gagnent une élection, c’est le vert de l’islam. Vous savez quoi, on va se barrer tous, allez ciao, et on va voir, vu que c’est nous le problème, si ça va régler la question des mal-logés, de la vie chère, des Gafa qu’on n’impose pas… », lance tout de go Ramzy Bedia.

L’imaginaire de Ramzy Bedia est-il alarmiste ?

Le sujet est bien sérieux, puisque même l’acteur connu pour sa légèreté et son sens de l’humour conçoit qu’évoquer ce sujet peut-être délicat.

« Il est écrit, mais j’ai un peu peur de le tourner, qu’il soit mal compris en cette période si tendue. Je crains de recevoir des… tirs des balcons », expliquait l’acteur d’origine algérienne dans une interview accordée à Télérama en janvier dernier.

Pour l’acteur franco-algérien, le film est pourtant une nécessité. Lui qui a connu différentes versions d’exclusion, de son adolescence dans les années 80 avec un racisme violent et oppressant, à l’âge adulte, aujourd’hui, où tous les problèmes que rencontre la France semblent découler de l’immigration et surtout de l’Islam.

« Je ne comprends pas pourquoi on ne laisse pas les Arabes tranquilles. Ils sont avocats, journalistes… Dans les hôpitaux, il n’y a que des médecins arabes ! Tous ceux de ma génération sont intégrés », expliquait Ramzy à Télérama. Mais l’acteur est sûr de lui. « Si les Maghrébins quittaient la France, elle s’écroulerait ».

Un exode qui connaît déjà ses prémices ?

Le scénario que s’est imaginé l’acteur franco-algérien n’est pas une fiction à 100%. Des Français issus de l’immigration maghrébine ou de confession musulmane sont de plus en plus nombreux à envisager une expatriation pour fuir le climat de tension. Si l’on ne peut pas parler de phénomène sociologique à l’heure actuelle, on ressent une tendance qui se dessine.

Dans notre média, nous avons déjà recueilli des témoignages de franco-maghrébins qui ont franchi le pas. Des récits de départ qui font écho à d’autres dans des médias très suivis sur le Web. À commencer par le New York Times qui mettait l’accent sur la fuite silencieuse des musulmans. C’est aussi le cas dans le média communautaire Oumma qui livrait une enquête en avril 2023 sur le départ de plusieurs franco-algériens ne se sentant plus à leur place en France.

Est-ce une décision extrême ? Si l’on regarde de près les réactions sur les réseaux sociaux après l’annonce de Ramzy Bedia sur sa comédie où les Maghrébins quitteraient la France, on ne peut pas dire que ces derniers seraient retenus.

L’évocation de ce film et du coup de gueule de l’acteur franco-algérien ont surtout réveillé la fachosphère. De multiples tweets d’extrême-droite encourageant les départs massifs des Arabes en général ont été publiés. Un échantillon de ce que reçoivent quotidiennement les personnes d’origine maghrébine, arabe ou musulmane.

Le départ des Maghrébins de France, une décision qui aurait de lourdes conséquences

Ce départ annoncé ou en sourdine, qu’il soit conséquent ou non, aurait quoi qu’il arrive de lourdes conséquences sur l’avenir de la France. Le pays qui est historiquement une terre d’accueil changerait littéralement de visage.

D’après l’Insee, la France comptait, en 2021, 7 millions d’immigrés, soit 10,3% de la population française. Sans compter les générations suivantes nées en France de parents immigrés.

Dans ces chiffres, les pays du Maghreb occupent une part importante dans les origines de ces immigrés en France. « Les pays de naissance les plus fréquents des immigrés sont l’Algérie (12,7 %), le Maroc (12 %), le Portugal (8,6 %), la Tunisie (4,5 %), l’Italie (4,1 %), la Turquie (3,6 %) et l’Espagne (3,5 %). La moitié des immigrés sont originaires d’un de ces sept pays (49 %) », estime l’Insee.

Une immigration qui se poursuit, car « les immigrés arrivés en France en 2020 sont plus souvent nés au Maroc (9,5 %), en Algérie (7,1 %), en Tunisie (4,5 %) ». Qui d’ailleurs semble aujourd’hui encore nécessaire, notamment pour pallier des manques de main-d’œuvre, de diplômés et de professionnels dans certains secteurs. Au point que le gouvernement français a défendu avec force le projet d’un titre de séjour spécial pour les personnes qui viendraient travailler dans les métiers en tension.

Au-delà de l’impact économique qu’aurait un départ des Maghrébins et des musulmans de France, il y aurait aussi un bouleversement social et politique.

Laisser des citoyens français partir de cette manière serait un moyen de légitimer les formes de racisme et de discrimination. Cela normaliserait le recours à l’exclusion de personnes en raison de leur origine ethnique et de leur pratique religieuse. Puisque ces départs, qui ont déjà commencé, sont motivés par l’impossibilité de trouver un emploi décent, d’évoluer professionnellement, parfois même de se loger.

Sans oublier que ces personnes n’auraient plus de poids électoral lors des scrutins organisés en France, laissant davantage de champ libre aux partis d’extrême-droite qui gagnent de plus en plus de terrain dans la politique française.

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