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Filière avicole : mauvaise nouvelle pour le poulet algérien

Filière avicole : mauvaise nouvelle pour le poulet algérien

Les prix du soja et du maïs sont à nouveau à la hausse sur le marché mondial. Une situation qui fragilise la filière avicole algérienne dans la mesure où 80 % des charges des élevages proviennent du poste aliment.

La hausse des prix mondiaux de ces deux produits est peu favorable pour le consommateur qui devrait s’attendre à un maintien de prix élevés du poulet.

Hausse sur les marchés mondiaux

En cette mi-novembre, à la bourse de Chicago, le prix du soja flambe. Alors que les prix étaient en moyenne à 9 dollars en 2018, ils ont dépassé ce niveau en juillet 2020 pour culminer à 17,11 dollars à la mi-mai 2022. Depuis, ils sont redescendus sous les 15 dollars, cependant avec 13,8 dollars au 15 novembre, la tendance reste haussière. En cause, la poursuite de la sécheresse dans le centre et le nord du Brésil.

Selon le site spécialisé AgritechTrade : « Au Brésil, la majorité des graines de soja semées dans le Mato Grosso au cours des deux derniers mois sont soit mortes, soit en mauvais état et ont désespérément besoin d’eau. Reste que si l’eau arrive d’ici 45 jours, la casse pourra être moins importante ».

De son côté, le cabinet de courtage Inter-Courtage parle d’un excès de pluies dans le Parana (sud), ce qui freine les semis.

Cette situation intervient dans un contexte de baisse de production du plus gros exportateur mondial de soja : l’Argentine. Les analystes indiquaient en mars dernier une production de 27 millions de tonnes contre une moyenne supérieure à 50 millions de tonnes ces dernières années. Du jamais vu depuis le début des années 2000.

En Algérie, malgré les mesures du ministère de l’Agriculture et du Développement rural face à cette envolée des prix, les alternatives restent limitées. Jusqu’à présent, le levier utilisé a consisté à exonérer les éleveurs de la TVA sur le maïs et le tourteau de soja.

En début du mois, le ministre de l’Agriculture, Abdelhafid Henni, a précisé devant la presse que : « Pendant 3 ans, en Algérie les prix du maïs ont été les plus bas au monde ». Depuis fin 2022, des éleveurs se plaignent que le prix du quintal de soja soit passé de 5.000 à 12.000 DA et celui du maïs de 3.000 à 5.500 DA.

On peut se demander quel est le niveau de la marge bénéficiaire des importateurs de matières premières et des fabricants privés d’aliment pour volailles. Selon l’universitaire Kaci Ahcène, ces derniers « contrôleraient plus de 70 % du marché interne », de petits élevages souvent informels.

À côté d’importants élevages respectant les normes sanitaires tels les groupes privés Bellat, Bouziani, Mahi, Messani, Kherbouche, Khider, la majorité des élevages de volailles en Algérie reste en dessous de ces normes.

Conséquences, des indices de consommation désastreux de l’ordre de 2,35 selon cette même source. Pour obtenir un kilo de poulet, 2,19 à 2,35 kg d’aliments sont nécessaires contre seulement 1,75 à 1,68 à l’étranger.

En considérant les 220.000 élevages sur le territoire national, une amélioration de cet indice pourrait permettre de notables économies d’aliments. Des progrès possibles dans la mesure où il y a 20 ans cet indice était de 2,82-3,50.

Maïs et soja produits en Algérie ?

Face à l’envolée des prix mondiaux, l’Algérie peut-elle envisager de produire, même partiellement, du maïs et du soja localement ? Du point de vue agronomique cela est possible, reste à estimer les coûts de production. Il s’agit là de cultures d’été qui demandent une irrigation continue.

L’alternative serait de trouver des espèces d’hiver qui se suffisent de la pluie. Malheureusement, le lupin qui pourrait être une alternative au soja ne pousse pas en sol calcaire, un type de sol dominant en Algérie. Reste alors la féverole et le pois protéagineux. Quant au maïs, il peut être remplacé partiellement par de l’orge et du triticale.

Le développement de ces cultures passe par la capacité de l’agriculture locale d’emblaver plus de surfaces. Or, suite à la demande du président de la République Abdelmadjid Tebboune, un recensement des terres emblavées en céréales a été réalisé en 2022. Il est apparu que sur les 7 millions d’hectares de grandes cultures, seulement 1,8 million d’hectares étaient semés en céréales.

Il reste donc une marge pour développer de nouvelles cultures, ce qui suppose de lever les contraintes rencontrées par les agriculteurs. À titre d’exemple, en cette mi-novembre, la totalité des semoirs de la CCLS de Berrouaghia, soit plus d’une douzaine d’engins, restaient garés sous les hangars alors que novembre est le mois des semis.

Stratégie de l’offre contre celle de la demande

Dans les années 1970, pour les promoteurs du développement de l’aviculture en Algérie, l’idée était d’améliorer la couverture en protéines par le recours aux protéines animales.

Cette stratégie de l’offre est aujourd’hui mise à mal par la hausse incontrôlable des prix mondiaux du maïs et du soja. Une alternative serait d’agir sur la demande. Aux protéines animales, il pourrait être fait un plus ample recours aux protéines végétales.

Celles-ci concernent les légumes secs mais également les technologies alimentaires nouvelles liées aux protéines végétales texturées (PVT) quasiment inconnues en Algérie. Ce type de produits pourrait se substituer à la viande de poulet dans les cantines scolaires et universitaires.

En septembre dernier, face à la flambée de la viande de poulet, une directrice d’école se demandait sur les réseaux sociaux comment approvisionner la cantine de son établissement. Ces derniers mois les ministres de l’Agriculture et de l’Enseignement supérieur se sont concertés pour envisager un approvisionnement par l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) des restaurants universitaires en légumes secs.

L’approvisionnement des cantines des corps constitués devrait suivre. De son côté, en début de mois sur Ennahar TV, le secrétaire général de l’office a déclaré viser à l’avenir une production de semences de légumes secs sur 8.000 hectares au niveau de 34 fermes d’État. Le but est d’arriver à la culture de 150.000 hectares de pois chiche et lentille, de quoi couvrir la totalité des besoins nationaux.

En 1983, dans son étude sur la dépendance alimentaire de l’Algérie à l’horizon de l’an 2000, l’agro-économiste Dominique Badillo a modélisé les tendances selon deux scénarios.

La revue Persée a livré un compte-rendu de ces hypothèses : « Une ration alimentaire de type occidental, avec fort appel aux protéines animales, et un modèle maghrébin traditionnel, mais amélioré, faisant appel plus large aux protéines végétales (complémentation des acides aminés) et reposant notamment sur le blé dur, les légumes secs, les fruits secs ».

Dans son modèle, l’agro-économiste prend soin de tenir compte de 6 zones géo-écologiques, des différentes cultures, de 3 variantes de croît démographique et de 3 variantes de croissance agricole.

Il en arrive à la conclusion que : « Si l’objectif est la satisfaction des besoins alimentaires et la minimisation de la dépendance alimentaire, une action sur le type de consommation se relève plus efficace qu’une action sur le niveau d’intensification ».

Autrement dit, ce que le consommateur algérien met dans son assiette doit tenir compte de ce que peuvent réellement cultiver les agriculteurs locaux.

Il est à remarquer que ce genre de débat n’a pas cours en Algérie. Cependant, dans la pratique, quand des ménagères font leur marché, elles commencent à se détourner de la viande de poulet comme c’est déjà le cas avec la viande rouge.

Algérie : la filière avicole déstabilisée

La hausse continue des prix du maïs et du soja déstabilise la filière avicole en Algérie dans la mesure où l’approvisionnement des élevages repose entièrement sur les importations de ces produits. Une filière qui emploie 220.000 personnes et fait vivre 1,4 millions de personnes. Les prix élevés des matières premières obligent l’ensemble des opérateurs de la filière à se projeter sur le moyen terme afin de s’adapter à de futures évolutions incontournables.

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