L’Algérie fait face une recrudescence inquiétante de la pandémie de covid-19, avec en moyenne 1.300 cas positifs par jour. Cette flambée a provoqué la saturation des hôpitaux et une forte tension sur l’oxygène.

« La situation sanitaire est très préoccupante et il faut qu’il y ait des mesures énergiques ». Face à l’avancée inquiétante de la pandémie de Covid-19 en Algérie, le Pr Noureddine Zidouni chef de service de pneumologie au CHU de Béni Messous (Alger) ne prend pas de raccourcis.

« Il faut que la population respecte les mesures barrières et surtout il faut qu’au niveau des institutions il y ait une véritable task force, un comité de pilotage avec des missions bien précises pour chaque département ministériel. L’objectif est de faire en sorte qu’il y ait une limitation maximale de la circulation virale », exhorte-t-il.

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Le Pr Salah Lellou de l’EHU d’Oran revient sur l’hypothèse de l’immunité collective qu’auraient acquise les Algériens au début de l’année pour expliquer la faiblesse des cas enregistrés dans le pays.

« Certains avaient parlé d’immunité collective acquise, en particulier une étude qui aurait été faite à Sétif. Cela a donné une fausse sécurité aux citoyens, avec comme conséquence la négligence des règles élémentaires de prévention. Maintenant on est en train de le payer au point où on n’arrive pas à satisfaire la demande en oxygène », critique le Pr Salah Lellou, chef de service de pneumologie à l’EHU d’Oran.

Pour les mesures à prendre, le Pr Lelloun égrène. « Il nous reste maintenant à augmenter la production de l’oxygène. Il me semble que c’est déjà fait. Et de faire parvenir à temps ce produit au niveau de toutes les structures sanitaires, de vacciner en masse, de revenir aux gestes barrières quitte à sanctionner ceux qui ne portent pas de bavettes ».

Toutefois, le Pr Lellou délivre un message rassurant. Pour lui, la situation « n’est pas hors de contrôle ».

« Hors de contrôle ? Je ne pense pas »

« Hors de contrôle ? Je ne pense pas », balaie le Pr Lellou qui préconise d’augmenter le nombre de lits d’hospitalisation, de régler rapidement le problème d’approvisionnement en oxygène et de déclencher si nécessaire le plan Orsec.

La recrudescence des contaminations au covid-19 a engendré une situation d’engorgement dans les services de réanimation  des hôpitaux où les besoins en oxygène ont explosé.

« On a constaté une pression énorme sur ce produit vital pour les malades covid. On a été obligé d’admettre beaucoup de malades qui nécessitent tous de l’oxygène. Avoir une coupure d’oxygène dans ces circonstances va provoquer des catastrophes », s’alarme le Dr Adel Boudahdir, médecin-réanimateur au CHU Frantz-Fanon de Blida.

C’est ce qu’a vécu le personnel du CHU de Sétif, dans la nuit de vendredi à samedi, où il a été rapporté que des malades seraient décédés à cause du manque d’oxygène.

Sans s’étaler sur le nombre de décès par manque d’éléments, le Dr Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP) revient brièvement sur cet incident.

« Ce qui est confirmé c’est que l’hôpital s’est retrouvé sans oxygène vendredi à partir de 15h et l’alimentation ne s’est faite que tard dans la nuit. Je pense que dans cet espace-temps, il y a eu des malades qui ont fait des complications », affirme-t-il.

« Nous savons tous que l’oxygénothérapie est le traitement n°1 pour un malade covid qui arrive à l’hôpital.  Ces malades consomment énormément d’oxygène. Habituellement, les débits sont en moyenne de 5 litres par minutes par malade. Avec cette pandémie, les débits sont très importants de l’ordre de 15-20 litres/ minute par malade covid en moyenne. Des malades ont besoin jusqu’à 30 litres par minute d’oxygène. Sachant que les personnes infectées arrivent par dizaines et toutes ont besoin de très hauts débits d’oxygène. On peut imaginer les énormes quantités qu’il faut assurer », développe le praticien.

Pour expliquer ces ruptures d’oxygène dans les hôpitaux, le Dr Merabet pointe des problèmes de logistique, d’acheminement et de stockage de cette matière vitale.

« Il n’est pas normal qu’il n’y ait pas encore des structures de santé qui alimentent les malades à travers des bouteilles d’oxygène », déplore le praticien.

« Non seulement chaque structure de santé normée doit avoir une installation des fluides médicaux, pas seulement l’oxygène, mais il faudrait qu’à chaque fois que le besoin se fait sentir, que l’installation murale soit disponible », rappelle le praticien.

Le professeur Zidouni défend, lui, une stratégie préventive avant d’en arriver à des situations plus complexes, notamment la réanimation et l’oxygénothérapie.

« Il faut que les malades soient traités précocement. On parle beaucoup de la réanimation et des malades qui arrivent en bout de course mais il n’y a pas une évaluation de la stratégie de traitement qui a été élaborée », regrette le pneumologue.

« Chacun y va de sa formule pour traiter. Or, il y a un traitement codifié qui a été mis en œuvre au début de la pandémie. Le schéma thérapeutique adopté dès le début de la pandémie se base sur l’association la plus rapide possible de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine. Mais il n’est pas respecté », fait-il remarquer.

Pour le Pr Zidouni, si les malades arrivent à bout de souffle à l’hôpital « c’est que le diagnostic a été tardif. C’est aussi parce qu’on n’a pas élaboré une stratégie de détection précoce » des cas positifs.

Le professeur Zidouni plaide en outre pour une mise en place rapide d’hôpitaux de campagne avec un plateau technique optimal, et des possibilités d’oxygénation rapides.

Les professionnels de la santé paient aussi un lourd tribut avec leurs lots de morts et de contaminés, alors qu’ils doivent continuer à lutter malgré la pression et la fatigue.

« Pour nous, la situation devient insoutenable. »

« Jusqu’à présent tout le poids de la gestion sanitaire repose sur les épaules des structures publiques. Nous sommes au bout du rouleau. Non seulement la pression ne cesse d’augmenter, elle prend du volume et de l’ampleur. Elle se ressent sur le plan moral et physique. Il y a beaucoup de professionnels de santé qui sont contaminés », affirme le Dr Merabet.

Le président du SNPSP relève que le personnel soignant du secteur public assure aussi la campagne vaccinale contre le covid-19.

« Pour nous, la situation devient insoutenable. Je lance un appel aux autorités pour s’occuper de ce problème. L’appel est aussi lancé d’aide à nos collègues du secteur privé qui peuvent nous délester de cette activité de vaccination et s’occuper des malades non-covid. Mais cela exige une organisation et des mesures au niveau politique pour que chacun se voit identifié dans le plan de riposte », a-t-il pointé.

Le Pr Salah Lellou prévient que les soignants sont « à bout », et qu’un burnout peut les gagner à tout moment.

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