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France : comment l’extrême-droite tente d’instrumentaliser la situation en Palestine

France : comment l’extrême-droite tente d’instrumentaliser la situation en Palestine

Comme les choses peuvent changer très vite. Il y a seulement cinq ans, en 2018, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) refusait au parti de Marine Le Pen de participer à une marche qu’il organisait à Paris.

Aujourd’hui, depuis les attaques des combattants palestiniens contre Israël samedi 7 octobre, le Rassemblement national et toute l’extrême-droite française se trouvent aux avant-lignes de la défense d’Israël contre ce qu’ils qualifient de « terrorisme du Hamas ».

Le successeur de Marine Le Pen à la tête du RN (ex-Front national), Jordan Bardella, a qualifié les attaques du 7 octobre de « crimes de guerre » et de « crimes contre l’humanité ».

Quant aux milliers de tonnes de bombes larguées sur les enfants de Gaza, il les considère comme une « réponse légitime d’Israël ».

Marine Le Pen a même appelé le monde à laisser faire l’armée israélienne, indiquant qu’il faut permettre à Israël d’ « éradiquer le Hamas ». Éric Zemmour, d’origine juive, a naturellement estimé que « le combat d’Israël est celui de notre civilisation ».

Dans l’évolution de la classe politique française sur la question juive, les choses n’ont pas seulement changé, elles se sont littéralement renversées.

L’extrême-gauche, qui a de tout temps défendu les juifs d’Europe, est accusée d’antisémitisme par la nouvelle extrême-droite, une mouvance bâtie sur les vestiges de la haine anti-juive des deux derniers siècles en Europe.

C’est la gauche qui a pris la défense du capitaine Dreyfus à la fin du 19e siècle, accusé de trahison parce qu’il était juif et enfoncé par l’autre camp de la classe politique, la droite et l’extrême-droite.

C’est encore la gauche qu’a trouvé à ses côtés le gouvernement du Front populaire de Léon Blum dans les années 1930, assailli par la mouvance antisémite qui n’a pas accepté que la France « gallo-romaine » soit dirigée par un juif.

Le monde n’a pas oublié l’Action française, qui peut être considérée comme l’ancêtre lointain du Front national, et Charles Maurras, dont l’un des objectifs déclarés était de priver les juifs français de leur citoyenneté.

Leurs héritiers, qui semblent aujourd’hui changer de fusil d’épaule, n’ignorent rien de ce passé.

France : alliance contre-nature entre l’extrême-droite et le sionisme contre l’islamisme

Marine Le Pen et Jordan Bardella ont évité de prendre part à la marche organisée lundi à Paris en soutien à Israël, préférant déléguer leurs députés, afin d’éviter d’embarrasser le CRIF qui sans doute n’a pas la mémoire courte.

Le fondateur du parti, Jean-Marie Le Pen, traine en effet un lourd passé d’antisémitisme assumé, lui ayant valu jusque des condamnations judiciaires.

Sa fille, qui a fait du rapprochement avec la communauté juive un segment de son entreprise de « dédiabolisation » du parti, s’est elle-même oubliée en 2017 lorsqu’elle a disculpé la France de sa responsabilité dans la rafle du Vel’d’Hiv pendant la seconde Guerre mondiale qui a vu des milliers d’enfants juifs arrêtés par la police de la France collaborationniste et remis à leurs bourreaux allemands.

Jean-Luc Mélenchon, le leader de la France Insoumise (LFI), lui, ne s’y est pas rendu, ni ses députés, car il ne cautionne pas ce qui se passe en Palestine.

C’est l’unique voix de toute la classe politique française qui a mis le doigt sur le véritable problème au Moyen-Orient, expliquant que si l’on est arrivé là, c’est à cause de la politique du gouvernement israélien. L’attaque du Hamas est survenue « dans un contexte d’intensification de la politique d’occupation israélienne », a fait remarquer LFI.

La réaction la plus violente est venue du chanteur pro-israélien Enrico Macias qui appelé ouvertement à liquider « physiquement «  « ces gens-là », mais celles de l’extrême-droite ne sont pas moins virulentes.

La nouvelle attitude de l’extrême-droite française s’explique par sa stratégie de dédiabolisation (du moins pour ce qui est du RN) et de brasser large, mais aussi par le fait que cette mouvance et le sionisme international se rencontrent dans leur haine de l’arabe et du musulman, et par extension de l’immigré.

Les derniers événements en Palestine et en Israël se présentent comme du pain béni pour Zemmour, Bardella, Le Pen et les autres qui tentent de l’instrumentaliser pour s’attaquer à l’immigration sous un angle inédit en exprimant des inquiétudes pour la sécurité des juifs de France.

L’extrême-droite a trouvé son nouvel ennemi, son nouveau bouc émissaire, sans doute plus par calcul que par conviction : l’antisémitisme ne fait plus recette en Europe.

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