Économie

Face au manque de matériel, les agriculteurs algériens redoublent d’ingéniosité

Pour pallier au manque de matériel agricole, les agriculteurs algériens redoublent d’ingéniosité pour mécaniser leurs activités.

A El Tarf, Azzedine Berkane est admiratif devant la façon de faire de son voisin. « La récolte manuelle des tomates de conserve me revient à 400.000 dinars contre seulement 30.000 dinars chez mon voisin qui utilise une machine. On aimerait pouvoir importer ce type de matériel » confiait-il en août 2021 à la chaîne Filaha. Son vœu a été exaucé. Depuis le mois de mai, l’Algérie autorise l’importation du matériel agricole rénové.

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Importer repiqueuses, buteuses et récolteuses de tomates

Azzedine Berkane est le président de la filière tomate industrielle.

Il détaille les besoins des agriculteurs : « Il nous faudrait pouvoir importer toute la gamme de matériel : des repiqueuses de tomates, des buteuses et du matériel de récolte. Mais le matériel de récolte est hors de portée, le seul engin de récolte coûte 20 millions de dinars. Il pourrait être acheté par les transformateurs car eux ont accès à des financements adaptés. Et ils pourraient nous louer ce matériel ou nous le vendre mais en étalant les remboursements sur plusieurs années. »

Il procède à un rapide calcul du coût de la récolte manuelle : « En période, ce sont jusqu’à 10.000 cageots qui sont récoltés pour les ouvriers. Ils sont rémunérés à raison de 4.000 DA le cageot. Cela me revient à 400.000 dinars. »

Reprenant sa casquette de président de filière, il ajoute : « Avec ce matériel, celui qui plante 100 hectares pourrait en planter 200. »

Un œil sur le chantier de récolte mécanisé, l’agriculteur Abdelhamid Kraimiya est satisfait : « Ce matériel de récolte est une merveille, car il permet de réduire les charges et de gagner du temps. » Sur l’exploitation de ce professionnel reconnu, le repiquage est déjà mécanisé.

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Ingéniosité des agriculteurs pour pallier au manque de matériel

A Téleghma (Mila) les mêmes problèmes de récolte se posent. En ce mois de mai 2022, la récolte de l’ail est manuelle.

« Il nous faudrait du matériel moderne de récolte. Nous avons fabriqué un engin pour déterrer l’ail mais cela ne suffit pas », confie un producteur à la chaîne Filaha.

Il poursuit : « Le travail de récolte est pénible. Nous avons du mal à trouver de la main d’œuvre. Actuellement, nous employons des migrants sub-sahariens. »

A El Oued, en l’absence de planteuse d’ail, un agriculteur a construit un engin permettant de faciliter la tâche : un fut métallique sur lequel ont été soudées des pointes en acier.

Une fois tiré par deux ouvriers, son passage sur le sable laisse la trace des pointes. Elles constituent autant de trous où les ouvriers disposent des gousses d’ail. A Téleghma ou à El Oued, seule l’ingéniosité des agriculteurs algériens permet de faire face au manque criant de matériel spécialisé.

[Crédits : DR]


Des conditions rigoureuses afin d’éviter les dérives

C’est fin mai, à l’occasion d’une journée d’information, qu’Ahmed Zeghdar, ministre de l’Industrie, a précisé le nouveau cadre juridique régissant l’importation des chaînes et équipements de production rénovés.

Le législateur a tenu à mettre des garde-fous. L’importation ne peut concerner du matériel produit localement, n’est accordée qu’aux activités contribuant à la substitution des importations et n’est attribuée qu’aux seules filières stratégiques.

Les opérateurs doivent justifier d’un apport correspondant à 30 % de la valeur du matériel. Celui-ci doit avoir moins de dix ans d’âge et une durée de vie minimale de dix années, voire de 12 concernant les équipements agroalimentaires.

Enfin, l’importateur doit attester l’existence d’infrastructures adaptées à la mise en marche des équipements. Un contrôle à posteriori a même été prévu. Une fois le matériel dédouané, l’opérateur devra pouvoir présenter un certificat d’entrée en exploitation établi par un expert assermenté.

Une porte ouverte vers la modernisation

Au delà de la réduction de la pénibilité, le matériel agricole importé permet d’introduire de nouvelles cultures ou pratiques. La pomme de terre d’El Oued doit son développement à la mise au point de pivots rotatifs par d’ingénieux artisans locaux.

L’extension des surfaces en maïs à Menea ou Adrar n’est possible que grâce aux semoirs mono-grains. Et c’est l’importation d’enrubanneuses à poste fixe qui a permis le développement de l’ensilage du maïs si apprécié des éleveurs.

Quant aux remorques mélangeuses présentes à Sétif ou Constantine, elles permettent de nourrir les vaches à moindre coût.

Ces engins permettent la valorisation des sous-produits des industries agro-alimentaires : drêches de brasserie, mélasse, issues de meunerie, grignons d’olive ou urée.

Des besoins très divers en matériel

La liste du matériel recherché par les agriculteurs est longue : tracteurs de 150 chevaux, tracteurs munis de GPS, pulvérisateurs à large envergure, matériel spécialisé pour la culture de la pomme de terre ou le maraîchage. C’est dire combien la récente loi sur l’importation de matériel rénové est porteuse d’espoir dans le milieu agricole.

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