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Feux de forêts en Algérie : le rapport inquiétant de la Banque mondiale

Feux de forêts en Algérie : le rapport inquiétant de la Banque mondiale

C’est sans doute un des autres défis auxquels l’Algérie est confrontée : comment gérer durablement et avec efficience ses forêts pour lutter contre les incendies qui occasionnent chaque année, des dégâts incommensurables à la faune et la flore ?

Outre les coûts économiques directs importants qu’ils génèrent, les feux de forêts causent également des coûts indirects qui se répercutent sur les usagers et l’État : perte du patrimoine forestier et de services rendus par les écosystèmes.

Cet été, de nombreux incendies ont ravagé des milliers d’hectares de forêts dans plusieurs wilayas du pays, notamment celles de l’Est, et particulièrement Bejaia, connues pour leur fort taux de couvert forestier.

Feux de forêts en Algérie : 20.000 hectares réduits en cendres chaque année

Selon un rapport de la Banque mondiale élaboré conjointement avec le gouvernement algérien, représenté par la Direction générale des forêts et la Délégation nationale des risques majeurs, intitulé « Note sur les forêts algériennes : gestion durable des forêts pour lutter contre les feux de forêts », ce sont quelque 20.000 hectares qui sont consumés par les flammes chaque année en Algérie.

Ces feux de forêts coûtent en moyenne 2,5 milliards de DA pour 35.000 ha de forêts incendiées. En 2021 et 2022, les dégâts matériels (agriculture et habitations) sont estimés à respectivement 15,4 milliards DA et 1,5 milliard de DA.

Les grands feux de forêt (Feux dépassant 100 ha) en Algérie ont pris la vie de respectivement 103 et 54 citoyens en 2021-année ou la wilaya de Tizi-Ouzou a été particulièrement touchée avec le tragique assassinat de Djamel Bensmail- et 2022.

Objet souvent de spéculations, parfois farfelues, voire même politiques, les causes des feux de forêts en Algérie, au demeurant assez complexes, demeurent pourtant difficilement identifiables même si la cause anthropique (responsabilité de l’homme) semble la plus répandue.

« Pour la période de 2000-2020, les données disponibles officielles montrent que la part des feux de forêt d’origine inconnue serait de 85 %, sur le total des feux de forêt déclarés. La part des feux de forêts intentionnels, difficilement identifiables, serait estimée à 6 % », d’après le rapport de la Banque mondiale.

S’appuyant sur une étude scientifique réalisée dans un échantillon de wilayas, le rapport de la Banque mondiale relève que la majorité des départs de feux de forêt résultent essentiellement de causes anthropiques et volontaires : les feux pastoraux pour le renouvellement des pâturages, l’incinération des décharges non contrôlées, les changements d’utilisation des terres et la collecte de miel.

Aussi, les feux de négligence sont causés, par ordre d’importance, par les jets de mégots de cigarettes, les travaux agricoles (brûlage après nettoiement, brûlage des chaumes), la reprise d’incendie et les activités forestières dans la forêt.

« Les causes des feux de forêt sont sensiblement invariables dans le temps, car ils sont principalement liés à la culture et aux traditions locales. L’unique cause naturelle des feux de forêt, la foudre, reste très rare et méconnue en Algérie. Elle n’apparaît même pas dans les statistiques précitées, même dans les régions montagneuses, à cause sans doute de la rareté des orages d’été », souligne le rapport de la Banque mondiale.

« En l’absence de statistiques solides sur les causes des feux de forêt, il est difficile pour le secteur de mettre en place des stratégies pertinentes de sensibilisation, de communication et d’intégration des groupes sociaux responsables. Il est donc nécessaire d’affiner la collecte et le traitement des informations : adoption d’une nomenclature standardisée des causes de feux de forêt (EFFIS), formation des personnels de terrain, systématisation de la recherche des causes et des circonstances des incendies, mise en place de cellules interinstitutionnelles en charge, outil d’enregistrement dynamique et de partage des données », préconise le rapport.

Face à l’ampleur du phénomène qui risque d’être accentué à l’avenir par le changement climatique, l’Algérie qui a consenti d’énormes efforts, autant humains que logistiques, s’emploie, selon le rapport, à affiner sa stratégie.

Feux de forêts en Algérie : des chiffres alarmants

Dans ce cadre, outre les moyens mobilisés et la politique arrêtée, un plan général de prévention contre les feux de forêt est en cours de préparation.

D’une centaine de pages, le rapport de la Banque mondiale aborde les enjeux cruciaux de la gestion forestière en Algérie et identifie les principaux axes d’intervention pour renforcer la durabilité et la résilience climatique des ressources forestières du pays.

Il met ainsi en avant cinq axes cruciaux pour la gestion durable des forêts et la lutte contre les incendies, à travers une collaboration étroite entre institutions gouvernementales, société civile, communautés locales et parties prenantes.

« La priorité est d’assurer des ressources financières et investissements pérennes dans le secteur forestier », recommande principalement le rapport.

De plus, le rapport insiste sur l’importance de placer la gestion durable des forêts et l’analyse des risques d’incendies au cœur des interventions, avec la participation active des communautés.

Feux de forêts en Algérie : les wilayas les plus touchées

Il souligne aussi le besoin d’améliorer la gouvernance par une clarification du cadre juridique et organisationnel en matière de gestion forestière et de feux de forêt.

En outre, le rapport met l’accent sur une « meilleure gestion de l’information grâce à une collaboration interinstitutionnelle renforcée. Enfin, il préconise de continuer à renforcer les capacités techniques du secteur pour assurer une gestion efficace des forêts et des incendies », souligne le communiqué de presse de la banque mondiale.

D’après, Kamel Braham, Représentant résident de la Banque mondiale en Algérie, ce rapport « offre une feuille de route à l’Algérie pour une gestion durable de ses ressources forestières, la réduction des risques de feux de forêt et l’exploitation du potentiel des forêts pour une croissance plus verte, la création d’emplois et une meilleure résilience climatique. »

Pour sa part, Djamel Touahria, DG des Forêts, soutient : « Nous apprécions cette analyse du secteur forestier, dont les conclusions et recommandations sont en parfaite adéquation avec notre vision consignée dans la stratégie forestière à l’horizon 2035 et visant à promouvoir une gestion forestière durable, participative et respectueuse du climat, au bénéfice des moyens de subsistance locaux et de l’environnement. Cela s’aligne également avec la nouvelle loi forestière, qui va accompagner les changements économiques, sociaux et climatiques qui ont marqué notre pays ».

D’après les données du rapport, c’est la wilaya de Tizi Ouzou qui est en tête de liste avec 6 887 feux de forêt entre 1985 et 2022 (soit 181 FF/an en moyenne). Il s’agit de la Wilaya forestière la plus peuplée d’Algérie (plus de 1,2 millions d’habitants).

En plus de Tizi Ouzou, les Wilayas les plus touchées, avec 2 000 à 6 000 feux de forêt au total, sont Béjaïa (5 285), Jijel (4 864), Blida (4 416), Tipaza (4 166), El Tarf (4 122), Médéa (3 864), Skikda (3 928), Bouira (3 589), Ain Defla (3 410), Boumerdes (3 121), Chlef (2 871) et Souk Ahras (2 658). On y retrouve huit des Wilayas littorales.

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