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France : le glissement dangereux du discours anti-musulmans

France : le glissement dangereux du discours anti-musulmans

L’objectivité journalistique des médias français a fortement été mise à mal depuis le début de la guerre contre Gaza après les attaques du Hamas contre Israël samedi 7 octobre.

Les musulmans de France sont particulièrement ciblés par les défenseurs d’Israël parmi les médias et la classe politique.

De la lutte contre l’islam radical, puis de l’islamisme, la guerre contre Gaza a fait franchir à certains un autre pas. Désormais, ils parlent carrément de musulmans et non d’islamistes. Un glissement dangereux de la part de la nouvelle alliance entre les pro-israéliens et l’extrême droite.

La France officielle a très vite donné la couleur de son engagement. Emmanuel Macron et son gouvernement offrent un soutien inconditionnel à Israël, peu importe les conséquences sur les civils palestiniens dont le nombre de morts ne cesse d’augmenter.

La majorité des médias français a pris le parti de soutenir cette version en adoptant un traitement médiatique à deux vitesses de ce conflit. L’accent est davantage mis sur les victimes israéliennes présentées comme visées et traquées.

Alors que les blessés et les morts palestiniens résultent de dommages collatéraux ou d’erreurs de frappe. Même dans la mort, ces médias et les influenceurs israéliens qui peuplent leurs plateaux font la différence. Pour eux, les victimes israéliennes sont toujours au-dessus des autres.

À l’inverse, les médias qui accordent une place aux victimes palestiniennes dans leur ligne éditoriale sont vite pointés du doigts par les figures politiques. Par exemple, la Une du journal Ouest France consacrée aux victimes à Gaza a été condamnée par le secrétaire général du parti présidentiel Renaissance. Seulement parce qu’elle abordait un autre angle de vue.

L’Association des journalistes antiracistes et racisé·e·s (AJAR) dénonce d’ailleurs ce double traitement. L’AJAR reconnaît que les médias français ont su faire "à juste titre, des portraits humanisants des victimes israéliennes et étrangères".

Alors « les Palestinien·nes, de leur côté, ne bénéficient pas d’un tel traitement médiatique et sont souvent réduit·es à des additions désincarnées : 1000, 6000, 7000, 10 000 morts ».

L’association a d’ailleurs conçu un zapping de l’approche que les médias français ont adopté depuis le 7 octobre. Cette succession d’interventions médiatiques donne le ton général :

Pourquoi les médias français assument-ils si franchement cette différence de traitement ?

Un mélange de soutien à Israël et de lutte contre le cauchemar musulman de la France

Raconter ce conflit de manière égale est très compliqué pour les médias français. La France est l’un des pays qui compte l’une des plus grandes communautés juive et musulmane en Europe. Le pays, dans son histoire, a majoritairement pris position en faveur de la création d’un État d’Israël. L’escalade de violence au Proche-Orient la touche dans son histoire.

Mais ce conflit lointain réveille surtout les querelles internes que vit le pays. Puisqu’au-delà de son lien à Israël, une partie de la France persiste à voir le monde à travers une métaphore de "croisade".

Sa lutte contre l’islamisme mène le pays à lier chaque fait de ce conflit à sa propre politique. Or, cette politique est de plus en plus islamophobe.

La marche contre l’antisémitisme qui a eu lieu le 12 novembre a marqué un nouveau tournant. Au lendemain de cet événement, des médias français dont certains sont très proches de l’extrême droite ont surtout focalisé sur l’absence supposée de manifestants musulmans. Comme s’il s’agissait d’un événement censé les blanchir d’une accusation imaginaire.

Comme on peut le voir dans ce zapping média publié par le média Quotidien :

Comme à chaque attaque terroriste, les musulmans de France sont pris pour cible dans un débat qui ne les concernent pas. Il fallait être "Charlie", il fallait s’excuser de chaque attentat, comme si chaque Français pratiquant l’islam était complice d’actes radicaux et terroristes.

La normalisation de ce discours anti-musulmans en France est si présente que même le recteur de la Grande Mosquée de Paris a pris le parti de dénoncer l’attitude des médias.

Mais cet acharnement médiatique, politique et le fait de citer constamment les musulmans comme des personnes en faute qui refusent de se mobiliser pourra générer des situations dramatiques dans le futur.

La députée La France Insoumise, Nathalie Oziol, l’a souligné lors d’une intervention à l’Assemblée nationale :

Cette manifestation qui était censée être apolitique et sous le signe de la tolérance et de la paix est devenue le procès des musulmans. Un procès largement médiatisé qui laisse penser que l’islam est le cœur du problème et que les musulmans sont la source de l’antisémitisme en France. Quitte à frôler la diffamation et un racisme franchement assumé sur les plateaux de télévision.

Une critique des musulmans de France légitimée et renforcée

"Tu vas à la boulangerie pour t’acheter du pain et on te demande si tu es contre le Hamas, pour Gaza ou Israël. C’est pesant« , explique Asma, 37 ans, une Française d’origine maghrébine. »L’air est irrespirable, on doit forcément donner son avis, même si on n’en a pas", raconte Farid, 56 ans, un Franco-Maghrébin.

Ce traitement médiatique n’est pas sans conséquence. Il implique coûte que coûte les Français dans ce conflit qui a pris une dimension militante.

Comme ces deux témoins, de nombreux Français musulmans ou d’origine arabe se sentent à nouveau surveillés. On attend d’eux une forme de désolidarisation du Hamas, par extension de tous les Palestiniens et donc un soutien affirmé d’Israël. Sous peine parfois d’être accusé de frôler l’antisémitisme s’ils se risquent, à l’inverse, à évoquer leur solidarité pour les victimes palestiniennes.

Karim Benzema en a déjà fait les frais dès le début du conflit en raison d’un simple tweet solidaire avec les victimes de Gaza. Plusieurs personnalités politiques ont appelé à le destituer de sa nationalité française, à lui retirer son ballon d’or ou encore l’ont accusé à faire partie des Frères musulmans.

Cette exigence de solidarité envers Israël ne demande pas seulement aux musulmans de France de s’excuser – ce qui est déjà hors propos – mais surtout d’arrêter d’exister.

Il n’y a pas de place pour la nuance. Les discours dénonçant les discriminations à l’égard des musulmans de France dans les médias sont tout simplement inexistants.

Ceux qui parviennent à prendre la parole sont tout de suite moqués ou mis de côté. Très peu de journalistes, chroniqueurs ou personnalités sont autorisés à nuancer le traitement médiatique du conflit israélo-palestinien ou de manière plus générale de la communauté musulmane.

Lorsqu’ils le font, c’est une bataille. On a pu le voir pour Karim Zeribi dans la vidéo au-dessus qui tente d’expliquer l’attitude raciste de son interlocuteur sur le plateau de Laurence Ferrari. Ou encore Gilles Verdez, qui doit rappeler les larmes aux yeux que les musulmans sont à bout et ne demandent qu’à vivre sereinement au sein de la société française.

La presse française est en proie à un musellement de plus en plus forcé. Le conflit israélo-palestinien n’est que la partie émergée de l’iceberg. Depuis le début du second mandat d’Emmanuel Macron, plusieurs médias dénoncent l’impossibilité de faire leur travail de manière impartiale sous peine de mesures judiciaires, de pertes financières ou de pressions variées.

Le 30 novembre, 80 médias et organisations de journalistes se réuniront pour "libérer l’information des pouvoirs politiques, des médias de la haine et des milliardaires".

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